Les anges financiers donnent des ailes à l'entrepreneuriat

Publié le 16/03/2013 à 00:00, mis à jour le 14/03/2013 à 09:33

Les anges financiers donnent des ailes à l'entrepreneuriat

Publié le 16/03/2013 à 00:00, mis à jour le 14/03/2013 à 09:33

Une espèce est depuis peu en forte expansion dans la faune financière québécoise : l'ange financier. Ce sont souvent des entrepreneurs en série qui multiplient les petits investissements dans des start-ups. Mode d'emploi pour devenir un ange financier... et pour séduire ces investisseurs providentiels.

«Mes plus grandes peurs, ce sont les hauteurs et parler en public», confie, haletant, Jeremy Albisser. C'est par ces mots que, le 31 janvier, l'entrepreneur de Toronto a commencé sa présentation de 58 secondes dans l'ascenseur de la tour du CN. Devant lui, Rory Olson, un ange montréalais, prend des notes. Il fait alors partie des juges notant les entrepreneurs lors du premier arrêt du World Elevator Tour, une série d'événements visant à mettre en contact entrepreneurs et investisseurs.

Nerveux, Jeremy Albisser commence par dire que le capital de risque est rare et qu'il aurait besoin de 50 000 $. «Il n'a pas fait une très bonne présentation, car il n'a pas expliqué ce qu'il faisait concrètement avant 25-30 secondes», dit M. Olson. Il rappelle que ce type de présentations permet d'évaluer la confiance d'un entrepreneur et sa capacité à communiquer.

Malgré tout, Albisser fait partie des entrepreneurs qui ont retenu son attention, qu'ils aient ou non fait une présentation épatante dans l'ascenseur.

Durant le cocktail, au sommet de la tour du CN, M. Olson a rediscuté avec certains d'entre eux. Après l'événement, il est resté en contact avec deux entrepreneurs, qu'il compte rencontrer de nouveau lors d'un prochain voyage à Toronto. «Je ne pense pas qu'on puisse évaluer une personne en une minute. Par contre, si un projet ne m'intéresse pas, je le sais tout de suite.»

Comme Rory Olson, les anges sont constamment à l'affût de jeunes pousses prometteuses. Il s'agit de leur raison d'être, puisqu'ils font le pont entre le financement en provenance de la famille et celui issu des fonds en capital de risque. Leurs investissements oscillent habituellement entre 25 000 et 100 000 $, et sont effectués à titre personnel ou par l'intermédiaire d'une société d'investissement.

D'entrepreneurs en série à anges

Entrepreneur en série avant d'être ange financier, Rory Olson a lui-même fondé sept entreprises avant de commencer à investir dans celles des autres en 2011. Comme lui, une grande partie des anges québécois sont des entrepreneurs en série récemment devenus des capital-risqueurs.

La fondation d'Anges Québec en 2008 semble avoir donné une certaine structure à ces entrepreneurs en série. «On se sent plus en confiance d'investir avec d'autres anges, car ça augmente le taux de réussite. Dix têtes valent mieux qu'une», explique Richard Lan, qui s'est joint à Anges Québec en 2011.

Aujourd'hui, les membres du regroupement se réunissent chaque mois pour écouter des présentations d'entrepreneurs triés sur le volet. Sur les 350 dossiers d'investissement soumis à Anges Québec l'année dernière, 40 ont été jugés suffisamment intéressants pour être ensuite présentés aux membres de l'organisme. En règle générale, une dizaine de membres investissent ensemble dans les entreprises les plus prometteuses. L'investissement moyen total chez Anges Québec s'élève ainsi à 416 000 $.

Depuis 2012, les anges du regroupement peuvent toutefois diriger des rondes de financement de plus d'un million de dollars grâce au fonds Anges Québec Capital. Entièrement financé par Investissement Québec, ce fonds de 20 M$ a pour mandat d'investir avec les membres d'Anges Québec.

Aux États-Unis, les anges financiers font partie de l'écosystème entrepreneurial depuis près d'un siècle. Les anges américains, dont le nombre s'élève aujourd'hui à environ 225 000 selon l'Angel Capital Association, investissent historiquement deux fois plus que les fonds en capital de risque du pays, selon un rapport de l'OCDE.

Au Canada, les anges investissent à peine 66 % de ce que les fonds investissent, si on se fie à l'estimation de la National Angel Capital Organization, qui évalue à un milliard par année leurs investissements. Qui plus est, le Québec serait en retard par rapport au reste du Canada : «Au Québec, le mouvement des investisseurs privés est un mouvement très récent ; avant, tout le financement était fait par les institutionnels», souligne François Gilbert, président d'Anges Québec.

En moins de cinq ans, le membership d'Anges Québec est passé de 1 à 120, si bien qu'il se passe rarement une semaine sans que le regroupement accueille un nouveau membre. Malgré tout, François Gilbert n'a pas l'intention de s'asseoir sur ses lauriers : «Dans le milieu, on a tendance à se féliciter de cette croissance, mais on a du rattrapage à faire, explique-t-il. Le potentiel, ce serait d'avoir de 350 à 400 anges.»

