Très populaire mais peu profitable, la cuisine de rue

Publié le 21/09/2013 à 00:00, mis à jour le 19/09/2013 à 10:41

Très populaire mais peu profitable, la cuisine de rue

Publié le 21/09/2013 à 00:00, mis à jour le 19/09/2013 à 10:41

Bien que les restaurateurs de rue aient suscité beaucoup d'enthousiasme, rares sont ceux qui ont été en mesure d'engranger de gros profits dans le projet-pilote qui leur a permis d'exercer cet été leurs activités dans une dizaine d'emplacements de l'arrondissement Ville-Marie.

À elle seule, la conversion d'un camion coûte de 40 000 $ à 80 000 $. Il faut ajouter à ce montant l'essence et le propane et, parfois, le coût des réparations mécaniques. «Au bout de quelques semaines d'exploitation, notre comptable nous a prévenus que, si nous n'augmentions pas le prix de certains produits, le camion ne parviendrait pas à faire ses frais. Au risque de décevoir notre clientèle, nous avons suivi ses conseils», confie Alexander Ragoussis, chef responsable du camion Au Pied de Cochon.

Selon Valérie Impala, chef propriétaire du camion Lucky's, la rentabilité passe d'abord par un contrôle très serré des pertes. «Dans un restaurant, on n'a qu'à ouvrir le cahier de réservations pour savoir quelle quantité de nourriture on doit préparer. Dans un camion, c'est différent. On ne sait jamais à quoi s'attendre», ajoute-t-elle.

L'achalandage dépend d'un tas de facteurs. Notamment, de la météo. «Nous n'avons pas connu un aussi bel été que l'année dernière, et ça se voit dans les chiffres de vente. Pendant le Festival Juste pour rire, l'un des événements les plus achalandés de l'année, les camions ont dû évacuer le site deux fois en raison d'orages violents. Par contre, quand Dame Nature est conciliante, les clients sont au rendez-vous», affirme Gaëlle Cerf, vice- présidente de l'Association des restaurateurs de rue du Québec et cofondatrice de Grumman'78. Son camion à tacos est l'un des pionniers de la cuisine mobile.

L'emplacement est aussi déterminant en matière d'achalandage. Le midi, par exemple, les sites les plus prisés sont ceux qui sont situés à proximité des tours de bureaux, comme la place du Canada ou le square Victoria. Le soir, par contre, le centre-ville se vide, et c'est habituellement le calme plat dans tous les emplacements de Ville-Marie. «Pour que la bouffe de rue fonctionne vraiment à Montréal, il faudrait aussi l'implanter dans des quartiers plus résidentiels», estime Valérie Impala. L'objectif du projet-pilote, qui a été prolongé jusqu'au 3 novembre en plus d'être enrichi de deux nouveaux camions, consiste justement à établir un cadre réglementaire pour la vente de nourriture dans les rues du territoire montréalais.

Un succès au-delà des attentes

L'engouement des Montréalais pour la bouffe de rue a tout de même surpris quelques exploitants de food truck. «Lors de notre première sortie publique, nous nous étions préparés à servir quelque 200 clients, puisque c'est en moyenne le nombre de personnes que notre restaurant accueille chaque soir. Finalement, au bout d'une heure et demie, nous avons dû aviser les gens qui attendaient en ligne qu'il ne nous restait plus de nourriture ! Par la suite, nous avons considérablement augmenté notre mise en place», raconte Alexander Ragoussis.

D'après le cuisinier, ce succès s'explique par le rapport qualité-prix des plats concoctés par les restaurateurs de rue. «Grâce à notre camion, ceux qui n'ont pas les moyens de s'offrir un souper à notre restaurant peuvent vivre l'expérience Pied de Cochon à un coût plus abordable», explique-t-il.

D'après Marc-André Lavergne, chef et copropriétaire du camion Nomade So6, la diversité des menus contribue elle aussi à attirer les foules. «Il y en a pour tous les goûts, assure-t-il. Parmi les adeptes de la bouffe de rue, on compte non seulement des foodies, mais aussi des employés de bureau qui veulent manger sur le pouce, des familles qui font un pique-nique...»

Selon lui, tous ces gens ont tout de même un point en commun : ils sont branchés. «En quelques mois seulement, mon camion a rallié plus de 1 000 abonnés sur Twitter. À titre comparatif, le restaurant Accords, dont je suis aussi le chef et qui a pignon sur rue depuis quelques années, n'est suivi que par 600 personnes», souligne-t-il.

Consommateurs nomades

C'est que la cuisine de rue fait écho à une autre tendance : la mobilité virtuelle. «Avec la montée des appareils sans fil, les consommateurs sont plus nomades que jamais. Ils achètent en ligne et travaillent à distance. Avec leur camion, les restaurateurs peuvent suivre plus facilement leurs déplacements», dit JoAnne Labrecque, professeure à HEC Montréal et spécialiste du commerce de détail et de la distribution alimentaire.

De quoi encourager les restaurateurs. «L'expérience dans Ville-Marie a peut-être été moins profitable que nous ne l'aurions voulu sur le plan financier, mais elle nous a permis de nous faire la main. La cuisine de rue reviendra assurément l'année prochaine, tout comme nous», promet Marc-André Lavergne. Même son de cloche du côté d'Alexander Ragoussis et de Valérie Impala. Reste maintenant à savoir si le beau temps, lui, sera de la partie.

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