Le capital de risque sans frontières d'Éric Martineau-Fortin

Publié le 03/08/2013 à 00:00, mis à jour le 14/08/2013 à 10:19

Le capital de risque sans frontières d'Éric Martineau-Fortin

Publié le 03/08/2013 à 00:00, mis à jour le 14/08/2013 à 10:19

Vivant entre ses résidences de New York et de Londres, le Québécois Éric Martineau-Fortin a annoncé le 10 juillet dernier qu'il avait mis son portefeuille d'investissements en capital de risque en commun avec celui de Christian Hernandez Gallardo, qui quittera prochainement ses fonctions de directeur de Facebook en Europe pour se joindre à White Star Capital. Grâce à son arrivée, l'entité mise sur pied en 2007 afin de chapeauter les investissements du Québécois, passera en deuxième vitesse. Parmi la vingtaine d'investissements réalisés par White Star Capital, mentionnons Summly (Londres), Dollar Shave Club (Los Angeles), Betaworks (New York) et BusBud (Montréal). Tourné vers l'avenir, Éric Martineau-Fortin a accepté de nous faire part de sa stratégie d'investissement.

Les Affaires - Votre portefeuille d'investissement est partagé entre l'Europe et l'Amérique du Nord. Par ailleurs, il semble qu'il y ait aussi un intérêt grandissant des fonds européens pour l'Amérique. Croyez-vous qu'on assistera sous peu à une internationalisation de l'industrie du capital de risque ?

Éric Martineau-Fortin - Je ne sais pas si on peut parler de l'internationalisation de l'industrie, mais je pense qu'il y a une reconnaissance très forte de la part de la communauté du fait que beaucoup des investissements que nous faisons sont globaux. Par exemple, je pense à Summly, une start-up établie à Londres, qui a développé une application d'agrégation d'articles de journaux, que nous avons vendue à des Américains [Yahoo]. Aujourd'hui, dès qu'on finance une société, le marché cible n'est plus seulement 35 millions de Canadiens, 300 millions d'Américains ou 60 millions d'Anglais, mais presque un milliard de personnes.

L.A. - Investir à l'extérieur de la Silicon Valley fait-il partie de votre stratégie ?

É.M.-F. - J'adore la Silicon Valley. Il y a là-bas des projets fantastiques, mais c'est beaucoup trop cher ! Aujourd'hui, dans la Silicon Valley, les valorisations initiales sont de 15 à 20 millions [de dollars américains], à un stade où il n'y a pas encore de produit. Ça peut très bien fonctionner, mais toutes les boîtes ne deviendront pas des succès valorisés à 200, 300, voire 500 M$ US. Dans des endroits comme Montréal, Berlin, Londres ou Paris, vous avez des valorisations initiales de deux, trois ou quatre millions. C'est très peu probable de faire des sorties d'un milliard dans ces différentes villes, mais en tant qu'investisseur, si vous entrez à quatre millions et que vous ressortez à 60, vous avez fait votre travail et vous avez contribué à mettre sur pied une véritable entreprise.

L.A. - Tirez-vous parti de ces écarts de valorisation afin de faire en quelque sorte de l'arbitrage, en déménageant des entreprises, par exemple ?

É.M.-F. - Bien sûr ! Un de nos investissements est Bloglovin qui, à partir de Stockholm, est devenu un site de blogues international sur la mode. Avec notre co-investisseur Betaworks, on l'a aidé à déménager à New York, parce que les grands annonceurs dans le secteur y sont établis. On peut faire la même chose en amenant des ingénieurs français et allemand à Montréal dans le secteur du jeu vidéo. En fait, ce qu'on veut faire, c'est de trouver les meilleurs entrepreneurs avant tout et, ensuite, de leur donner les outils pour qu'ils deviennent des acteurs mondiaux.

L.A. - Pensez-vous que c'est inévitable que les start-ups québécoises qui réussissent le mieux finissent par déménager ?

É.M.-F. - Ludia, qui est l'un des investissements que j'ai faits au Québec, est un exemple d'entreprise québécoise à succès qui a été achetée par des intérêts anglais [FremantleMedia], mais qui n'a pas pour autant déménagé. Je pense qu'il est aujourd'hui possible d'exploiter une entreprise mondiale à partir de différentes zones. CGI et le Cirque du Soleil sont d'ailleurs de bons exemples d'entreprises dont le chiffre d'affaires vient en majorité de l'extérieur et qui sont restés au Québec. Notre objectif n'est pas de délocaliser des entrepreneurs, mais lorsqu'un projet a plus de potentiel ailleurs, il faut aller de l'avant et déménager l'entreprise là où elle aura du succès.

L.A. - L'écosystème de start-ups de Montréal est très vigoureux en ce moment, mais plusieurs villes concurrentes ont des écosystèmes aussi dynamiques. Selon vous, en quoi Montréal se démarque-t-elle ?

É.M.-F. - Montréal a développé une force dans le domaine du jeu vidéo et on y trouve des compétences reconnues. Ludia, qui a été bâtie à partir de zéro, continue de grandir à un rythme fantastique malgré la vente. Aujourd'hui, l'entreprise compte 250 employés et tous les membres du personnel de Ludia sont restés à Montréal. C'est aussi ce qui m'a amené à investir dans Execution Labs [un incubateur ayant pour mission de propulser de nouvelles boîtes de jeux vidéo] l'année dernière. Outre le domaine du jeu vidéo, Montréal a des ingénieurs très compétents et le coût de la main-d'oeuvre est beaucoup plus raisonnable que dans d'autres villes.

julien.brault@tc.tc

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