Un statut qui se démocratise

L'émergence des anges québécois survient alors que le statut se démocratise. En outre, la multiplication des incubateurs facilite grandement la mise en relation entre start-ups et anges. La popularité de sites comme AngelList, qui sont en quelque sorte des sites de rencontres entre anges et jeunes pousses, contribue également à cette tendance.

Malgré la vague de fond, le statut d'ange est, en règle générale, réservé aux investisseurs qualifiés, des individus disposant d'actifs de plus de 1 MS. En effet, en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières, toute entreprise souhaitant solliciter des investisseurs non qualifiés doit se conformer aux mêmes normes que les entreprises cotées en Bourse, ce qui implique des coûts élevés.

Aux États-Unis, où on retrouve cette même contrainte légale, l'adoption de la JOBS Act en 2012 devrait bientôt permettre à des investisseurs moins fortunés d'investir dans des start-ups. Quoique visant surtout à permettre le financement participatif en capital (selon lequel les contributeurs ont droit aux bénéfices), la nouvelle loi permettra aux investisseurs non qualifiés d'investir 2 000 $ par année dans des entreprises privées ou jusqu'à 20 000 $, sous réserve d'avoir un revenu annuel de plus de 100 000 $. Au Canada, toutes les autorités en valeurs mobilières - sauf celle de l'Ontario - ont pris une décision allant dans le même sens en décembre, limitant toutefois les investissements admissibles à 2 000 $.

Bien que les plafonds imposés ne permettront pas l'émergence d'une nouvelle catégorie d'anges à proprement parler, la frontière entre ange et investisseur de détail sera plus mince que jamais. C'est en quelque sorte un retour aux sources, puisque les premiers anges, des dames qui finançaient des spectacles de Broadway dans les années 1920, n'étaient pas des investisseuses aguerries. Elles le faisaient avant tout par amour des feux de la rampe, d'où le surnom d'«ange» qu'on leur donnait.

120 Nombre de membres chez Anges Québec | Source : Anges Québec

165 600

Les anges financiers américains ont créé 165 600 emplois en 2011, et ont injecté 22,5 milliards de dollars dans des start-ups durant l'année. Source : Center for Venture Research

POURQUOI ILS ONT CRU EN DE JEUNES POUSSES

Pierre Lortie

Âge : 65 ans

Ange depuis : 2009

Nombre d'investissements : 4

Start-up dans laquelle il a investi : Biocean Canada

«Dans mon cas, l'investissement en temps vaut presque davantage que l'investissement en capital. Pour être un ange, il faut vouloir faire une certaine contribution sociale.»

Luc Vincent

Âge : 48 ans

Ange depuis : 2006

Nombre d'investissements : 7

Start-up dans laquelle il a investi : Virtual Paper

«Quand tu as travaillé avec Charles Sirois, qui était toujours en train de démarrer quelque chose de nouveau, tu ne veux plus que ça s'arrête. Je ne fais pas ça pour gagner ma vie ; pour moi, c'est une passion.»

Alistair Croll

Âge : 43 ans

Ange depuis : 2008

Nombre d'investissements : 5

Start-up dans laquelle il a investi : HighScore House

«Si j'ai déjà une connaissance de l'industrie, c'est un bon commencement. Si c'est une industrie que je connais un peu moins, mais qu'un autre ange qui la connaît veut investir, c'est aussi un bon commencement.»

Richard Lan

Âge : 49 ans

Ange depuis : 2010

Nombre d'investissement : 1

Start-up dans laquelle il a investi : Biocean Canada

«S'il y a un gain financier après sept ans, tant mieux. Ce qui m'intéresse plus, c'est le mentorat, c'est de former la relève.»

Rory Olson

Âge : 54 ans

Ange depuis : 2011

Nombre d'investissements : 5

Start-up dans laquelle il a investi : MConcierge

«Quand je considère un investissement, j'essaie toujours de déterminer si l'équipe a ce qu'il faut pour traverser des épreuves difficiles. Je me fie beaucoup à mon intuition.»

Charles Boulanger

Âge : 55 ans

Ange depuis : 2011

Nombre d'investissements : 6

Start-up dans laquelle il a investi : Biocean Canada

«Il y en a qui viennent nous voir comme s'ils allaient à la banque. Ce ne sont pas ces dossiers qui nous intéressent. On veut des entrepreneurs qui sont prêts à être coachés.»

Martin-Luc Archambault

Âge : 32 ans

Ange depuis : 2008

Nombre d'investissements : 15

Start-up dans laquelle il a investi : Frank & Oak

«Avant d'investir dans quelqu'un, je me demande si je pourrais être son ami et si je pourrais lui dire que quelque chose ne va pas sans devoir mettre de gants blancs.»

julien.brault@tc.tc

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