Les défis de Stephen Poloz

Publié le 25/05/2013 à 00:00, mis à jour le 23/05/2013 à 09:32

Les défis de Stephen Poloz

Publié le 25/05/2013 à 00:00, mis à jour le 23/05/2013 à 09:32

Relancer l'économie sans favoriser l'endettement des Canadiens, tout en asseyant son autorité et sa crédibilité. Voilà les principaux défis du nouveau gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz, selon les spécialistes interviewés par Les Affaires.

Sa nomination le 2 mai a surpris les analystes, qui voyaient plutôt le numéro deux de l'institution, Tiff Macklem, accéder à ce poste, en remplacement de Mark Carney, qui quittera ses fonctions le 1er juin pour aller diriger la Banque d'Angleterre.

Docteur en économie, Stephen Poloz était président et chef de la direction d'Exportation et développement Canada (EDC) depuis 2010. Il était entré à l'agence fédérale en 1999 à titre d'économiste en chef, après avoir passé 14 ans à la Banque du Canada.

Stephen Poloz devra donc montrer rapidement qu'il est le patron, tout en s'appuyant sur l'expertise du personnel de l'institution, dit Serge Coulombe, professeur titulaire au Département de sciences économiques de l'Université d'Ottawa. «Il a tout intérêt à s'entendre avec Tiff Macklem.»

Ce dernier est fort respecté dans le cercle des banquiers centraux. Sa possible démission (les deux précédesseurs de Tiff Macklem avaient démissionné quelque temps après la nomination des gouverneurs David Dodge, en 2001, et Mark Carney, en 2008) serait une grande perte pour la Banque du Canada, croit François Dupuis, économiste en chef au Mouvement Desjardins.

Pour bien des analystes, la nomination de l'ex-patron d'EDC indique qu'Ottawa veut changer les priorités de la Banque du Canada, afin que celle-ci tienne compte davantage de la réalité des exportateurs accablés par la force du huard.

Douglas J. Porter, économiste en chef à BMO Groupe financier, n'anticipe pas toutefois de changements majeurs. «S'il veut montrer qu'il est indépendant du gouvernement, il devra être prudent dans ses actions.»

Quoi qu'il en soit, Stephen Poloz n'aura pas vraiment le choix de s'intéresser aux exportations pour stimuler l'économie canadienne, croit Carlos Leitao, économiste en chef chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne. «La croissance ne viendra pas de la demande interne, mais des marchés étrangers», dit-il.

Si elles progressent depuis la dernière récession, les exportations canadiennes sont encore sous leur niveau record de 2008, alors qu'elles s'étaient établies à 483,4 milliards de dollars canadiens (G$). Elles se sont élevées à 454,3 G$ l'année dernière.

Ce retard tient à la faiblesse de l'économie mondiale (ralentissement en Asie, récession dans la zone euro, lente reprise aux États-Unis), mais aussi à l'appréciation ces dernières années du huard par rapport au dollar américain ainsi qu'à d'autres devises, dont l'euro.

En fait, notre monnaie est surévaluée, disent les économistes. Si l'on tient compte de la parité du pouvoir d'achat (PPA), sa valeur en dollar américain devrait avoisiner les 0,81 $ US, selon l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Or, elle avoisine plutôt les 0,97 $ US à l'heure actuelle. Comment réduire sa valeur ? En baissant le taux directeur de la Banque du Canada (actuellement à 1 %), ce qui rendrait moins attrayant le marché canadien pour les investisseurs. Le hic, c'est que cette stratégie pourrait aggraver encore plus l'endettement des ménages canadiens, déjà trop élevé de l'avis des analystes.

Dire publiquement que le huard est surévalué

Stephen Poloz devra donc faire preuve d'imagination. Stéfane Marion, économiste en chef et stratège à la Banque Nationale, estime qu'il pourrait par exemple dire publiquement que notre monnaie est surévaluée. Une stratégie de communication qui pourrait faire perdre des plumes au huard et favoriser ainsi les exportateurs canadiens.

Selon Jim Stanford, économiste au syndicat des Travailleurs canadiens de l'automobile, la Banque du Canada pourrait même aller jusqu'à vendre des dollars canadiens, réduisant ainsi sa valeur.

C'est le principe de l'offre et de la demande : plus un bien est disponible, plus sa valeur diminue. «Des pays comme le Japon et la Suisse appliquent déjà cette stratégie pour diminuer la force de leur devise. Pourquoi pas le Canada ?» demande M. Stanford.

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