Les écoles ne suivent pas et les garçons décrochent

Publié le 26/02/2011 à 00:00

Les écoles ne suivent pas et les garçons décrochent

Publié le 26/02/2011 à 00:00

Denis Chalifoux est maire de Sainte-Agathe-des-Monts, dans les Laurentides.

Il est bien fier de sa municipalité, de son riche passé et de son statut de centre régional. Les fins de semaine, les familles y accourent pour profiter du Festineige, avec sa grande patinoire à même le lac et les glissades en glace qui la bordent.

Mais M. Chalifoux est aussi père de famille, et à ce titre, il est moins fier du système scolaire québécois. Année après année, on fait état du terrible taux de décrochage scolaire qui afflige la région des Laurentides, surtout chez les garçons. En 2008, 43 % d'entre eux ont abandonné l'école avant même d'avoir obtenu le moindre diplôme. Certains reprennent plus tard leurs études, mais ils sont en minorité. Les autres vont devoir se débrouiller sans formation reconnue.

Il est, lui, relativement chanceux. Son dernier garçon, Olivier, a terminé son secondaire 5. C'est déjà ça de pris, même s'il ne veut pas poursuivre plus loin les études conventionnelles. Ce qui l'attire, ce sont les métiers. Il voudrait devenir électricien. On a besoin de renfort, paraît-il, dans la construction. Dans ce secteur aussi, des milliers de travailleurs vont bientôt partir à la retraite. Pour être reconnu, Olivier a besoin de suivre les cours qui lui donneront sa certification. Mais le réseau scolaire québécois ne lui en donne pas la chance. M. Chalifoux en a gros sur le coeur.

Par trois fois, Olivier a essayé de s'inscrire dans une institution scolaire pour suivre une formation professionnelle qui le mènerait à un diplôme d'études professionnelles (DEP); par trois fois, on lui a fermé la porte au nez.

En 2008, il voulait entrer à l'école Les Chantiers, de Laval, pour être formé comme électricien. Problème : près de 300 autres jeunes étaient également intéressés, mais le programme n'en admettait que 60. Sa demande n'a pas été retenue, et il est resté sur la touche. " Comme nous n'avions pas prévu le coup, nous n'avions pas fait d'autres démarches, dit M. Chalifoux. Il nous a fallu attendre l'année suivante pour recommencer. "

En 2009, donc, nouvelle tentative, cette fois du côté de Tremblant, pour un DEP en charpenterie et menuiserie. Malheureusement, le scénario se répète : il y a nettement trop d'appelés (125), pour trop peu d'élus (22). Olivier manque encore son coup.

Un système décourageant

" Si des jeunes abdiquent, ce n'est pas toujours par manque de volonté, dit M. Chalifoux. Le système fait tout pour les décourager. "

Il n'allait cependant pas, lui, baisser les bras. En septembre 2010, il convainc son garçon de réessayer en électricité dans une école de Saint-Jérôme. Mais la guigne s'acharne sur lui. Près de 150 jeunes font les mêmes démarches, seulement 25 sont admis.

" On espérait toujours recevoir une lettre qui nous annoncerait la bonne nouvelle, mais on ne nous a même pas envoyé d'accusé de réception, s'indigne M. Chalifoux. Ça me fâche de voir le milieu si peu accueillant pour les jeunes, et ensuite d'entendre tous les commentaires sur le manque d'ambition des décrocheurs. Je ne lâcherai pas mon gars. "

En même temps, il se questionne sur ce blocage. Comment se fait-il qu'on n'accepte les candidats qu'au compte-goutte ? Pourquoi le réseau est-il à ce point débordé ? Se pourrait-il que les syndicats fassent pression pour réduire le nombre d'arrivants sur le marché du travail, question de protéger leurs membres ?

" Absolument pas ", répond Éric Demers, responsable des communications à la FTQ Construction. " Nous ne nous mêlons pas de dire aux commissions scolaires ce qu'elles doivent faire. Mais il faut aussi savoir qu'il sort annuellement 700 nouveaux électriciens, et que, pour l'instant, c'est déjà trop pour les besoins du milieu. "

Comme bien d'autres parents, Denis Chalifoux croit à la persévérance scolaire et il se démène pour aider son garçon à être suffisamment formé, de manière à bien commencer dans la vie. Mais il se désole du manque de cohérence dans notre stratégie éducative. À quoi servent les grands discours si le système ne répond pas ? À quoi bon brandir le spectre d'une pénurie de main-d'oeuvre si on ne met pas à contribution ceux et celles qui veulent faire partie de la relève ? En tout cas, l'histoire d'Olivier montre qu'il faut prendre avec un certain scepticisme les analyses cinglantes sur le décrochage et le manque de formation des travailleurs québécois.

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