Michel Leblanc part en croisade pour Montréal

Publié le 11/04/2009 à 00:00

Michel Leblanc part en croisade pour Montréal

Publié le 11/04/2009 à 00:00

Au début des années 1980, après avoir abandonné ses cours au cégep et vendu ses maigres biens d'étudiant, Michel Leblanc est parti en Europe conclure son adolescence, comme il le dit lui-même, avec sa blonde et un de ses amis.

L'idée du trio était de trouver un endroit sur la planète qui corresponde à ses valeurs, mélange de solidarité, de justice sociale, de contestation de l'autorité et d'autres notions gauchisantes que le jeune homme développait dans ses écrits de l'Infomane, le journal étudiant du Collège de Bois-de-Boulogne. Il y passait le plus clair de son temps, quand il n'était pas en train de faire la fête.

Plusieurs pays et quelques mois plus tard, le jeune homme a eu des révélations qui lui sont restées pour la vie : il voulait devenir économiste, lui que ses amis voyaient plutôt sociologue ou historien; la société idéale n'existait vraisemblablement sous aucune latitude; et il aimait le Québec en général et Montréal en particulier.

Aujourd'hui à la tête du plus important organisme privé du Québec voué au développement économique, fort de ses 7 000 membres de la communauté d'affaires, Michel Leblanc, 46 ans, ne croit plus aux utopies, même s'il caresse de grandes ambitions pour Montréal. " Le rêve qui m'anime, dit-il, c'est de rendre cette ville plus prospère. "

Une tête bien faite

" Il veut sauver Montréal ", dit François Forget, consultant en communication et marketing, son ami depuis l'école secondaire, au Collège Laval. " Pour lui, il n'y a pas de raisons que la ville ne s'enrichisse pas. "

Michel Leblanc, dit-il, est nettement moins timide dans l'intimité que sur les tribunes publiques. Sympathique, Michel Leblanc s'exprime en entrevue avec clarté, dans un discours sans langue de bois, sur les défis de Montréal, les infrastructures à construire, la gouvernance à redéfinir, les jeunes à instruire et les immigrants à retenir.

Son bureau a une vue plongeante et spectaculaire sur le hall du Centre de commerce mondial. Rien dans cet espace dénué de toute décoration personnelle ne trahit la personnalité ou les goûts de son président, hormis une photo de son fils de 15 ans, alors enfant, et une autre de lui stylisé à la Andy Warhol, cadeau de ses employés lors de son arrivée à la Chambre, il y a trois mois.

" Michel Leblanc est la bonne personne au bon endroit ", dit Marcel Côté, associé fondateur de Secor, firme où le nouveau président de la Chambre a travaillé comme consultant, de 1996 à 2002, puis comme directeur associé, du printemps 1998 jusqu'à sa nomination à la Chambre. Il s'y est frotté à une multitude de dossiers montréalais, dont un sur la restructuration de la Chambre de commerce sous la gouverne de Benoît Labonté et d'autres sur l'implantation de la maison de l'Orchestre symphonique de Montréal et le financement du transport en commun dans la région métropolitaine. À ces expériences s'ajoutent ses passages à Montréal International et à Génome Québec. " Michel cumule une expérience stratégique et une autre de gestionnaire d'organisation. Une tête bien faite ", dit Raymond Bachand, ministre du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation, et responsable de la région de Montréal, qui a côtoyé M. Leblanc chez Secor.

Plaidoyer pour l'éducation

Michel Leblanc se définit comme un homme optimiste, peu angoissé face aux incertitudes et possédant une énorme confiance dans l'ingéniosité et la faculté humaine de s'adapter contre vents et marées. Il voit cependant venir avec un certain effroi l'échéance de 2016, lorsque la population active de la province commencera à diminuer. Pour contrer les effets dévastateurs de cette diminution, il se joint au combat récemment entrepris par L. Jacques Ménard contre le décrochage scolaire.

