La vie après BlackBerry

Publié le 26/10/2013 à 00:00, mis à jour le 24/10/2013 à 15:06

La vie après BlackBerry

Publié le 26/10/2013 à 00:00, mis à jour le 24/10/2013 à 15:06

Malgré le déclin de BlackBerry, les start-ups de la région de Waterloo, en Ontario, sont plus prospères que jamais. L'année dernière seulement, un nombre record de 474 sociétés technos y ont été créées. Cette prospérité est favorisée par un réseau tissé serré d'organismes qui aide les nouvelles entreprises, des résidences universitaires aux marchés boursiers.

Hongwei Liu, pdg de MappedIn, travaille debout au milieu de ses employés, qui préfèrent travailler en position assise. Quoique très répandu dans la Silicon Valley, ce type de poste de travail n'est pas commun au sein de VeloCity Garage, l'incubateur de l'Université de Waterloo.

Il faut dire que Hongwei Liu, 22 ans, n'en fait généralement qu'à sa tête. Après trois trimestres à l'Université de Waterloo, le jeune homme s'est résolu à abandonner ses études en ingénierie pour se consacrer à plein temps à MappedIn, un genre de Google Maps pour l'intérieur des bâtiments. Concrètement, la start-up propose aux centres commerciaux de remplacer leurs cartes rétroéclairées par des panneaux tactiles et des applications mobiles interactifs.

Le pdg a beau avoir beaucoup en commun avec les entrepreneurs de la Silicon Valley, il n'en est pas moins un pur produit de Waterloo. Comme beaucoup d'entrepreneurs de la région, il vise le marché des entreprises. Chose peu surprenante, son téléphone intelligent est un BlackBerry, un Q10 que le géant de Waterloo lui a donné récemment.

«L'un des brevets que j'ai écrits pour BlackBerry va être déposé cette année. Alors, plutôt que de me signer un chèque comme ils le font pour leurs employés à temps plein, ils m'ont donné un téléphone», explique Hongwei Liu, non sans un soupçon de dépit dans la voix. Comme des milliers d'autres étudiants de la région, Hongwei Liu a fait un stage rémunéré chez BlackBerry dans le cadre du programme coopératif de l'Université de Waterloo.

C'est pendant qu'il travaillait pour BlackBerry qu'il a entendu parler de la résidence universitaire de VeloCity, qui abrite quelque 75 étudiants aspirant à lancer une entreprise et où il a rencontré ses partenaires d'affaires.

Aujourd'hui, le logo de MappedIn figure sur un des murs de la salle commune de la résidence, aux côtés de ceux d'une poignée de start-ups qui ont eu du succès après y avoir vu le jour. Y figure également le logo de Kik, une application de messagerie comptant 80 millions d'utilisateurs, et celui d'inPulse, l'ancien nom de Pebble Technology, dont la montre intelligente s'est vendue à plus de 85 000 unités.

«VeloCity Garage est un lieu où on s'attend à ce que les entrepreneurs travaillent à temps plein sur leur projet, alors que le rôle de la résidence est essentiellement éducationnel», explique le directeur de VeloCity Mike Kirkup. D'approche facile, cet ancien directeur des relations avec les développeurs chez BlackBerry connaît le nom de tous les étudiants de la résidence, dont il invite les plus prometteurs à venir travailler sur leur projet au Garage.

Un géant nommé Communitech

Malgré ses réussites, VeloCity Garage est loin d'être le coeur de l'écosystème de Waterloo. Celui-ci se situe plutôt au Communitech Hub. Outre l'incubateur de l'Université de Waterloo, il abrite celui de l'Université Wilfrid Laurier, le LaunchPad, de même qu'HyperDrive, un incubateur reprenant à quelques exceptions près la recette popularisée par l'américaine Y Combinator.

Inauguré en 2010, le Communitech Hub est le seul organisme canadien à faire partie du Tech Hub Network, un réseau de sept espaces consacrés à l'entrepreneuriat technologique dévoilé en septembre par Google, qui s'est engagé à soutenir ses membres. Pour Communitech, cet appui se traduira par une contribution financière de Google et permettra aux start-ups qu'elle soutient d'obtenir des services gratuits un accès direct aux experts du géant de Mountain View.

Cette consécration n'aurait pas eu lieu si Iain Klugman, pdg de Communitech, n'avait pas fait le pari ambitieux de s'établir dans un gigantesque immeuble abandonné. «Nous avions cette grande idée d'amener nos efforts à un niveau supérieur et nous cherchions un espace beaucoup, beaucoup plus grand que ce dont nous avions besoin, afin de bâtir une communauté autour», explique le dirigeant.

The Tannery Building était alors dans un piteux état, mais il était aussi un vestige du passé entrepreneurial de Waterloo. Au faîte de sa gloire, il avait été la plus importante tannerie du Commonwealth. L'entreprise a toutefois périclité à la suite de l'introduction du cuir synthétique. Elle a fermé en 1952.

