Toronto a pris les grands moyens pour se hisser au sommet

Publié le 27/03/2010 à 00:00

Toronto a pris les grands moyens pour se hisser au sommet

Publié le 27/03/2010 à 00:00

Le campus est magnifique, d'une grande qualité architecturale. On a gardé l'aile du Toronto General Hospital, où la première dose d'insuline au monde a été administrée, et on a bâti deux grandes tours de verre, reliées entre elles par un passage luminieux. Le lieu est central, entre Bay Street et Queen's Park, à deux pas de cinq grands hôpitaux universitaires et de l'Université de Toronto. Au coeur du savoir, de l'argent et du pouvoir politique.

Inauguré en septembre 2005, Le MaRS Discovery District est ce qu'on pourrait appeler un super-incubateur. Super, parce qu'en plus d'abriter des entreprises en démarrage et de leur fournir l'accès à des laboratoires et à des conseils, l'endroit héberge tous les acteurs essentiels à la chaîne d'innovation : des institutions de recherche, des cabinets d'avocats, des sociétés de capital de risque, des experts-conseils et même de futurs clients.

De l'argent privé

Les fondateurs et premiers bailleurs de fonds de MaRS sont un groupe de 12 personnes réputées qui ont mis 1 million de dollars chacun pour acheter le terrain, mis en vente par le réseau universitaire de santé.

" Nous avions constaté que, malgré des investissements importants dans la R-D, le Canada commercialisait peu sa recherche ", explique le Dr John Evans, ancien président de la Fondation canadienne de l'innovation, et le père fondateur de MaRS. Nous nous sommes dits qu'en réunissant sous un même toit les scientifiques, le capital et l'industrie, on se rendrait plus vite au marché ".

À l'ère du virtuel, la proximité figure-t-elle encore parmi les facteurs de succcès les plus importants en innovation ? Il est encore trop tôt pour savoir si MaRS est une réussite ou non, et si le jeu en vaut la chandelle compte tenu de tout l'argent investi - le centre a ouvert ses portes grâce à l'aide de 50 millions de dollars des trois paliers gouvernementaux et il reçoit 15 millions par an de subventions de fonctionnement - mais pour M. Evans, il est clair que la disponibilité de cet emplacement stratégique rendait le projet irrésistible. Même si cela équivalait à investir dans du béton plutôt que dans des PME. " C'est de ma faute, lance le Dr Evans. Je refusais obstinément qu'on transforme ce terrain en condos ! "

Neuf cent projets d'entreprises retenus

Force est de constater que, quatre ans et demi après son inauguration, MarS sert à quelque chose. D'abord, le taux d'occupation des immeubles est de 97 %. " Les chercheurs qui travaillaient avant dans des sous-sols d'hôpitaux ont des laboratoires et des espaces de travail neufs et éclairés. Ils sont ravis ", dit Nina Gazzola, directrice de l'exploitation.

Car avant tout, MaRS était destiné au milieu des sciences de la vie, même si aujourd'hui, près de la moitié de ses dossiers de démarrage touchent les technologies de l'information, et 20 %, les technologies vertes.

Les services - gratuits pour les entrepreneurs qui s'y inscrivent - sont en très forte croissance. Depuis l'inauguration, 1 800 projets d'entreprises ont été analysés et 900 ont été retenus.

" En ce moment, nous avons 400 dossiers actifs, dont la plupart n'ont pas encore atteint l'étape des revenus ", relate Don Duval, directeur des services d'affaires. MaRS compte aussi 40 entreprises en résidence, qui utilisent ses laboratoires.

Un fonds d'amorçage

Ce qui rendra les autres incubateurs envieux est que MaRS se soit vu confier la gestion d'un fonds d'amorçage de 30 millions de dollars par le ministère de la Recherche et de l'Innovation, en partenariat avec les Centres d'excellence de l'Ontario. Une preuve de confiance, estime M. Duval.

MaRS organise aussi des forums d'anges financiers. " Trois entreprises ont été présentées lors du dernier forum et elles ont attiré 900 000 $ de financement ", ajoute-t-il.

Tout récemment, MaRS a obtenu la gestion des transferts technologiques de 14 universités regroupées. En plus de ses volets éducation, services-conseils (offerts par des gens d'affaires bénévoles), immobilier, capital, MaRS a développé un volet recherche de marché - l'organisation a négocié pour obtenir gratuitement des rapports de recherche très coûteux comme ceux de Gartner, Forrester, etc. - de même qu'un volet intitulé Talent, où elle aide les entreprises dans leur processus de recrutement. Ayant accès à des centaines de CV, l'organisation se considère de plus en plus comme un courtier en talents, fait remarquer M. Evans. Depuis quelques mois, les dirigeants de MaRS sont à la recherche de partenaires dans les grandes entreprises pour tester les produits de ses entreprises en démarrage.

Chose certaine, poursuit le Dr Evans, l'organisation est gérée par des gens qui ont fait leurs preuves. Il vante la pdg, Ilse Treurnicht, docteure en chimie, ex-entrepreneure et ex-dirigeante du fonds de capital de risque Primaxis. Celui qui vient de succéder au Dr Evans à la tête du conseil de MaRS est nul autre que Gordon Nixon, le président de la Banque Royale du Canada...

Des dirigeants poids lourds, une vision claire, un soutien gouvernemental considérable, un emplacement stratégique au coeur de la ville sont les ingrédients principaux de ce projet ambitieux. L'avenir est toutefois loin d'être assuré.

La phase II, notamment, - un investissement de 240 millions - est gelée depuis un an. Le promoteur immobilier, une firme américaine, a été touché par la crise financière mondiale. " Nous espérons reprendre les travaux de construction le plus vite possible ", dit Nina Gazzola. D'après certaines rumeurs, GE a été approchée pour s'établir dans le futur édifice. Sauf que GE a, elle aussi, du mal à se relever de la crise. À suivre.

Le MaRS, en chiffres

750 000 pi2 de superficie. Passera à 1,5 million

1 800 personnes y travaillent

400 entreprises en exploitation

60 locataires

275 emplois créés jusqu'à maintenant

30 millions de dollars de budget annuel

Elles y ont réussi leur amorçage

Bering Media

Géo-marketing. Une entreprise qui permet aux annonceurs de rejoindre leurs clients locaux, quel que soit le site Web qu'ils consultent.

Bitstrips

Internet. Site Web de BD faites par les usagers.

ArcticDX

Biotechnologies. Elle développe des tests moléculaires pour le cancer du colon et la dégénérescence maculaire.

BlueZone Technologies

Technologies vertes et en santé. Elle offre de l'équipement pour prévenir et réduire les GES en salle d'opération.

suzanne.dansereau@transcontinental.ca

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