Le nouveau modèle québécois coûte cher, mais il porte ses fruits

Publié le 29/08/2009 à 00:00

Le nouveau modèle québécois coûte cher, mais il porte ses fruits

Publié le 29/08/2009 à 00:00

Ayant eu trois enfants en dix ans, Isabelle Bérubé a été aux premières loges de l'évolution de la société québécoise en matière de conciliation travail-famille.

Son aîné est né en 1998, au moment où on bavardait beaucoup, mais agissait peu. Elle a eu droit au " petit congé ", comme elle qualifie les trois mois et demi qu'elle a obtenus, payés à 50 % de son salaire par l'assurance emploi. Pour le deuxième enfant, âgé de 7 ans, c'était déjà mieux, mais c'est lors de l'arrivée de la benjamine, âgée aujourd'hui de 18 mois, qu'Isabelle et son conjoint ont pu bénéficier de la totale : une année complète de congé de maternité, dont une partie payée à 70 % et l'autre à 50 % du salaire, plusieurs semaines de congé de paternité, le service de garde à 7 $ par jour et les mesures fiscales mises en place tant par Québec que par Ottawa.

" Je ne sais pas si j'aurais eu un troisième enfant sous l'ancien régime, clairement insuffisant ", dit la jeune femme, dans la fin de la trentaine et qui travaille dans le milieu des communications. " Les mesures gouvernementales ont pesé dans la balance. "

Le Québec semble avoir trouvé la formule gagnante : son taux de natalité a grimpé en flèche et son taux d'emploi féminin a atteint cette année un record. Les Québécoises sont dans le top 5 des pays de l'OCDE, catégorie mères au travail, selon les statistiques compilées par le Centre d'étude sur l'emploi et la technologie. Au Québec, plus de 7 mères d'enfant de moins de trois ans sur 10 travaillent, une augmentation de 7 % depuis 2000.

" Votre régime paraît tellement cher. Mais si on regarde ses chiffres à long terme, il ne l'est pas " dit Carl Haub, chercheur au Population Reference Bureau, une ONG établie à Washington, qui a étudié le modèle québécois.

Pour Diane-Gabrielle Tremblay, professeure en économie et gestion de Téluq-UQAM, l'amélioration des services de garde et des congés de maternité est à l'origine des hausses des taux d'emploi féminins et de natalité. " Le Québec s'est inspiré de la Scandinavie. "

L'accessibilité de services de garde de qualité est essentielle du moment qu'on souhaite accroître à la fois la natalité et la présence des femmes en emploi, confirme Anne Bourhis, directrice des Services de l'enseignement de la gestion des ressources humaines à HEC Montréal.

Faire évoluer les entreprises

Si le Québec s'est doté de politiques familiales, le milieu du travail n'a pas toujours évolué au même rythme, dit Diane-Gabrielle Tremblay. " Ce qu'on appelle le soutien organisationnel informel n'est pas toujours là. Les entreprises ont souvent de bons programmes, mais, dans les faits, il reste des préjugés et des pressions à l'endroit des femmes qui veulent prendre leur congé de maternité. "

Le rôle du supérieur immédiat est fondamental pour assurer cette souplesse si importante lorsqu'on veut concilier le travail et la vie familiale, poursuit Mme Tremblay. " Le télétravail est une option clé pour faciliter la vie des mères, dit-elle, surtout de celles qui vivent en banlieue. Mais il y a encore beaucoup de réticence. Les cadres intermédiaires croient avoir un meilleur contrôle de leurs employés lorsqu'ils les voient au bureau. "

Cela dit, les réalités d'affaires ne sont pas simples, souligne Anne Bourhis. " La semaine de quatre jours, ce n'est pas évident à gérer, ni les horaires flexibles, ni le télé-travail. La culture du présentéisme est encore importante. Certains milieux s'y prêtent moins, comme les cabinets d'avocats, le milieu de la santé ou les chaînes de production. " Elle prône l'adoption de congés mobiles, " une banque d'heures pour accompagner les enfants et des avantages sociaux à la carte, comme on le fait déjà avec les assurances collectives. "

Mais une autre réalité accélérera les changements, croit Mme Bourhis : la démographie et la pénurie de main-d'oeuvre. " Les Y accordent de l'importance aux valeurs familiales et ils savent qu'ils sont précieux aux yeux des employeurs, à mesure que la main-d'oeuvre se fait plus rare. Il y aura une adaptation du marché de l'emploi. "

Tout est question d'attitude, dit Isabelle Bérubé. " Dans l'expression conciliation travail-famille, il y a la notion d'être conciliant. Un employeur qui ne bronche pas quand tu téléphones pour dire que tu vas travailler de la maison car ton enfant est malade, c'est de la conciliation. Si je n'avais pas cette souplesse au bureau, je n'aurais pas pris ce travail à temps complet. "

Pour les femmes de sa génération, dit-elle, il n'y a pas de compromis : " Nous voulons les deux, la famille et la carrière ". Aux employeurs de faire en sorte que ce soit possible.

martine.turenne@transcontinental.ca

À la une

Il faut concentrer les investissements en R-D, dit le Conseil de l’innovation du Québec

L’État devrait davantage concentrer les investissements en R-D dans certains secteurs, selon le Conseil de l’innovation.

Repreneuriat: des employés au rendez-vous

23/04/2024 | Emmanuel Martinez

REPRENEURIAT. Le taux de survie des coopératives est bien meilleur que celui des entreprises privées.

De nouvelles règles fiscales favorisent le repreneuriat familial

Édition du 10 Avril 2024 | Emmanuel Martinez

REPRENEURIAT. Elles devraient stimuler le transfert d'entreprise à des proches.