La riche histoire entrepreneuriale de Waterloo ne se limite pas au cuir ni aux téléphones intelligents. La région aurait également été la capitale mondiale des boutons à la fin du 19e siècle, puis un important centre de fabrication de chaussures au milieu du 20e. Selon Howard Armitage, conseiller spécial en entrepreneuriat à l'Université de Waterloo, il faut se pencher sur l'histoire de la région pour comprendre la résilience de ses habitants face au déclin de BlackBerry. «La communauté de Kitchener-Waterloo a toujours été très entrepreneuriale et s'est montrée capable de passer d'une industrie à l'autre. Chaque fois qu'une industrie décline, l'histoire nous montre qu'une autre émerge.»

Aujourd'hui, le Hub occupe environ un dixième des 500 000 pieds carrés de l'ancienne tannerie. Le reste est principalement occupé par des entreprises technos de toutes tailles. En tout, quelque 120 start-ups sont hébergées par Communitech et 697 y reçoivent des services. Notamment, on y tient régulièrement des événements, et des mentors s'y rendent disponibles pour les entrepreneurs.

Communitech n'est pas seulement une affaire de nouvelles entreprises technos. L'organisation soutient également les grandes sociétés comme BlackBerry, Google et OpenText, qui ont une présence physique au Hub. Ces sociétés s'en servent afin de tisser des liens avec les jeunes entreprises ou simplement de les convaincre de développer des logiciels pour leurs plateformes. «Notre mission est de soutenir les entreprises technos à chaque étape de leur développement et de leur offrir ce dont elles ont besoin pour passer à la prochaine», explique Iain Klugman.

L'émancipation des enfants de BlackBerry

Il y a cinq ans, les start-ups de Waterloo gravitaient pour la plupart autour de BlackBerry. Kik, par exemple, avait été fondée dans le but de permettre aux utilisateurs de BlackBerry d'écouter de la musique. À l'époque, les parts de marché du iPhone étaient négligeables et la musique ne faisait pas partie des priorités du roi des téléphones intelligents. Finalement, c'est la fonction de messagerie de l'application de Kik qui s'est imposée. «On avait créé la première application de messagerie multiplateforme à offrir une expérience de qualité sur BlackBerry», explique Ted Livingston, pdg de la société.

L'ascension de Kik a toutefois été abruptement interrompue lorsque RIM (BlackBerry à l'époque) a intenté des poursuites pour violation de brevets contre Kik et l'a expulsée de sa boutique d'applications. L'entreprise a malgré tout réussi à poursuivre sa croissance, contrairement à RIM, dont les parts de marché n'ont eu de cesse de s'effriter.

Contrairement à son concurrent WhatsApp, Kik n'a pas développé d'applications pour BlackBerry 10, la nouvelle mouture du système d'exploitation du champion déchu de Waterloo. Ted Livingston, qui a tourné la page, ne fait pas pour autant bande à part à Waterloo. En 2011, il a fait don de son premier million de dollars à VeloCity qui, grâce à lui, peut offrir 12 bourses de 25 000 $ par année à des start-ups issues de l'Université de Waterloo.

Thalmic Labs fait partie des sociétés boursières de VeloCity. Fondée en 2012 par des finissants de l'Université de Waterloo, elle a mis au point un bracelet détectant les mouvements de celui qui le porte en mesurant les signaux électriques générés par son activité musculaire.

Après avoir suivi le prestigieux programme de l'incubateur californien Y Combinator en mars, le pdg de Thalmic, Stephen Lake, est rentré à Waterloo, où il a réalisé un tour de financement de 14,5 M$ en juin. Afin de livrer les quelque 30 000 bracelets qui ont été précommandés sur son site Web, l'entreprise a dû procéder à de nombreuses embauches. Elle a notamment créé les postes de vice-président de la fabrication et de chef des finances, qui ont tous deux été pourvus par des vétérans de BlackBerry.

L'ascension de la start-up a été si rapide qu'elle a dû quitter le VeloCity Garage à la hâte, en juillet. L'entreprise, qui compte aujourd'hui 40 employés, a alors élu domicile dans des locaux temporaires ayant pignon sur la rue King, une rue commerçante attenante au Communitech Hub. «Notre croissance a été tellement rapide que les responsables du Garage n'ont pas eu le temps de se rendre compte que nous étions trop nombreux», explique Stephen Lake.

Avec ses 10 employés, MappedIn s'approche aussi de la limite où elle sera trop grande pour loger au VeloCity Garage. Pour la start-up, qui a elle aussi reçu une bourse de VeloCity, la prochaine étape consiste à lancer des applications mobiles natives (pour un système d'exploitation en particulier).

Alors que l'entreprise a initialement développé des applications basées sur le Web pour les plateformes Android, BlackBerry 10 et iPhone, MappedIn a choisi de développer des applications natives pour Android et iPhone. «Nous voulons développer un produit international, alors, c'est tout naturel pour nous d'investir tous nos efforts dans les deux plateformes dominantes», explique Hongwei Liu, pdg de MappedIn.

Le jeune entrepreneur nous a également confié qu'il s'achèterait un iPhone la semaine suivante, pour remplacer son BlackBerry Q10. «J'en ai fini avec ce téléphone. C'est tout le temps en train de crasher.»

JULIEN. BRAULT@tc.tc

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