Société distincte, consommation distincte

Publié le 16/03/2013 à 00:00, mis à jour le 14/03/2013 à 09:34

Société distincte, consommation distincte

Publié le 16/03/2013 à 00:00, mis à jour le 14/03/2013 à 09:34

Les Québécois ont moins dépensé dans les épiceries et les dépanneurs, l'an dernier. Si bien que les ventes de nourriture par habitant ont chuté de 3,4 % de 2011 à 2012, pour atteindre 2 587 $. Il s'agit de la décroissance la plus marquée du pays. Et c'est aussi la première fois que les ventes totales déclinent dans la province, rapporte le Canadian Grocer.

La publication spécialisée qualifie l'année 2012 d'«extra difficile». Et affirme que l'industrie des supermarchés est stuck in low gear, c'est-à-dire qu'elle tourne au ralenti. Les ventes de nourriture au Canada ont augmenté exactement au même rythme que la population (+ 1 %) par rapport à l'année précédente... une année elle-même anémique (+ 1 %). «Ces deux années sont les pires sur le plan des ventes depuis plus d'une décennie [la moyenne de la dernière décennie s'établit à 3,4 %]», mentionne l'auteur et éditeur consultant du magazine, George Condon. Il faut remonter à 1996 pour trouver des données plus décevantes (- 0,5 %).

Dans l'ensemble du Canada, les ventes par personne ont plutôt été stables, à 2 471 $, indique le plus récent numéro du Canadian Grocer, dont le bilan annuel se base sur des données de Statistique Canada et sur ses propres estimations. Seules les ventes des magasins d'alimentation dits traditionnels sont prises en considération, ce qui exclut Walmart, Costco, Dollarama et les pharmacies.

L'Association des détaillants en alimentation du Québec confirme que l'année 2012 n'a pas été de tout repos pour ses membres. «Ça a été difficile. La profitabilité a décliné, et on prévoit que les prochaines années seront semblables. On se doutait des chiffres, mais c'est un choc. C'est préoccupant de voir que les ventes baissent étant donné que d'autres concurrents s'en viennent ici [Target à l'automne et des Supercentres de Walmart additionnels]», dit Pierre-Alexandre Blouin, vice-président, affaires publiques.

«Ce déclin reflète des gains de parts de marché par les Supercentres Walmart», ajoute Peter Sklar, analyste chez BMO.

Cet accroissement de la concurrence a rendu le marché «plus agressif» en ce qui concerne les prix, poursuit le représentant de l'ADA. «Les Québécois n'ont pas mangé moins. Ils ont acheté différemment. Ils sont plus attentifs aux promotions et font des réserves quand il y a des soldes.»

Les chiffres du Canadian Grocer «sont impossibles», croit quant à lui Jean-Claude Dufour, expert en distribution et marchandisage alimentaires à l'Université Laval. Le volume des ventes s'est maintenu, et compte tenu de l'inflation à 2,3 %, il ne voit pas comment les ventes en dollars pourraient être en recul. «J'ai beau faire tous les calculs, toutes les logiques, ça ne fonctionne pas. C'est impossible, parce qu'il n'y a même pas de hard discount au Québec [Lidl, Casino]. On a seulement du mass discount [Maxi et Super C].»

Le seul marché fragmenté

Malgré la baisse des ventes par habitant rapportée, les Québécois dépensent encore une plus grande partie de leur salaire en nourriture qu'ailleurs au pays. Les résidents de la société distincte laissent en moyenne 9,7 % de leur revenu dans les supermarchés. Cette proportion est légèrement inférieure à celle de 2011 (10,3 %).

En Ontario, où les épiceries se livrent une féroce guerre de prix depuis l'arrivée des Supercentres de Walmart, on consacre 6,9 % de ses revenus à l'achat d'aliments. La moyenne canadienne s'établit à 8,2 %, l'un des plus bas ratios parmi les pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques.

Si l'assiette des Québécois diffère de celles qu'on retrouve sur les tables de la Saskatchewan, c'est loin d'être la seule distinction. Le paysage est tout aussi différent : seule la province qui a vu naître Steinberg, Provigo et Metro compte encore une majorité d'indépendants (63,2 %). Ailleurs au pays, les grandes chaînes d'alimentation contrôlent jusqu'à 77 % du marché.

«Pour le consommateur, c'est une bonne nouvelle. Il y a plus de concurrence dans l'offre et un plus large éventail de commerces différents, commente Pierre-Alexandre Blouin. En revanche, avec l'arrivée de très gros joueurs, c'est plus difficile pour les indépendants de soutenir des guerres de prix.»

L'ANNÉE 2012 EN CHIFFRES

86 202 534 000 $

Ventes au détail totales, au Canada (magasins traditionnels1)

+ 1 % Croissance des ventes de nourriture et de la population

COMMENT EXPLIQUER LA FAIBLESSE DES VENTES DES ÉPICIERS ?

132 magasins de moins qu'en 2011

Plus d'aliments achetés dans d'autres types de commerces (Walmart, Costco, Pharmacie, Dollarama, etc.)

Augmentation du nombre de petites épiceries asiatiques

Prudence élevée des consommateurs (ventes accrues d'aliments en solde)

LES MAGASINS NON TRADITIONNELS GAGNENT DES PARTS DE MARCHÉ

Walmart + 20 % en un an = 6 G$

Costco + 10 % en un an = 8 G$

Province / Ventes 2012 / Parts du marché canadien / Variation des ventes 2011-2012

Ontario / 27,7 G$ / 32,2 % / + 2,2 %

Québec / 20,8 G$ / 24,2 % / - 2,5 %

Alberta / 12,2 G$ / 14,1 % / + 5,3 %

C.-B. / 12,0 G$ / 13,9 % / + 0,9 %

VARIATION DES REVENUS PAR TYPE DE COMMERCE

+ 1,8 % Magasins corporatifs et grandes chaînes de dépanneurs

+ 0,4 % Franchisés/marchands propriétaires

- 4,4 % Indépendants non affiliés

40 %

Proportion des ventes d'aliments réalisées par les supermarchés d'escompte (Maxi, Super C). Les épiceries «traditionnelles» comme Metro, Loblaws, Provigo et IGA se partagent le reste.

Source : Canadian Grocer

1 Sont considérés comme des magasins traditionnels : les supermarchés (corporatifs, franchisés, affiliés ou indépendants) et les dépanneurs faisant partie de chaînes de quatre établissements ou plus.

marie-eve.fournier@tc.tc

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