Le défi de financer ses bonnes idées

Publié le 05/09/2009 à 00:00

Le défi de financer ses bonnes idées

Publié le 05/09/2009 à 00:00

Alain Coulombe a appris de ses erreurs. " Je n'aurai pas recours au capital de risque cette fois-ci ", dit l'entrepreneur qui vient de fonder 3D Semantix, qui commercialise une application de type Google permettant d'effectuer des recherches parmi des modèles en trois dimensions. " Il faut générer du rendement trop rapidement. Je préfère faire appel à des anges financiers, qui s'impliquent au-delà de l'argent ", dit le pdg pour expliquer sa décision.

En 1994, Alain Coulombe a fondé SolVision, qui avait développé une caméra pour tester la qualité de certaines puces électroniques.

Rapidement, la PME de Boucherville a acquis une réputation mondiale grâce à son invention, qui a séduit les géants Intel et Nintendo.

En croissance rapide, SolVision a fait appel au capital de risque quelques années plus tard. Au fil des financements, les deux propriétaires ont perdu le contrôle. En 2008, c'est la fin : des financiers liquident l'entreprise, qui sera rachetée par une entreprise américaine.

Gros investissements

La difficulté à financer la commercialisation est un des principaux écueils qui incitent une entreprise à laisser partir une invention à l'étranger. " Entre la découverte et la mise en marché d'une innovation, il y a un océan d'étapes à franchir. Les prêteurs veulent que leur investissement rapporte rapidement. Cela décourage plusieurs entreprises de se lancer dans l'aventure ", signale Albert De Luca, associé chez Deloitte. Pour un dollar investi dans l'innovation, il faut en injecter cinq dans la commercialisation, rappelle-t-il.

Autre obstacle : le marché du Québec étant trop limité pour rentabiliser un nouveau produit, il faut développer des marchés à l'extérieur. Or, chaque territoire exige une stratégie qui lui est propre. Il faut investir au moins deux ans d'effort pour espérer percer en dehors de son territoire naturel, estime le fiscaliste.

Il cite l'exemple d'une entreprise d'informatique québécoise qui a renoncé à ouvrir un bureau pour diffuser son produit aux États-Unis après avoir constaté qu'il faudrait consacrer 10 millions de dollars à cette opération.

La commercialisation est le parent pauvre des crédits d'impôt, observe Alfred Zorzi, spécialiste en fiscalité et transfert chez Ernst & Young. " Le Québec offre d'excellents incitatifs fiscaux à la R-D. Par contre, il y a très peu de programmes de crédits d'impôt à la commercialisation. "

Autre lacune : à l'intérieur des entreprises, les connaissances et les ressources pour mener le produit des laboratoires aux présentoirs des magasins font souvent défaut. " Nous n'avons pas développé toutes les pratiques et les expertises en la matière. Pour un BlackBerry qui marche, il y a une pléiade d'entreprises qui en arrachent ", constate Claude Demers, président de l'Association de la recherche industrielle du Québec.

" La moitié des innovations en entreprise sont le fait d'employés. Environ 45 % d'entre elles émanent d'un client, et 5 % sont nées du génie créatif d'un inventeur isolé. La plupart de ces idées ne sont ni brevetées, ni publiées, et font partie du secret professionnel ", souligne-t-il.

Comment renverser la vapeur ? En mettant davantage les forces en commun, croit Sabin Boily, pdg de Gestion Valeo, société de valorisation universitaire. " On gagnerait à développer des plateformes de collaboration entre les sociétés de valorisation, mais aussi avec les autres partenaires de la recherche ", dit-il.

Ce modèle permettrait notamment d'accélérer le développement de vitrines technologiques, un élément qui fait souvent défaut aux innovations québécoises.

" L'aspect démonstration et mise à l'échelle des innovations est essentiel. Actuellement, il manque les capacités financières pour encadrer le développement des vitrines technologiques, estime M. Boily. Avec de meilleurs outils dans le domaine, on pourrait plus facilement convaincre les grands donneurs d'ordres québécois d'acquérir ces innovations et d'en faire la promotion. "

carole.lehirez@transcontinental.ca

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