Soyez ouvert d'esprit sans être un caméléon

Publié le 06/12/2008 à 00:00

Soyez ouvert d'esprit sans être un caméléon

Publié le 06/12/2008 à 00:00

Par François Normand

Pas besoin d'aller à New York pour se retrouver dans un bain muticulturel digne des Nations unies. Il suffit d'assister à un cours dans une école de gestion à Montréal, où les étudiants sont de cultures diverses. Un microcosme annonciateur de ce à quoi ressemblera l'entreprise de demain.

Chose intéressante, les défis d'intégration dans les classes de gestion ressemblent également à ceux auxquels font et feront face les entreprises au Canada, selon Pierre Lainey, chargé de formation à HEC Montréal.

" Faire participer mes étudiants européens en classe est tout un défi, dit-il. Ils me disent : poser une question, c'est comme si on mettait en question la parole de l'enseignant. Ce sont donc des étudiants silencieux qui écoutent beaucoup. "

Le rapport à l'autorité est très différent du côté des étudiants québécois, qui n'hésitent généralement pas à poser des questions aux professeurs - même quand ils étudient en Europe !

Écoles de gestion et entreprises, même combat

Les entreprises québécoises sont aux prises avec la même réalité. La retenue dont font preuve les employés d'origine étrangère dans leurs interactions avec leurs supérieurs complique la vie de bien des gestionnaires qui souhaitent habituellement que leurs employés donnent leurs avis pour faire avancer l'organisation.

Même le travail d'équipe - où l'interaction est fondamentale - peut devenir problématique dans un contexte multiculturel, selon Françoise Morissette, spécialiste en leadership de l'Université Queen's, en Ontario.

" Par exemple, les gens de cultures asiatiques estiment, en général, qu'émettre une opinion peut être trop agressif si le leader du groupe a une opinion différente. Il y a pour eux toute une notion de hiérarchie à respecter. "

On le voit bien, l'expression du leadership varie d'une culture à l'autre. Cela dit, les entreprises peuvent rendre vivante et efficace leur culture de leadership tout en ayant un personnel d'origines très diverses.

Savez-vous (vraiment) qui vous êtes ?

Condition fondamentale : avant de vouloir communiquer sa culture de leadership aux employés venus d'ailleurs, il faut bien se connaître. " Il faut comprendre sa propre culture ", insiste Françoise Morissette.

Par exemple, le Québec est une société égalitaire, dont la structure hiérarchique n'a rien à voir avec celles de l'Europe - à l'exception des pays scandinaves - et de l'Asie. Dans les organisations, les Québécois ont une approche plus collectiviste : la gestion participative est presque une norme.

" Nos gestionnaires valorisent aussi les relations personnelles ", ajoute Denise Fortier, professeure à l'École de gestion Williams de l'Université Bishop's, en Estrie, qui vient de terminer une enquête auprès d'une vingtaine de hauts dirigeants d'entreprise au Canada.

Si implanter sa culture de leadership est crucial pour une entreprise, cela ne doit pas se faire au détriment de la diversité culturelle, préviennent les spécialistes.

" Si une organisation a une culture commune trop forte, on perd la richesse de la diversité, qui est un gage de succès, d'apport d'idées et de points de vue différents ", dit Pierre Lainey.

Selon Laurent Lapierre, professeur à l'École de gestion Telfer de l'Université d'Ottawa, les leaders doivent, dans la mesure du possible, s'adapter aux valeurs dominantes des nationalités présentes dans leur entreprise.

Par exemple, les employés sont-ils en majorité individualistes ou collectivistes ? " Un leader doit toujours être capable de se mettre dans la peau de ses employés ", dit M. Lapierre.

Toutefois, s'adapter à la diversité culturelle ne signifie pas pour autant devenir un caméléon, prévient Mario Roy, titulaire de la Chaire d'étude en organisation du travail à l'Université de Sherbrooke.

" On ne peut pas avoir une position avec un employé et agir à l'inverse avec un autre plus tard ", dit-il. Bref, le leader doit avoir une personnalité forte. C'est d'ailleurs essentiel pour que les employés aient des comportements et des intérêts communs.

Pour Françoise Morissette, les entreprises doivent trouver la zone de confort où la cohésion de la culture de leadership de l'entreprise sera en harmonie avec le respect de la diversité culturelle du personnel.

" C'est la zone où tous doivent s'adapter, gestionnaires comme employés ", dit-elle.

ATTENTION AU CHOC DES CULTURES

Dans une autre vie, Pierre Lainey était directeur des ressources humaines d'une PME française établie au Québec qui a eu des difficultés à concilier ses valeurs avec celles de ses employés québécois. Aussi, quand il discute de choc des cultures, ce spécialiste en leadership de HEC Montréal sait de quoi il parle.

" Dans cette entreprise, j'ai assisté à un choc culturel dès le départ ", se souvient-il, préférant taire le nom de cette société de haute technologie de Montréal, qui a fermé ses portes dans la foulée de l'éclatement de la bulle techno, au tournant des années 2000.

En France, le leadership s'exerce de façon autoritaire, et les employés n'ont pratiquement pas dans d'influence dans le processus de prise de décision. Au Québec, c'est le contraire : la gestion est plus participative, et les employés n'hésitent généralement pas à donner leur avis à leurs patrons. C'est cette différence fondamentale qui a provoqué le choc des cultures.

" Les dirigeants français s'étonnaient de cette proximité, y voyant presque de l'insubordination, dit Pierre Lainey. Les employés, eux, ne comprenaient pas cette culture autoritaire, qu'ils assimilaient à celle de leurs parents. "

Les Français ont finalement mis de l'eau dans leur vin, ce qui a contribué à rendre les relations plus harmonieuses, précise-t-il. " La direction a compris que les points de vue des ingénieurs, des techniciens et des programmeurs étaient importants pour l'entreprise. "

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