" J'ai moi-même été un drop-out ", dit-il. À 21 ans, sans DEC, Michel Leblanc retourne cependant aux études et s'inscrit en économie à l'Université de Montréal, avec l'obligation de réussir ses maths manquantes. Un prof lui dit : " On vous donne une chance. Habituellement, ça ne fonctionne pas ". Mais ça a fonctionné pour lui, puisqu'il décroche une maîtrise. " J'étais super motivé. " Encore aujourd'hui, il salue la souplesse d'un système qui lui a permis de retourner aux études. " Je trouve extrêmement important qu'il y ait des mécanismes pour pouvoir réintégrer le système. "

Explorez, dit-il aux jeunes, mais retournez sur les bancs d'école. " L'avenir passe par une population mieux formée, par l'obtention de diplômes, par la réduction des abandons scolaires, à tous les niveaux. "

Alors qu'on n'en a que pour les infrastructures routières et autres viaducs chancelants, Michel Leblanc voudrait qu'on s'inquiète aussi, et surtout, de l'état de l'enseignement en général et des universités en particulier. " On a sous-investi dans l'éducation ", dit celui qui veut que la Chambre se penche sur le financement et l'accessibilité de l'enseignement supérieur.

En cela, comme dans bien d'autres choses, " il y a une peur du changement au Québec ", dit M. Leblanc. " Les Québécois ont de la difficulté à voir qu'il y a ailleurs des façons de faire les choses autrement et plus efficacement. "

Hors des sentiers battus

Les gens qui ont côtoyé Michel Leblanc le décrivent comme un homme capable, justement, d'imaginer les choses autrement.

" C'est un gars créatif. Il avait constamment de nouvelles idées ", dit Jacques Girard, président du Centre financier international de Montréal, qui l'avait recruté, en 2002, pour mettre sur pied Montréal InVivo, la nouvelle grappe de Montréal International consacrée au secteur des sciences de la vie.

Michel Leblanc a hérité son indépendance d'esprit de ses parents. Un père avocat et une mère psychothérapeute les ont élevés, lui et son frère, Christian, selon des principes qui auraient ravi la pédiatre et psychanalyste Françoise Dolto. Ils lui ont inculqué très tôt le sens des responsabilités. " À la maison, on était très libres, notamment de faire nos propres choix, mais, en contrepartie, on devait être responsables et autonomes. "

De l'ingratitude de la politique

Il est né et a grandi à Montréal et, depuis qu'il est en âge de signer des baux, il habite le Plateau Mont-Royal, quartier où ses grands-parents ont longtemps tenu un commerce, la mercerie Marcotte. Depuis 13 ans, il loue un appartement face au parc Lafontaine. Membre de la génération X, à la queue du peloton des baby-boomers, il est arrivé trop tard pour profiter de bons prix dans l'immobilier à Montréal et est resté locataire en ville. Il a toutefois jeté son dévolu sur une maison centenaire à Hatley, dans les Cantons de l'Est, où il va bricoler ou jardiner pendant les fins de semaine. " Si je reste en ville, je ne décroche pas ", dit-il.

C'est dans la circonscription de Mercier, qui englobe le Plateau, que sa conjointe, Catherine Émond, attachée politique de la ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, s'est présentée aux dernières élections provinciales sous la bannière libérale. Elle a été largement battue par Amir Khadir. Un bon exercice, juge Michel Leblanc, qui a cependant été conforté dans sa vision de la politique : un milieu très ingrat qui ne rétribue pas assez le travail de ses protagonistes. " Par conséquent, peu de gens inspirants et de calibre s'y lancent. Et quand il y en a, on ne les reconnaît pas toujours. "

Il est encore horrifié par la défaite de Michael Fortier aux dernières élections. " La perte d'un Fortier pour la communauté montréalaise, c'est ahurissant ! Mais c'est le prix à payer pour le système démocratique et je l'accepte. "

Cela dit, il estime que le fouillis démocratique de Montréal nuit à la ville. Fusionnée-défusionnée, elle subit les affres de son morcellement, dit-il. Les trop nombreuses instances décisionnelles la rendent difficile à gérer et inefficace, trop de gens à consulter et de consensus éphémères retardent la prise de décisions.

