Michel Cordeau mène la barre de sa petite entreprise comme lorsqu'il était pilote commercial : il regarde ses instruments, analyse son tableau de bord et agit.
" Dans le cas de l'entreprise, c'est un tableau de bord de finances, de mise en marché, de tâches à accomplir. Je procède par ordre d'importance et, maintenant, en collaboration avec des personnes expérimentées et compétentes ", dit le président de Bio-Lub Canada, un manufacturier de lubrifiants et de nettoyants à base de matières premières recyclées ou renouvelables et biodégradables.
Après une vingtaine d'années dans l'aviation, Michel Cordeau achète MC Pompage qui récupère l'huile végétale. Pendant presque deux ans, il mène des recherches afin de trouver comment maximiser l'utilisation de l'huile végétale. " Je voulais innover avec l'huile végétale, lui donner une deuxième vie, ce qui serait intéressant sur le plan environnemental ", dit-il. Il choisit les biocarburants en fondant Bio-Diesel Québec en 2007.
Mais les prix baissent et M. Cordeau décide de concentrer ses activités dans les lubrifiants, un domaine peu exploité au Canada. Il fonde Bio-Lub Canada en 2009.
Malgré des ressources fort limitées - Bio-Lub compte neuf employés -, le développement de produits est le fruit d'un travail d'équipe tissée serrée entre M. Cordeau et Daniel Leblanc, chimiste en charge du contrôle de la qualité et cofondateur.
D'abord, le président de la PME de Saint-Alexis-des-Monts a procédé à une vaste analyse marketing. " On a étudié les analyses faites aux États-Unis et en Europe. Au Québec, on a analysé la clientèle, les coûts, les produits les plus utilisés et, surtout, les plus polluants ", dit-il. M. Cordeau a consulté les fiches signalétiques et techniques des produits chimiques très utilisés par la compétition, en ayant en tête de les transformer en produits biologiques. Il a ensuite approfondi ses recherches pour vérifier si l'idée serait rentable.
Les résultats en main, il consulte Daniel Leblanc afin de s'assurer de sa capacité à fabriquer un produit dont le rendement est égal et la qualité, meilleure, tout en étant biosourcé, c'est-à-dire dont le contenu est biologique et non fossile. Si les perspectives semblent favorables, M. Leblanc teste et développe le tout en laboratoire.
Cette méthode rigoureuse a permis l'élaboration de trois produits : un conditionneur pour le carburant diesel, de l'huile à chaîne pour les scies mécaniques et un lubrifiant tout usage, dans la même gamme que le WD-40, mais biosourcé et biodégradable. " Nous avons réussi à faire une recette qui satisfait les mêmes standards, tout en étant entièrement biodégradable en 28 jours ", dit-il.
À partir de là, le marketing. " Nous sommes allés voir les consommateurs un à un. J'en ai fait, du terrain ! " lance le président.
Innover tout en dirigeant
Gérer un PME pose des défis particuliers pour le gestionnaire. Comment définir et partager sa vision dans un contexte de petite entreprise qui lance de nouveaux produits, en assure le suivi tout en assumant la gestion quotidienne ? " Je suis un gars d'équipe. Je n'aime pas trop ordonner. J'aime mieux dire : ''on à ça à faire, voici la brouette, il y a cinq pelles et un tas de sable. Qui va m'aider à pelleter ? '' dit-il.
" J'effectue une bonne partie des tâches, je chapeaute beaucoup, mais je dois faire confiance à mon équipe. Il faut que je garde mon énergie pour l'employer là où se trouve ma force, soit le développement de marché. Je dois, promouvoir mon produit auprès de la clientèle ", ajoute-t-il.
Au début, la comptabilité de l'entreprise est assurée par son épouse, Suzie Bolduc, aujourd'hui affectée au service à la clientèle. Au même moment, M. Cordeau suit des cours en administration et en finances à HEC et à Concordia. Malgré des journées commençant à 6 heures et se terminant à 23 heures, les semaines sont trop courtes. Il a donc recours à quelques consultants, notamment pour le plan d'affaires et la mise en marché. " Je suis allé chercher de l'aide à gauche et à droite, pour échapper à mon rôle de pompier ! " ironise-t-il.
Aujourd'hui, le côté financier, fiscal et administratif est entre les mains d'Agnès Héau. Celle-ci a allumé les antennes de M. Cordeau lors de son entretien d'embauche, en lui disant qu'elle souhaitait faire partie d'une jeune PME d'envergure. C'est justement le type d'attitude que recherche l'entrepreneur chez ses nouveaux employés. Il analyse d'abord lui-même les curriculums qu'il reçoit et consulte ses collègues, parce qu'une nouvelle venue dans un groupe de neuf personnes ne passe pas inaperçue. En plus de l'expérience et formation requises pour le poste, M. Cordeau cherche surtout à valider si la recrue aura les capacités de travailler dans une nouvelle entreprise en croissance.
Le plus grand défi de cette petite entreprise qui innove sur le plan environnemental consiste à de changer les mentalités, tant du côté de l'utilisateur que du gouvernement. Ainsi, Michel Cordeau se retrouve à éduquer autant le mécanicien habitué à sa canette de WD-40 depuis 20 ans que les instances gouvernementales sur l'importance d'instaurer des normes et une réglementation en matière d'utilisation de produits biologiques. " Je me dis que mon travail de 70-80 heures par semaine vaut la peine, parce que je suis en train de changer les choses. Ce n'est pas quelque chose qui paraîtra dans 30 ans, on dépollue maintenant ", dit Michel Cordeau.
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