Le retour des bulles spéculatives

Publié le 28/11/2009 à 00:00

Le retour des bulles spéculatives

Publié le 28/11/2009 à 00:00

Par Dominique Beauchamp

La faiblesse des taux d'intérêt et les gigantesques plans de relance des gouvernements qui inondent les marchés de liquidités rendent l'environnement financier propice à la naissance de nouvelles bulles. Cependant, il ne faut pas en voir partout pour autant.

Plusieurs voix mettent en garde les investisseurs contre la spéculation à outrance. Il suffit de penser à Robert Zoellick, président de la Banque mondiale, à Nouriel Roubini, professeur à l'Université de New York, ou encore à Masaaki Shirakawa, gouverneur de la Banque centrale du Japon. Ces grands manitous de la finance montrent du doigt les cours du pétrole, des métaux et des Bourses des marchés émergents, qui ont fortement rebondi depuis le début de l'année.

Les experts consultés par Les Affaires sonnent également l'alarme. Martin Roberge, stratège chez Valeurs mobilières Dundee, s'inquiète du fait que les grands argentiers du monde arriment leur politique monétaire à la création d'emplois. " Puisque l'embauche survient plus tard lors d'une reprise, les taux pourraient rester bas plus longtemps que ce qui est souhaitable ", explique-t-il.

C'est là le coeur du problème. Nombreux sont ceux qui attribuent les bulles à la faiblesse des taux d'intérêt. Par exemple, aux États-Unis, les taux sont tellement bas qu'ils encouragent les emprunts en dollars américains. Certains investisseurs utilisent ces emprunts pour réinvestir leurs fonds vers des placements plus prometteurs, comme l'or et les Bourses des pays émergents, qui ont déjà beaucoup progressé. Toute hausse des taux et donc du dollar américain obligerait ces investisseurs à rembourser leurs emprunts américains et à vendre rapidement leurs placements, ce qui ferait chuter ceux-ci.

Cependant, nous sommes encore loin des courbes vertigineuses qu'empruntent généralement les bulles, croit Martin Barnes, directeur général de BCA Research. Si l'afflux de capitaux est l'une des conditions essentielles à la naissance d'une bulle, d'autres ingrédients manquent encore, comme un fort enthousiasme des investisseurs pour les actions.

" Au contraire, la majorité des investisseurs sont incrédules face à la remontée des cours boursiers et ne croient pas encore à une reprise durable ", souligne l'économiste Ed Yardeni, président de Yardeni Research.

Les financiers ont aussi à l'oeil les métaux de base, tels que le cuivre, et les maisons au Canada, dont la valeur a bondi au cours des derniers mois.

Reste qu'il est difficile de déceler les bulles. " Le problème, avec les bulles, c'est que personne ne semble les reconnaître, alors qu'elles enrichissent tout le monde ", a écrit Gary North, auteur de Mises on Money.

La ruée vers l'or

Les experts voient dans l'or, qui a quintuplé depuis 2001, les ingrédients d'une bulle potentielle. C'est que le marché de l'or est relativement petit par rapport aux marchés boursiers. Une ruée des investisseurs a donc le pouvoir d'entraîner rapidement l'or dans une frénésie spéculative, dit Jack Ablin, chef des investissements chez Harris Private Bank.

" La multiplication de fonds négociés en Bourse qui détiennent de l'or permet aux investisseurs d'acheter de l'or plus facilement que jamais ", rappelle M. Ablin.

En outre, l'or est le seul métal qui n'a pas franchi de nouvelle marque historique lors de la flambée des Bourses et des denrées de 2008. Son prix est encore de 55 % inférieur au cours de 2 552 $ US l'once qu'il a atteint en 1980, si on calcule le prix record de 887 $ US de l'époque en tenant compte de l'inflation.

L'or gagne également des partisans prestigieux tels que les financiers John Paulson et David Einhorn. Pour ces investisseurs chevronnés, le métal jaune est un bon rempart contre la dépréciation du dollar américain, l'éventuelle reprise de l'inflation et la perte de confiance dans les devises en raison de l'ampleur des dettes des gouvernements.

L'or sert aussi de bouclier contre les variations de devises, explique M. Roberge. La baisse du dollar américain et du yuan chinois rend les produits des grands pays exportateurs - tels le Japon et l'Allemagne - moins concurrentiels, ce qui accroît les tensions commerciales et la volatilité des monnaies.

Or

1 174 $ US (sommet atteint en cours de séance à Londres, le 24 novembre dernier)

+ 32 % depuis le début de 2009, à New York

L'accroissement de la demande d'or chez les investisseurs pourrait propulser le métal jaune au prix record de 2 552 $ US l'once (ajusté à l'inflation) qu'il a touché en 1980.

Surchauffe possible en Asie

L'Asie sera sans doute le berceau de la bulle de la prochaine décennie, prévoit Martin Barnes, de BCA Research, car c'est dans cette partie du monde que l'argent coule le plus à flot.

Pendant que le marché de l'emprunt se contracte toujours aux États-Unis, la Chine a ouvert les vannes du crédit. À la demande du gouvernement, les banques chinoises ont prêté 1 300 milliards de dollars américains (G$ US) au cours des 10 premiers mois de 2009, et les prévisionnistes chinois anticipent autant de prêts l'an prochain.

" Le crédit est comme de l'eau. Il s'infiltre partout et il est difficile à contenir une fois que le robinet est ouvert ", dit Ed Yardeni.

