Le Nord est prometteur, mais il faut ajuster ses ambitions

Publié le 06/04/2013 à 00:00, mis à jour le 05/04/2013 à 11:48

Le Nord est prometteur, mais il faut ajuster ses ambitions

Publié le 06/04/2013 à 00:00, mis à jour le 05/04/2013 à 11:48

Si on invitait au Centre Bell, à Montréal, les 12 000 habitants du Nunavik québécois, ils occuperaient à peine plus de la moitié des sièges. Leur territoire, au nord du 55e parallèle, s'étend pourtant sur 500 000 kilomètres carrés, pratiquement l'équivalent de la France. Les 14 villages qui le parsèment sont distants les uns des autres de centaines de kilomètres. Longtemps isolés, ces citoyens, à 90 % inuits, se heurtent maintenant au choc du développement.

Le sous-sol du Nunavik regorge de richesses. On commence à peine à le reconnaître. Quinze ans après l'ouverture de la mine Raglan, dans l'extrême Nord-du-Québec, une deuxième mine de nickel, celle de Canadian Royalties (ou Nunavik Nickel) est en mode démarrage. Et d'autres gros projets sont dans l'air.

C'est entre autres pour se rendre compte par eux-mêmes de l'ampleur des travaux en cours et de l'abondance des besoins à combler qu'une vingtaine d'entrepreneurs et gens d'affaires québécois se sont envolés de Montréal, le 20 mars, en direction du Grand Nord, dans le cadre de la deuxième Mission Grand Nord organisée par Les Affaires.

Leur trajet les a d'abord conduits à Sept-Îles, puis à Fermont. Même si la faiblesse du prix des métaux de base a, du moins provisoirement, refroidi la frénésie ambiante, ces deux communautés participent activement à la mise en valeur du potentiel du Nord. Mais les défis qu'elles ont à relever paraissent relativement minces quand on considère ceux auxquels fait maintenant face le Nunavik.

Âgé de 40 ans, Tunu Napartuk est devenu maire de Kuujjuak en novembre dernier. Et c'est en français que ce fils de pasteur anglican et de mère québécoise francophone a accueilli le groupe le 21 mars, en revenant sans cesse sur la priorité qu'il fait sienne pour les quelques années à venir : offrir un logement convenable aux centaines de résidents de Kuujjuaq encore mal pourvus en la matière.

Kuujjuaq, alias Fort Chimo, est en quelque sorte la capitale du Nunavik et le portail du Grand Nord. C'est là que siège le gouvernement régional, appelé Kativik, et c'est aussi là que sont regroupées la plupart des institutions. Sa population de quelque 2 500 habitants peut sembler modeste, mais il faut savoir qu'ils étaient moins d'un millier il y a 20 ans. On a depuis compris le potentiel minier du Nord québécois, et Kuujjuaq s'est retrouvée au centre de toute l'animation qui en a résulté. Les familles sont jeunes, plus nombreuses que dans le Sud, et les besoins en habitation sont criants.

Établir la connexion

Construire coûte cher dans le Nord. Les embûches sont nombreuses : il faut tout faire venir par bateau ou par avion. Le sol est gelé en permanence - ce qu'on appelle le pergélisol - et les résidences sont pour la plupart installées sur de courts pilotis. Vous ne trouverez pas de fondations à Kuujjuaq. On travaille essentiellement avec du préfabriqué, de bien meilleure qualité qu'avant, mais il n'y en a jamais assez... et Tunu Napartuk sait qu'il lui faudra de l'aide pour parvenir à stabiliser la situation.

De là le discours qu'il a servi à ses visiteurs : «Vous faites bien de venir nous visiter, vous allez voir de vos yeux l'étendue de nos besoins, et nous ne pouvons y arriver seuls.» Les invités ont écouté attentivement, d'autant plus que leurs expertises diverses pourraient idéalement être mises à contribution : autant dans le domaine de la tuyauterie industrielle que dans celui de l'environnement, de l'usinage industriel, de l'habitation ou d'autres compétences utiles quand il s'agit de repenser les infrastructures. Mais encore faudrait-il établir la connexion et assurer le financement. On le répète : tout coûte cher ici.

Qui plus est, ce développement accéléré et le choc des cultures créent un malaise social qui touche la communauté. Tunu Napartuk n'aime pas évoquer l'incident, mais un policier du Corps de police régional Kativik a été abattu par balle il y a un mois en répondant à un appel pour violence conjugale. Son agresseur s'est ensuite enlevé la vie.

Équilibre nécessaire à trouver

Le maire de Kuujjuaq ne minimise pas les problèmes. Il sait que le passage du nomadisme à la sédentarité, forcé par le gouvernement fédéral il y a quelques décennies, a bouleversé le mode de vie traditionnel de ses gens. Plusieurs sont désoeuvrés. L'alcool et la drogue font des ravages. Lui a fait le choix de regarder en avant. Mais il tient avant tout à préserver l'équilibre nécessaire entre le progrès et les valeurs de sa communauté.

C'est pourquoi, à ses yeux, les occasions d'affaires qui germent dans le Nord doivent être interprétées dans ce contexte particulier. On n'arrive pas ici avec un horaire serré en regardant sans cesse sa montre, pas plus qu'en disant «c'est comme ça qu'on travaille dans le Sud.» Il faut établir des alliances. Trouver des partenaires, et il y en a. Respecter les sensibilités locales. Kuujjuaq est en mutation, et la ville est elle-même un projet en devenir.

À preuve, ces chiens de traîneaux qu'on voit aujourd'hui de moins en moins dans la ville elle-même. Un règlement municipal oblige maintenant leurs propriétaires à les garder un peu plus loin dans des enclos. On n'ose pas imaginer le Nord sans ces magnifiques animaux. Ils ne pouvaient plus se promener librement au milieu de la population et des véhicules. On a trouvé un compromis. D'autres restent à être inventés. C'est le passage obligé pour un développement durable dans le Nord.

rene.vezina@tc.tc

blogue > www.lesaffaires.com/rene-vezina

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