Pas de quotas pour le Québec

Publié le 20/04/2013 à 00:00, mis à jour le 18/04/2013 à 09:46

Pas de quotas pour le Québec

Publié le 20/04/2013 à 00:00, mis à jour le 18/04/2013 à 09:46

Le gouvernement du Québec a imposé à ses sociétés d'État des quotas de femmes à leurs conseils d'administration. Mais il ne fera pas de même pour les entreprises cotées en Bourse. Du moins, pas s'il suit les recommandations des huit membres de la Table des partenaires influents, mise sur pied par l'ex-gouvernement de Jean Charest. Après un an de discussions, le comité dévoile son rapport cette semaine. Sa principale recommandation : la manière douce, soit des mesures volontaires, comme en Grande-Bretagne.

Favoriser la progression des femmes dans les hautes instances des sociétés cotées en Bourse. C'est le mandat complexe et délicat que le gouvernement Charest a confié en janvier 2012 à la Table des partenaires influents. Coprésidé par Monique Jérôme-Forget, ex-présidente du Conseil du Trésor, et Guy Saint-Pierre, ex-pdg de SNC-Lavalin et ex-politicien, le comité a dévoilé son rapport en primeur à Les Affaires.

La Table y va d'une conclusion sans équivoque : les quotas de femmes, ce n'est pas le Québec.

Et ce, même si on est très loin de la parité dans les CA et la haute direction des entreprises. Le quart des 50 plus importantes sociétés québécoises cotées en Bourse ne comptent aucune femme dans leur CA. Chez les autres, celles-ci occupent à peine 15 % des sièges. On peut toujours se consoler en se comparant à nos voisins du Sud. Là-bas, les femmes occupent 16 % des sièges au CA des grandes entreprises.

Ce n'est guère mieux du côté des postes de haute direction. Parmi les entreprises du Fortune 500 ayant un siège social au Québec, moins de 20 % des cadres supérieurs sont des femmes.

Comment faire mieux ? Les Affaires a demandé à trois membres de la Table (Monique Jérôme-Forget, Isabelle Hudon et Yvon Charest) de nous en parler.

1 Pourquoi le gouvernement doit-il se mêler de ce dossier ?

«L'histoire montre qu'on ne peut pas compter sur l'évolution de la société et des mentalités pour atteindre la parité hommes-femmes aux conseils d'administration ni dans les postes de gestion», constate Isabelle Hudon, présidente de la Financière Sun Life, Québec.

«Parce que c'est dans la nature humaine de perpétuer les modèles existants, répond quant à lui Yvon Charest, président et chef de la direction de l'Industrielle Alliance. Les gens regardent qui occupent ces postes et, lorsque ceux-ci partent, on recrute d'autres candidats semblables pour les remplacer.»

Voilà 30 ans que les écoles de gestion produisent autant de diplômés que de diplômées, ajoute-t-il. «On pourrait en conclure qu'après une génération, davantage de femmes occuperaient des postes de gestion et d'administratrices. Puisque ce n'est pas le cas, il faut intervenir.»

2 Vous recommandez de ne pas imposer des quotas aux entreprises. Était-ce une décision unanime ?

Seule Monique Jérôme-Forget prônait les quotas. Tous les autres membres du comité y étaient opposés. Et ce, pour deux raisons.

D'abord, à cause de l'environnement légal et réglementaire. Le Québec n'est pas un pays. Plusieurs entreprises ont une charte fédérale, ce qui limite la capacité d'intervention de la législation québécoise. De plus, faire cavalier seul face aux autres provinces peut poser un désavantage concurrentiel aux entreprises québécoises. On a aussi rejeté les quotas pour des raisons culturelles.

«Nous savions que, si le gouvernement imposait cette mesure, ce serait très mal reçu par les entreprises», confie Isabelle Hudon.

«Nous avons estimé qu'au Québec il est préférable d'inciter que d'imposer», ajoute M. Charest.

3 Comment une approche volontaire peut-elle être efficace ?

On compte sur l'émulation. On veut prêcher par l'exemple. Yvon Charest cite le pdg de la Banque Nationale, Louis Vachon, qui s'est engagé publiquement à atteindre la parité à son conseil. «Nous allons faire beaucoup de bruit autour des succès de parité, dit Yvon Charest. Celles qui résistent se rendront compte que le monde change autour d'elles.»

À la célébration s'ajoute la divulgation. «Nous incitons les entreprises à prendre des engagements quant à la présence des femmes et à divulguer les avancées dans leur rapport annuel», explique Monique Jérôme-Forget.

4 Pourquoi faut-il viser la parité aux postes de gestion et aux CA ?

La Table des partenaires influents identifie quatre raisons. D'abord, l'accès à un plus grand bassin de compétences. Une main-d'oeuvre de qualité, ajoute Isabelle Hudon. «Nous réussissons mieux que les gars à l'école. Cela démontre qu'il existe une expertise riche chez les femmes dont les entreprises ne peuvent se priver.»