Puisque les Chinois épargnent beaucoup et consomment peu, une partie des capitaux que le gouvernement dépense et qui se retrouvent dans leurs poches est redirigée vers la Bourse, dit Vital Proulx, président d'Hexavest.

La Bourse de Shanghai a explosé de 83,3 % cette année et son évaluation est la plus élevée de toutes les Bourses des marchés développés depuis 1988, note M. Proulx.

La croissance chinoise attire aussi des capitaux étrangers qui s'ajoutent aux investissements de 586 G$ US pour les infrastructures, indique Ed Yardeni.

ExxonMobil veut exploiter en Chine au moins 750 stations-service qui seront approvisionnées par son nouveau complexe pétrochimique de 4,5 G$ US. BMW compte également tripler sa production de véhicules d'ici deux ans pour répondre à la forte demande d'autos. Leurs ventes ont explosé de 73 % en octobre.

La Chine n'est pas à l'abri d'une bulle, reconnaît Marc Dalpé, président du Groupe Dalpé-Milette. Toutefois, la consommation des Chinois et la vigueur des investissements privés sont en mesure de lui assurer une certaine protection contre une surchauffe éventuelle, souligne-t-il.

Bourse de Shanghai, indice composé

3 338 points le 23 novembre dernier

+ 83,3 % depuis le début de 2009

Les prêts de 1 300 milliards de dollars américains accordés par les banques chinoises depuis le début de l'année et les flots de capitaux internationaux risquent de créer une surchauffe.

Cuivre : une hausse qui ne tient pas compte de la demande

Pour Stephen Gauthier, gestionnaire de portefeuilles chez Demers Valeurs mobilières, la remontée du cuivre est fragile, car elle provient surtout d'achats par les investisseurs qui utilisent ce métal pour se protéger de l'inflation et de la faiblesse du billet vert.

" Pourtant, les deux plus importantes économies du monde, les États-Unis et le Japon, sont aux prises avec une baisse des prix à la consommation ", souligne-t-il.

Les investisseurs misent aussi sur une reprise robuste de la demande industrielle de cuivre. Pourtant, la croissance de l'économie mondiale s'annonce plus modérée que celle qui a septuplé le prix du cuivre entre 1999 et 2008, relève M. Gauthier.

En fait, les liquidités actuellement disponibles sur le marché poussent les investisseurs vers des placements supérieurs comme les denrées, dont le cuivre. De telles spéculations n'ont rien à voir avec la demande réelle de métaux.

" Les investisseurs n'ont pas besoin du cuivre, souligne Stephen Gauthier. Ces financiers l'achètent seulement pour profiter de la hausse et le revendront au moindre signe de faiblesse, surtout s'ils se sont endettés pour l'acheter. "

Les investisseurs ont déjà placé 55 G$ US dans les denrées depuis le début de l'année, soit plus que le record de 51 G$ US atteint en 2006, selon le gesitonnaire de fonds Barclays Capital.

En outre, M. Gauthier estime que le plan de relance de la Chine gonfle artificiellement la demande de cuivre. " En fabriquant plus de produits que nécessaire pour faire fonctionner ses usines, la Chine pourrait se retrouver avec d'importants surplus de métaux si la demande mondiale n'augmente pas comme prévu ", prévoit M. Gauthier.

Cuivre

3,05 $ US la livre le 20 novembre dernier

+ 132 % à New York depuis le début de 2009

Cherchant un rempart contre la baisse du dollar américain, les investisseurs se tournent vers le cuivre, dont le prix n'obéit plus à la demande industrielle pour ce métal.

Immobilier canadien : vulnérable aux futures hausses des taux

Les prix des maisons au Canada et les ventes de résidences augmentent trop vite au goût de certains. En octobre, le prix moyen d'une maison s'élevait à 341 079 $. Il s'agit d'une hausse de 20,7 % par rapport à octobre 2008 et du plus fort taux de croissance en 20 ans. Quant aux ventes, elles ont augmenté de 41 % depuis un an.

" Le marché résidentiel est surévalué. Les prix des maisons atteignent des niveaux records lorsqu'on les compare aux coûts des loyers et aux revenus des ménages ", soutient Derek Holt, économiste chez Scotia Capitaux. Selon lui, il y aura une cassure, mais celle-ci n'est pas nécessairement imminente. Les prix pourraient encore atteindre de nouveaux sommets l'an prochain en raison de la faiblesse des taux hypothécaires, dit-il.

Les prix des maisons grimpent, car leur financement à des taux avantageux rend les paiements mensuels abordables pour les acheteurs. Toutefois, toute remontée des taux hypothécaires d'ici deux ou trois ans pourrait changer la donne, surtout pour les propriétaires qui ont contracté des hypothèques à taux variable. Le versement mensuel pour une hypothèque de 300 000 $ de cinq ans à taux variable grimperait de 1 300 à 1 750 $, si le taux passait de 2,25 à 5 %.

Prix moyen des maisons au Canada

341 079 $ (prix moyen d'une maison vendue en octobre)

+ 20,7 % depuis un an

Après avoir doublé en 10 ans, le prix des maisons atteint un record par rapport aux coûts des loyers et aux revenus des ménages. Les futures hausses des taux hypothécaires pourraient rendre les maisons inabordables et faire reculer les prix.

dominique.beauchamp@transcontinental.ca

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