Pourquoi la productivité du Québec traîne la patte depuis 30 ans

Publié le 09/06/2012 à 00:00

Pourquoi la productivité du Québec traîne la patte depuis 30 ans

Publié le 09/06/2012 à 00:00

En matière de productivité, le Québec est à la remorque des pays industrialisés. Rattraper ce retard représente un défi, mais c'est essentiel. Voici un état des lieux de la situation. Dans nos prochains numéros, nous vous présenterons des solutions, avec des cas concrets d'entreprises qui passent à l'action.

C'est un échec. Malgré tous les efforts des gouvernements, le Québec traîne toujours la patte depuis 30 ans en matière de productivité par rapport aux principaux pays industrialisés.

Non seulement nous travaillons moins d'heures par semaine que nos voisins américains, mais nous ne travaillons pas assez efficacement. En une heure de travail, un Québécois produit moins d'unités de PIB (de biens ou de services) qu'un Canadien moyen, un Américain ou un Norvégien, selon une récente étude du Centre sur la productivité et la prospérité à HEC Montréal.

Attention : ne sombrons pas dans l'autoflagellation, prévient l'économiste de l'UQAM Pierre Fortin. Le Québec n'est pas le seul dans cette situation. En fait, c'est le Canada central qui a un problème de productivité. «L'Ontario est poche, et le Québec l'est aussi, tout comme le Canada en moyenne.»

En fait, le Canada est moins productif que la plupart des pays développés. En 2010, la productivité d'un Canadien (le nombre d'unités de PIB produites par heure travaillée) s'élevait à 55,06 $ CA, soit moins qu'en moyenne dans 20 des 34 pays de l'OCDE (59,96 $), qu'aux États-Unis (66,66 $) et en Norvège (92,60 $, avantagée par les prix élevés du pétrole).

Le mystère de la faible productivité

Les spécialistes n'ont pas de réponse simple pour expliquer la sous-performance du Québec, notamment pourquoi sa productivité augmente moins vite depuis 30 ans que celle de l'Ontario, pourtant loin d'être un modèle.

«Nous avons par exemple regardé la structure industrielle des deux provinces, mais nous n'avons rien trouvé de significatif pour expliquer cet écart de productivité», dit Robert Gagné, directeur du Centre sur la productivité et la prospérité à HEC Montréal.

«Pourquoi ce retard du Québec et du Canada par rapport à l'OCDE et aux États-Unis ? Nous ne le savons pas vraiment», admet l'économiste Pierre Fortin, qui siège au comité éditorial de l'Observateur international de la productivité, un rapport publié deux fois par an par le Centre d'étude des niveaux de vie, à Ottawa.

Bien entendu, ces spécialistes ont des hypothèses. Tous pointent du doigt le sous-investissement des entreprises canadiennes dans l'équipement, surtout dans les technologies de l'information et des communications. En 2010, selon la firme Gartner, les organisations au Canada ont dépensé 74,7 milliards de dollars américains en TI, par rapport à 958,3 G$ US aux États-Unis (13 fois les investissements au Canada, alors que le PIB américain n'est que 11 fois celui du Canada).

«Même si les entreprises investissent plus depuis quelques années, elles pourraient faire davantage pour automatiser leurs processus», laisse tomber Simon Prévost, président des Manufacturiers et exportateurs du Québec.

Robert Gagné soutient que les entreprises canadiennes n'investissent pas assez parce qu'elles estiment que cela n'en vaut pas la peine. Et à ses yeux, le grand responsable de ce paradoxe est le manque de concurrence au pays.

Des monopoles étouffants

Les spécialistes en productivité mettent aussi dans le box des accusés la grande quantité de monopoles publics dans plusieurs secteurs de l'économie canadienne, entre autres celui de l'énergie (BC Hydro, Hydro-Québec, etc.), de la vente d'alcool (LCBO, SAQ, etc.) ou de l'agriculture, dotée d'un système de la gestion de l'offre qui encadre la production de lait, d'oeufs et de volailles au Canada.

