Pros recherchés pour défis élevés

Publié le 13/04/2013 à 00:00, mis à jour le 11/04/2013 à 09:05

Pros recherchés pour défis élevés

Publié le 13/04/2013 à 00:00, mis à jour le 11/04/2013 à 09:05

Lorsque Hélène Jolin a commencé à s'engager auprès d'organismes communautaires, dans les années 1970, ce milieu entendait rarement parler de planification stratégique. Aujourd'hui, P.A.I.R., l'organisme dont elle est vice-présidente, offre des services de consultation et d'accompagnement en gestion et en développement communautaire auprès des OSBL qui désirent mieux structurer leurs opérations. «Les organismes communautaires voient de plus en plus l'importance de se doter d'un tel outil, explique-t-elle. La concurrence est vive pour l'obtention de fonds. Les organismes les plus structurés seront les gagnants de la grande loterie que constitue l'obtention de subventions et de dons.»

Cet exemple illustre bien la professionnalisation du milieu philanthropique. En 2009, l'Université de Montréal mettait sur pied le premier certificat en gestion philanthropique francophone du Québec. Les trois quarts des étudiants qui fréquentent le programme sont des femmes. L'âge moyen, qui est de 42 ans, reflète une très grande diversité, puisqu'on retrouve 6 % d'étudiants de moins de 30 ans et 28 % de plus de 50 ans. Ils y apprennent les stratégies de développement, la façon d'organiser des événements-bénéfice, les cadres et les normes en philanthropie, etc.

«Avant, il y avait beaucoup d'intuition et d'improvisation en gestion philanthropique», explique Daniel Lapointe, enseignant à ce certificat. Son livre, La gestion philanthropique : Guide pratique pour la collecte de fonds, paru en janvier dernier, est le premier ouvrage francophone à traiter de ce sujet. «Ça en dit long !» s'exclame l'auteur.

«Notre mécénat n'a pas 50 ans», affirme Colette Cummings, consultante en philanthropie, administratrice et responsabledu comité des communications de l'Association des professionnels en gestion philanthropique (APGP). «Historiquement, au Québec, c'est la religion catholique qui s'est occupée de la charité. Les francophones n'étaient pas très riches. Il a fallu attendre le Québec inc. et le boom informatique, qui ont créé une nouvelle génération d'entrepreneurs fortunés, pour voir émerger une culture philanthropique», dit-elle.

La course aux compétences

Avec le développement de cette culture est venu le besoin de compétences. De plus en plus, les gestionnaires d'organismes communautaires ou de fondations ont des comptes à rendre aux donateurs. «Tout le monde est responsable des résultats. Par exemple, un coordonnateur d'événement ne doit pas dépenser plus de 30 % de ce que l'événement rapporte», explique Colette Cummings.

«Puisque c'est un secteur en croissance, il existe plus d'organisations de bienfaisance qu'il y a 20 ans. On a donc plus d'attentes à l'égard de ces organisations, et pas seulement des attentes financières. On veut qu'elles fassent preuve d'éthique, de transparence, qu'elles aient une gestion professionnelle et qu'elles limitent le gaspillage. Bien sûr, on peut apprendre tout ça sur le tas, mais on s'attend de plus en plus à ce que les gestionnaires soient formés», dit Daniel Lapointe.

«On attend de ces gestionnaires qu'ils soient de véritables pros de la philanthropie», ajoute Christian Bolduc, pdg de BNP, une firme de consultants en gestion philanthropique. Les besoins sont plus grands : si on avait besoin de 10 000 $ avant, maintenant, c'est 1 million de dollars. La pression est plus forte sur les collecteurs de fonds. «Le personnel a des exigences plus élevées, et pour cette raison, ça prend du personnel qui travaille efficacement et qui va chercher le maximum pour la cause. Les gestionnaires doivent donc connaître les différents programmes de financement, bien aiguiller leur CA sur les bonnes pratiques de gouvernance, être performants», dit-il.

