Un véritable leader réfléchit sur lui-même

Publié le 22/11/2008 à 00:00

Un véritable leader réfléchit sur lui-même

Publié le 22/11/2008 à 00:00

Spécialiste québécois du leadership à HEC Montréal, Laurent Lapierre dresse le portrait du dirigeant moderne.

Journal Les Affaires - À vos yeux, quel est le trait de caractère le plus important chez un leader ?

L. L. - La prise de conscience est essentielle. Il lui faut réfléchir à sa manière de diriger.

Un dirigeant qui carbure au pouvoir charismatique n'ira pas loin. Avant, ce pouvait être le cas; plus maintenant. Le public a vu neiger, et les journalistes vont tout de suite découvrir le manège. Il aura peu de chances de s'affirmer. Edgar Hoover est demeuré 50 ans à la tête du FBI. Ce ne serait plus possible de nos jours. Nous disposons de moyens pour mieux comprendre ce qui se passe. On compte maintenant quatre réseaux de nouvelles en continu au Canada !

JLA - Faut-il en comprendre qu'il est devenu difficile de durer pour un leader ?

L. L. - Je dirais qu'un leader doit aujourd'hui être capable d'évoluer dans un chaos relatif. Il n'y a plus d'ordre total. Notre régime démocratique permet des opinions différentes. On trouve toujours des gens pour dénoncer ce qui ne va pas à leur goût. Les opinions sont éclatées. Et, soumis à ce déluge d'informations, le public prend des positions divergentes. Nous ne sommes plus au temps de Duplessis où les opinions étaient contrôlées.

C'est la même chose en entreprise. Il faut donc que le leader réalise qu'il lui faut évoluer dans une sorte de chaos organisé. Il écoute, et puis il décide, dans un monde où la cohérence n'est plus la vertu dominante.

JLA - Mais ne doit-il pas demeurer, en définitive, une personne hors du commun ?

L. L. - Bien sûr. Au fond de lui-même, il est excessif. Dans la nature humaine, le fantasme de la toute-puissance a toujours existé. Souvent, chez les grands dirigeants, cette inclination se manifeste dès l'enfance. Ils veulent tout, tout de suite, mais c'est quand même un fantasme. En même temps, ils sont souvent hyperactifs et leur intelligence est vive. Ils pigent vite ! C'est le genre de personnes qui s'ennuient à l'école parce que leur cerveau travaille trop rapidement.

Mais ils évoluent avec le temps. Chez un leader, l'intelligence cognitive s'accompagne d'une intelligence émotionnelle. On s'était déjà rendu compte, avant le livre de Daniel Goleman sur l'intelligence émotionnelle, que le quotient intellectuel n'était pas tout dans la vie. Je pourrais même faire état de l'intelligence affective, de l'intelligence psychologique... Prenez Churchill. Il avait tout de suite compris Hitler, lui. "On ne négocie pas avec Hitler", avait-il dit.

JLA - Est-ce que ces dispositions sont innées, ou est-ce qu'elles peuvent se développer ?

L. L. - Disons qu'on peut les affirmer pour autant qu'on travaille sur soi. L'essentiel est de prendre conscience de son environnement, de pratiquer l'introspection. Il faut savoir s'arrêter un instant pour réfléchir à ce qui nous entoure.

C'est pourquoi les leaders, les vrais, sont curieux. Ce sont des amateurs de biographies. Pas pour copier ceux qui les ont précédés, mais pour s'en inspirer. "Qu'est-ce qui fait le génie chez ces gens ?" vont-ils se demander.

Un leader va donc chercher à entrer en contact avec lui-même. S'il y arrive, il va également entrer en contact avec son environnement. L'un ne va pas sans l'autre. Et ce contact peut se produire partout. Parfois par hasard; mais à partir du moment où sa conscience est éveillée, on met davantage de chances de son côté. C'est incontournable : un leader est attentif à ce qui l'entoure.

JLA - D'après ce que vous dites, l'exercice du leadership est pas mal plus compliqué qu'auparavant !

L. L. - Absolument. C'est pourquoi il faut travailler sur ses dispositions intérieures. Avoir un air de boeuf, ça ne fonctionne plus. Regardez les chefs d'orchestre. Arturo Toscanini battait ses musiciens ! Charles Dutoit s'est fait jeter dehors. Kent Nagano, lui, parle au public en français et discute avec ses musiciens. Yannick Nézet-Séguin raconte et explique.

On sent un nouveau courant. Les leaders sont moins tranchants qu'avant, ce qui ne les empêche pas de réaliser de grandes choses. Nagano a dirigé la Symphonie des Mille ! Mais on ne peut plus y arriver en invoquant le pouvoir. Il faut faire participer les gens. L'autorité hiérarchique ne suffit plus, y recourir signifie un aveu d'échec.

Le leader moderne discute et écoute. Ça ne l'empêche pas de décider. Il se peut même que le pdg se retrouve en lutte avec son conseil d'administration. Je trouve que cette situation, où le leader ne se comporte plus comme un dictateur, est meilleure, parce qu'elle mène à plus de créativité.

dossiers@transcontinental.ca

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