Au Québec, Pierre Fortin dénonce pour sa part la concentration monopolistique dans l'industrie de la construction, qui n'a rien pour stimuler la productivité. Les syndicats et les entrepreneurs y fixent entre eux les conditions de travail dans la province sans se préoccuper de la concurrence.

Cela fait en sorte qu'au Québec, la rémunération horaire globale dans la construction est 23 % plus élevée que celle de l'ensemble du secteur privé, selon l'économiste de l'UQAM. «En Ontario, où une telle concentration monopolistique au sommet n'existe pas, la rémunération dans la construction ne dépasse celle de l'ensemble du secteur privé que de 6 %.»

Martine Hébert, vice-présidente Québec de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, a aussi son idée sur les raisons du retard du Québec : les fardeaux fiscal et administratif qui écrasent les entrepreneurs québécois. «Si les PME étaient moins taxées et devaient consacrer moins de temps à remplir une foule de paperasses, elles auraient plus d'argent et de temps pour investir et accroître leur productivité !»

Le taux d'imposition des bénéfices de PME au Québec est de 8 %, alors que le taux moyen dans les provinces canadiennes s'élève à 4 % (au Manitoba, la Province ne les impose pas). Quant à la paperasse, les entreprises québécoises dépensent collectivement 7 G$ pour se conformer aux lois fédérales, provinciales et municipales (30 G$ dans l'ensemble du Canada).

Plus de diplômes universitaires, SVP

James B. Milway, directeur exécutif du Martin Prosperity Institute à l'Université de Toronto, cible quant à lui le faible taux de diplomation universitaire au Québec par rapport à la moyenne canadienne, principalement en ce qui a trait à la formation des gestionnaires dans les organisations. Au Québec, le taux de diplomation universitaire (pourcentage de diplômés des trois cycles dans la population âgée de 15 ans et plus) s'élevait à 16,5 %, selon le recensement de 2006 (le plus récent à ce sujet). La moyenne canadienne était de 17,5 %, et la moyenne ontarienne, de 20,5 %.

James B. Milway affirme que le niveau d'études des dirigeants est primordial. Plus ils sont formés, plus leur organisation adopte les nouvelles technologies qui permettent à leurs employés d'accroître leur productivité. «Or, beaucoup de patrons ne sont pas assez formés pour comprendre l'importance stratégique d'investir constamment dans les technologies de l'information», dit-il.

LA PRODUCTIVITÉ AUGMENTE MOINS VITE AU QUÉBEC QU'EN MOYENNE AU CANADA

Croissance de la productivité de 1997 à 2007

Alberta 8,16 %

C.-B. 12,32 %

Québec 14,24 %

Canada (moyenne) 15,89 %

Ontario 16,82 %

En retard sur la plupart des pays développés

Juridiction / PIB par heure travaillée¹

Norvège (maximum de l'échantillon) / 92,60

États-Unis / 66,66

OCDE (moy. 20 pays) / 59,96

Canada / 55,06

Québec / 49,90

Corée du Sud (minimum de l'échantillon) / 33,16

Autrement dit, un travailleur québécois produit 49,90 $ de biens et services en une heure. C'est presque deux fois moins qu'un travailleur norvégien.

¹ Productivité en 2010 dans 20 pays de l'OCDE, en dollars canadiens de 2010 Source : Centre sur la productivité et la prospérité

Les raisons invoquées

Investissements insuffisants

Monopoles dans certains secteurs

Paperasserie lourde

Taux de diplomation faible

«Faire des affaires au Canada est globalement assez pépère. Cela n'incite pas les entreprises à investir. Dans ce contexte, pourquoi risqueraient-elles d'acheter de nouvelles technologies ?» - Robert Gagné, directeur du Centre sur la productivité et la prospérité à HEC Montréal

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