S'aligner sur les salaires du privé

Pour aller chercher les meilleurs éléments, il faut leur offrir des salaires à la hauteur. «Quelqu'un qui livre la marchandise a forcément des talents recherchés dans le secteur privé, où il aurait un salaire plus élevé, estime Daniel Lapointe. C'est normal qu'on lui offre ce qu'il vaut sur le marché.» Mais cela suscite parfois des questionnements au sujet d'organisations qui tentent de collecter des fonds pour aider les plus démunis.

«Souvent, les membres des CA font partie du même milieu que celui que l'organisme aide. Pour eux, un salaire de 40 000 $, c'est énorme, mais si on calcule les tâches d'un directeur général, ce n'est pas tant que ça», estime Hélène Jolin. «Ce que les gens oublient quand ils donnent, c'est que, pour pouvoir faire un bon travail dans le milieu, on ne peut pas se fier uniquement à l'action bénévole», dit-elle.

«Il faut comprendre qu'on doit payer un personnel qualifié pour obtenir des résultats, fait valoir Christian Bolduc. Ce sont des choses qui se monnaient. Les salaires dans le milieu sont déjà en deçà de ceux du privé», dit-il.

«De plus en plus, le milieu offre des postes dotés de salaires intéressants à des jeunes qui sortent de l'université, pense pour sa part Colette Cummings. Avant, les salaires étaient plus bas, les postes s'adressaient surtout à des retraités indépendants de fortune.»

Heureusement, les jeunes diplômés en gestion philanthropique n'ont pas que l'argent en tête. Beaucoup sont attirés par le fait de redonner à leur communauté. Colette Cummings ajoute qu'ils ont aussi besoin de défis, «et ça, la philanthropie leur en offre !»

LES NOUVEAUX ÉLÈVES SOLLICITENT LES ANCIENS

Le bassin de donateurs d'un collège privé se résume à quelques partenaires, des enseignants, mais surtout d'anciens élèves. En 137 ans d'existence, le Séminaire de Sherbrooke a accumulé près de 25 000 noms dans sa base de données. Des données qui, on s'en doute, ne sont pas systématiquement à jour !

En 2010, la fondation du Séminaire de Sherbrooke lançait une campagne de financement majeure qui, à terme, en 2014, devait rapporter 2,5 millions de dollars. Or, à ce jour, l'organisme a réussi à obtenir, en dons et en promesses, 4,1 M$. Ce résultat qui dépasse les attentes étonne, d'autant plus qu'il s'agissait de la première campagne majeure de la fondation. Le plus grand défi, pour cette organisation fondée en 1999, a été de constituer une équipe à partir de presque rien, et en puisant à l'intérieur d'un bassin restreint d'anciens élèves.

Pour atteindre ses objectifs, le directeur général de la fondation du Séminaire de Sherbrooke, Olivier Désilets, a mandaté des élèves du collégial pour qu'ils mettent à jour les coordonnées de plusieurs anciens. Mais surtout, il a monté un document faisant état des besoins du collège de façon à convaincre les anciens les plus influents de s'investir dans l'aventure.

«Au lieu d'avoir un seul président d'honneur, nous avons créé un cercle d'honneur, constitué de neuf personnes, ainsi qu'un cabinet de campagne de 12 membres, explique-t-il. Ces personnes clés, choisies selon leur profil, ont agi comme autant d'agents multiplicateurs, chacun d'eux ayant contribué à la cause et sollicité quatre ou cinq autres anciens. C'était un défi de mobiliser une équipe, de gagner des gens à notre cause et de les convaincre des bienfaits de cette campagne.»

La campagne n'est pas terminée et il reste encore plusieurs personnes à convaincre, puisque la somme recueillie jusqu'à maintenant ne provient que de 625 donateurs. J. Lussier

MAINTENIR LES MÉDECINS EN BEAUCE

Convaincre des Québécois francophones de donner à une bonne cause est déjà tout un défi. Les convaincre que bâtir un centre médical est une bonne cause est une autre paire de manches.