Et puis Montréal la mal-aimée ne trouve pas toujours une oreille attentive à Québec et à Ottawa. Québec comprend mieux Montréal qu'avant, croit cependant Michel Leblanc. " Mais il y a une machine administrative qu'il ne faut pas sous-estimer. Concentrée à Québec, elle défend les emplois là-bas et elle est peu sensible à la réalité montréalaise. " Il est toujours estomaqué par le nombre d'autoroutes qui desservent la capitale par rapport à sa population. " Tant mieux pour eux, mais quand les gens de Québec pestent contre la circulation à Montréal, ils font la démonstration par quatre qu'on a sous- investi dans les infrastructures de la métropole. Les coûts de la congestion sont énormes. "

Quant à la représentation de Montréal à Ottawa, c'est le néant depuis les dernières élections, admet Michel Leblanc. Le représentant de la métropole au gouvernement Harper, Christian Paradis, s'est présenté à la Chambre cet hiver. Il a candidement comparé son ignorance de la métropole à celle qu'il avait de l'agriculture avant de travailler au ministère, ajoutant que sa méconnaissance première du milieu ne l'avait pas empêché de bien faire son travail.

À côtoyer les sphères politiques durant les prochaines années, Michel Leblanc n'exclut pas de faire un jour le grand saut. À l'avant-scène ou pas. Il a toujours été inspiré par les grands mandarins, ceux qui savent, dit-il, traverser les lignes de parti. Mais tout cela est encore loin et il préfère goûter le présent. " J'ai accepté ce poste, parce que travailler à la Chambre m'emballe. Est-ce que je vais faire ça pendant 20 ans ? Non. Ce que je ferai après ? Je l'ignore. Tout ce que je sais, c'est qu'il faudra que je me sente inspiré. "

LES LEÇONS D'UTOPIA POUR DES BATAILLES BIEN RÉELLES

Monde virtuel. Michel Leblanc a fait ses classes avec des adolescents dans un jeu stratégique en ligne.

Il y a quelques années, Michel Leblanc s'est passionné pour un jeu en ligne, Utopia, dont le but consiste à conquérir des royaumes à coups de formules mathématiques.

Il est devenu Mingalfa, représentant unique de la tribu des Mings, elle-même membre d'un royaume dont il a oublié le nom mais dont il est devenu roi, élu à ce prestigieux titre par 25 autres tribus - lire 25 nerds comme lui éparpillés dans le monde, notamment en Turquie, en Corée, au Japon, et aux États-Unis.

Pendant des mois, à raison d'une heure par jour (une limite théorique bien souvent dépassée), Mingalfa et ses comparses (dont l'âge moyen, a-t-il appris un peu par hasard, était de 14 ans et demi, alors que lui-même était à la fin de la trentaine !) ont bâti des écoles, des usines et des maisons dans leur royaume. Surtout, leur roi a dû coordonner des attaques, à des heures parfois indues (comme 6 heures du matin, heure de Singapour), qui ont permis au royaume de Mingalfa de se hisser parmi les plus puissants du millier que comptait alors Utopia.

Cette expérience guerrière virtuelle a fait réaliser à Michel Leblanc " trois-quatre affaires " qui l'aident aujourd'hui dans ses nouvelles fonctions à la tête de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.

1 L'importance de l'équipe

" Dans un jeu comme Utopia, comme à la Chambre, si on joue individuel, on échoue. "

2 Savoir diriger ses troupes

" Qui dit équipe dit petits et gros egos à gérer. Ç'a été de l'apprentissage. Les qualités de leader n'étaient pas innées chez moi. Je les ai acquises avec le temps. "

3 Faire face à une concurrence internationale

" Dans Utopia, on est toujours en compétition et, dans notre univers réel, la compétition est féroce aussi. Quand vient le moment d'attirer un investisseur ou un événement international à Montréal, soutenir une entreprise qui fait face à la concurrence internationale, personne ne se fait de cadeau. Il faut travailler en équipe, se battre et gagner. "

4 Faire parler les chiffres

" Ce jeu était un vrai défi intellectuel. Il a démystifié l'univers des maths pour moi. Les chiffres ne me font pas peur. Et ils parlent. " M.T.

martine.turenne@transcontinental.ca

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