Ensuite, une meilleure gestion du risque. Les entreprises qui comptent davantage de femmes à leur CA et à la haute direction consacrent plus de temps et de ressources à la gestion du risque. Il semble aussi que celles qui ont davantage d'administratrices entretiennent de meilleures relations avec leur personnel. On avance souvent que 90 % des décisions d'achat sont prises par des femmes. Ajouter des femmes à son CA permettrait donc de mieux répondre aux besoins du groupe le plus influent de consommateurs.

5 Concrètement, qu'est-ce qu'une entreprise a à y gagner ?

Une analyse plus complète des dossiers, répondent les membres de la Table dans leur rapport. «Les femmes étudient les dossiers de façon plus holistique, estime Monique Jérôme-Forget. Les hommes sont plus "carrés", moins pointilleux. Avant de prendre une décision, les femmes prennent en considération tous les impacts possibles. Elles évaluent l'environnement. L'approche féminine n'est pas nécessairement meilleure. Mais, sans elle, l'analyse d'un dossier sera toujours incomplète.»

6 S'y prend-on de la même façon pour augmenter la présence des femmes aux CA et aux postes de direction ?

Non. Il est beaucoup plus long et beaucoup plus difficile d'augmenter la proportion de femmes administratrices. «Il y a beaucoup moins de roulement pour les postes d'administrateurs, répond Isabelle Hudon. Il est beaucoup plus facile de créer des programmes et des occasions pour les femmes cadres. Dans le dossier de la parité, les pdg ont plus de flexibilité pour agir que les présidents de conseils.»

7 On évoque de plus en plus la diversité. Inclure le dossier de la parité dans celui de la diversité le ferait-il avancer plus rapidement ?

«Idéologiquement, je hais ça que les femmes soient incluses dans le dossier de la diversité, répond Isabelle Hudon. Mais j'achète l'argument. Je suis consciente de son efficacité.» Elle ajoute : «Mais si les femmes sont classées dans la liste de la diversité, cela prouvera le chemin qu'il nous reste à accomplir !»

8 Les femmes portent-elles une partie du blâme pour leur sous-représentation ?

Oui. Elles pensent encore se faire reconnaître et remarquer pour la qualité de leur travail. «Faites-vous voir !» exhorte Monique Jérôme-Forget. Et «si on vous offre un poste, tenez donc pour acquis que vous êtes compétente. Au lieu de vous demander si vous avez ce qu'il faut, demandez-vous si vous avez envie de ce poste», ajoute Isabelle Hudon.

9 Et si ça ne fonctionne pas ?

«Je ne sais pas si cette approche volontaire fonctionnera, dit Monique Jérôme-Forget. Mais je me suis ralliée. Je suis allée aussi loin que le comité était prêt à se rendre.»

La coprésidente reconnaît toutefois les risques associés à une approche aussi draconienne que celle de la Norvège. Cet État a donné trois ans (2002-2005) aux sociétés cotées en Bourse pour atteindre au moins 40 % de femmes à leur CA. «C'était trop rapide, il faut tout de même qu'il y ait des candidates pour occuper ces postes.»

Une lueur d'espoir : en 2012, la Grande-Bretagne a adopté la voie volontaire pour la parité, sur la recommandation du rapport Davies. On vise une représentation de 25 % de femmes aux CA des entreprises du FSTE 100. Un an plus tard, 17 entreprises de cet indice ont atteint la cible et 17 autres se trouvent entre 20 et 25 %. Si la tendance se maintient, la cible sera atteinte en 2015 comme prévu.

Et puis, ajoute Yvon Charest, «notre comité continue d'exister ; si la voie retenue ne donne pas de résultats, nous trouverons d'autres mesures».

La Table des partenaires influents recommande que les entreprises cotées en Bourse s'engagent, à titre volontaire, à atteindre les cibles suivantes de représentation des femmes au sein des CA et de haute direction : 20 % (dans 5 ans), 30 % (dans 10 ans) et 40 % (dans 15 ans).

AVANCÉE PUBLIQUE

Le Québec s'est d'abord penché sur ses 22 sociétés d'État. La Loi sur la gouvernance des sociétés d'État - adoptée en décembre 2006 - leur a donné cinq ans pour atteindre la parité dans leur CA. En 2013, au total, plus de 50 % des administrateurs de ces sociétés seraient des femmes. Toutefois, prises individuellement, certaines sociétés traînent encore la patte, comme la Caisse de dépôt et placement et Investissement Québec.

«Idéologiquement, je hais ça que les femmes soient incluses dans le dossier de la diversité, répond Isabelle Hudon. Mais j'achète l'argument. Je suis consciente de son efficacité.» - Isabelle Hudon, présidente de la Financière Sun Life, Québec

diane.berard@tc.tc

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