Le centre médical de La Nouvelle-Beauce regroupe trois cliniques qui couvrent neuf municipalités. En novembre 2012, l'organisme a lancé une campagne de financement dont l'objectif était d'amasser 2,5 M$ d'ici juin 2013. Les chiffres ne sont pas encore tous comptabilisés, mais jusqu'à présent, l'organisation a recueilli 1,6 M$ et compte bien atteindre ses objectifs.

Pour Louis Parent, le coordonnateur de cette campagne, un des défis les plus importants est de convaincre les donateurs du bien-fondé de la cause. «Le commentaire qu'on entend le plus, c'est que la santé, c'est la responsabilité du gouvernement, dit-il. Les gens se demandent aussi pourquoi ils devraient payer pour la construction d'un centre médical, ils croient que ça devrait être aux médecins de payer.»

Or, Louis Parent soutient que les citoyens doivent faire quelque chose pour assurer un accès aux soins de santé dans la région, attirer et retenir de nouveaux médecins. «Les médecins qu'on a dans la région sont en fin de carrière. C'est pourquoi ils ne se sont pas regroupés pour construire la clinique», explique-t-il.

Pour convaincre les donateurs, les bénévoles sensibilisent l'opinion populaire au besoin de se serrer les coudes pour maintenir les médecins dans la région. «Quand on approche des entreprises, on leur dit que c'est avec des soins de santé de proximité qu'on maintient une population active dans le milieu, dit Louis Parent. Si on ne peut plus soigner les gens de la région, ils déménageront. On martèle le message que la communauté doit s'investir, parce que c'est toute la population qui bénéficiera du centre médical», dit-il. J.L.

RÉCOLTER DES FONDS EN PLEINE CRISE FINANCIÈRE

Dans une région où l'économie est fondée sur les grandes industries, mener une campagne de financement en pleine crise financière, c'est naviguer en eau trouble.

L'objectif de la dernière campagne majeure de la fondation de l'Université du Québec à Trois-Rivières, lancée en 2008, était d'atteindre 20 millions de dollars en 2014. «N'eût été la crise financière, nous aurions mis la barre plus haute», admet d'emblée Martine Lesieur, directrice de la campagne.

«La dernière campagne s'était soldée par un résultat de 18 M$. Si le contexte financier avait été moins difficile, on aurait peut-être ciblé 23 M$. Mais comme l'économie d'ici est fondée sur la grande industrie et que plusieurs entreprises étaient en difficulté, l'objectif a été plus modeste», explique Martine Lesieur. Or, l'équipe de la fondation a su surmonter ce défi, puisque 22,3 M$ ont été recueillis et qu'on s'attend à conclure la campagne en 2014 avec des dons de 24 M$. Sans la crise financière, les organisateurs estiment qu'ils auraient pu amasser jusqu'à 28 M$.

À la crise de 2008 s'ajoute un autre défi pour la région : la fermeture de Gentilly-2. «C'est une perte directe de 800 emplois dans la région, dit Jacques Bégin, directeur général de la Fondation de l'UQTR. Des emplois pour du personnel scolarisé, avec de très bons salaires. Pour ces familles-là, la priorité, c'est de manger, bien avant de donner à la fondation», dit-il.

Mais à Trois-Rivières, il n'y a pas que les grandes industries qui font rouler l'économie. Il y a aussi l'université elle-même, et c'est ce message qu'envoie la fondation aux donateurs, comme l'indique son slogan : «Imaginez Trois- Rivières sans université». «L'UQTR, c'est 13 500 étudiants qui mangent, se logent, voyagent et ont des loisirs. Leur présence a des retombées de 180 à 200 M$ par année sur la région», estime Martine Lesieur. J.L.

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