Le bénéfique apprentissage de l'humilité

Publié le 12/10/2013 à 00:00, mis à jour le 10/10/2013 à 09:54

Le bénéfique apprentissage de l'humilité

Publié le 12/10/2013 à 00:00, mis à jour le 10/10/2013 à 09:54

Pour être - enfin ! - heureux et efficace, il faut travailler autrement. Ce qui peut se faire en renouant avec des vertus oubliées, comme l'humilité. Tel est le constat que l'on peut tirer d'un nouveau programme de formation offert aux pdg à Montréal : se transformer en nettoyeur pour devenir meilleur.

Julian Giacomelli, pdg de Crudessence, aime décrocher temporairement du train-train quotidien. Il arrive parfois au dirigeant de cette firme de 90 employés spécialisée dans la nutrition végétalienne et biologique (deux restaurants, trois comptoirs dans des magasins santé, service de traiteur, boutique en ligne, cours de cuisine, etc.) de prendre deux ou trois heures pour se promener sur le mont Royal, non loin de son bureau du Mile-End. Et un beau jour, il a voulu prendre plus de recul que d'habitude : l'homme de 44 ans s'est mis à rêver d'une retraite de quelques jours, si possible en ville.

C'est pourquoi, lorsqu'il a entendu parler du programme de formation pour le moins original de la firme montréalaise Nettoyage Zénith, il a sauté sur l'occasion. Le concept est simple : intégrer des chefs d'entreprise à une équipe de nettoyeurs durant trois journées entières et les faire manier chiffons à poussière et autres vadrouilles pour leur permettre de changer de perspective sur la notion de travail.

«L'idée de ne plus être dans la position de leader, mais dans celle de subordonné par rapport au superviseur de Nettoyage Zénith, m'a séduite. Mieux, je me disais que je pourrais passer dans un autre univers, celui des travailleurs invisibles, qui sont si efficaces à rendre notre environnement beau et sain», explique M. Giacomelli. Et d'ajouter : «De surcroît, j'aime faire le ménage chez moi. Ça me permet de me libérer l'esprit».

1 Avant : dans l'expectative

À la mi-août, il a reçu l'invitation de Nettoyage Zénith. Il lui fallait se présenter à leur bureau situé au pied de l'église unie Saint-James de Ville-Marie, le lundi matin suivant. Il recevrait alors les instructions nécessaires à sa formation.

«J'aime les nouvelles expériences, car je sais qu'on peut toujours en retirer quelque chose de positif, dit M. Giacomelli avant de s'y rendre. Là, je ne me fixe pas vraiment d'objectif : j'espère surtout pouvoir décrocher un moment de mon travail, qui est exigeant. Ça me fera le plus grand bien.»

2 Pendant : apprendre à plier

Le premier jour, il s'agissait de nettoyer les annexes de l'église unie Saint-James, à savoir les bureaux et les salles de réunion. Et donc de se mettre dans la peau d'un stagiaire en nettoyage, en t-shirt et pantalon de travail : le superviseur savait qu'il allait travailler avec quelqu'un qui n'était pas habitué à nettoyer comme un professionnel, sans savoir pour autant qui était au juste cette personne.

«Au début, ça fait drôle de se faire dire quoi faire, et comment le faire. On a envie de discuter les directives et de proposer autre chose, mais il faut s'en tenir à son rôle pour que l'expérience nous soit profitable. Oui, il faut apprendre à plier», raconte-t-il.

Mais surtout, M. Giacomelli s'est retrouvé devant un dilemme : que faire de son cellulaire ? Sans réfléchir, il l'avait gardé dans sa poche et le sentait vibrer à longueur de temps, comme d'habitude. S'il décrochait, il se serait retrouvé comme au travail : les appels s'enchaînent, les courriels aussi, et il faut y répondre au plus vite pour que les affaires tournent. Et s'il ne décrochait pas, il se serait mis à culpabiliser.

«Je l'ai finalement éteint et laissé au vestiaire, pour ne plus y penser, dit-il. Je voulais vivre l'instant présent, pas passer mon temps à regretter de ne pas être au bureau.»

Le deuxième jour, il fallait nettoyer les classes du rez-de-chaussée de l'école Rudolf-Steiner de Hampstead, peu avant la rentrée scolaire. Des travaux étaient en cours à l'intérieur de l'immense bâtiment, si bien que de la poussière de gravats et de plâtre recouvrait tout.

Julian Giacomelli faisait équipe avec Belina, une femme d'affaires anglophone également stagiaire, et Hamilton, le superviseur au look rasta. Chacun était chargé d'une classe, le but étant de tout astiquer, hormis le sol (une autre équipe s'en chargerait après leur passage). La poussière devait ainsi être traquée dans les moindres recoins - le haut des armoires, l'intérieur des bureaux d'écoliers et même les roues des petites voitures en bois.

«Un travail frustrant parce qu'on a l'impression qu'on n'en verra jamais le bout, mais un travail également gratifiant parce qu'on redonne toute leur beauté à des objets qui vont bientôt reprendre vie dans les mains d'enfants», explique M. Giacomelli.

Le dernier jour, la mission consistait à faire le ménage habituel de la résidence d'un client de Nettoyage Zénith. Il fallait épousseter dans toutes les pièces et laver certaines d'entre elles, comme la cuisine et la salle de bains. «C'est étrange de pénétrer dans l'intimité d'une petite famille. On voit des photos des gens, on devine qui ils sont à travers leurs objets. Mais on éprouve finalement un vrai plaisir à leur rendre service de manière anonyme», dit-il.

3 Après : trouver son rythme

Julian Giacomelli a trouvé ce qu'il cherchait en priorité dans cette expérience : des moments de calme intérieur. «L'acte même de nettoyer apaise le corps et l'esprit. Pour être efficace, il ne faut surtout pas se mettre à rêver, mais se concentrer sur ce qu'on fait, se concentrer tellement qu'on oublie tout le reste. Et ça, ça fait vraiment du bien», explique-t-il une semaine plus tard dans son café préféré du Mile-End, le Café Sardine.

Ce n'est pas tout. «Nettoyer rend aussi humble, car on découvre que les gestes les plus modestes peuvent revêtir une grande importance, ajoute-t-il. Et il permet de saisir, pour ceux qui ne l'auraient pas encore constaté, combien le travail en équipe est important : on entrait ensemble dans les lieux, on se répartissait le travail, on se donnait des coups de main au besoin et on quittait les lieux ensemble, une fois la mission accomplie.»

Le pdg de Crudessence a bien entendu fait part de son expérience à ses employés. «J'ai eu droit à des blagues du genre "Tu viens faire le ménage chez moi, ce week-end ?", dit-il. Mais aussi à des félicitations, une fois le premier moment d'étonnement passé.»

M. Giacomelli est-il devenu un meilleur leader ? Trop tôt pour le dire. Toutefois, il sent que quelque chose s'est produit en lui : «Je me suis notamment rendu compte que pour bien faire les choses il fallait prendre son temps. Et donc, qu'on est plus efficace quand on trouve son rythme que lorsqu'on accélère tout le temps, comme on le voit trop souvent au travail. Ce qui me donne à réfléchir».

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