La survie des entreprises familiales, une question de valeurs

Publié le 23/02/2013 à 00:00

La survie des entreprises familiales, une question de valeurs

Publié le 23/02/2013 à 00:00

Andrew T. Molson «Comment vérifier que les valeurs des entreprises familiales survivront à la passation des pouvoirs aux générations plus jeunes ?»

Façonnées par la vision de leur fondateur, les entreprises familiales se distinguent souvent par les valeurs qui ont contribué à assurer leur réussite au fil des ans. Mais leur plus gros défi reste de transmettre cet héritage à la prochaine génération.

Les entreprises familiales résistent mieux en temps de crise. «Notamment parce qu'elles sont construites sur un socle de valeurs», estime Luis Cisneros, directeur du Centre international des familles en affaires à HEC Montréal.

Mais leur survie dépend de leur capacité à préparer leur relève en affaires. «Après la succession du fondateur, la grande majorité des entreprises familiales font faillite, car les successeurs se retrouvent avec beaucoup trop de poids sur les épaules», rappelle M. Cisneros.

En sous-estimant l'importance de bien préparer leur succession, les entrepreneurs prennent donc le risque de compromettre les chances de réussite de leur entreprise. «Souvent, les familles organisent la succession très rapidement, à la suite d'une crise, alors qu'il faudrait au contraire que leurs équipes prennent le temps de se préparer quelques années à l'avance», pense Yan Cimon, professeur en stratégie à la Faculté des sciences de l'administration de l'Université Laval.

La formule idéale ? Prendre le temps de réunir les fondateurs et leurs enfants en «conseil de famille» afin qu'ils puissent définir ensemble les orientations stratégiques de l'entreprise.

«Il faut commencer par déterminer quelles sont les valeurs fondamentales du fondateur, celles qu'on souhaite conserver à tout prix et la marge de manoeuvre qu'auront leurs successeurs pour offrir leur propre vision», conseille M. Cisneros.

En arrivant dans l'entreprise familiale, les nouvelles générations posent un regard neuf et amènent des valeurs qui peuvent différer de la vision de leurs prédécesseurs.

«Il y a quelques années, on ne parlait pas du tout de la notion d'environnement alors qu'aujourd'hui, les jeunes y sont de plus en plus sensibles et veulent l'intégrer dans leurs décisions», illustre M. Cisneros.

Parfois, c'est la manière de faire vivre ces valeurs qui évolue en fonction des générations. «Autrefois, les jeunes qui voulaient manifester leur respect faisaient ce qu'on leur demandait, même quand ils n'en avaient pas envie. Aujourd'hui, ils ressentent davantage le besoin d'être écoutés et de pouvoir apporter leur pierre à l'édifice», résume Nathalie-Anne Croft, conseillère en relève d'entreprises au Groupe Conseil Pissenlits.

Ces paramètres sont donc à prendre en compte lorsque l'entreprise familiale réalise l'inventaire de ses valeurs. «Il est important d'écrire l'histoire de l'entreprise en indiquant d'où elle vient, quels étaient le message et la vision du fondateur, ainsi que ses croyances d'affaires, afin de mieux les transmettre. Est-on plutôt dans le small is beautiful ou dans le think big ?» ajoute Mme Croft.

Souvent, ce sont ces valeurs et ce capital intangible qui, inscrits au sein d'une charte ou d'un protocole familial, guideront les grandes orientations de l'entreprise. «Le constructeur Canam a, par exemple, choisi de rester en Beauce, car le développement de sa région faisait partie de ses valeurs, même s'il aurait été plus facile et plus économique pour lui d'aller à Montréal», dit M. Cisneros.

Les clés d'une transmission réussie

Les valeurs, c'est aussi le secret de la réussite des boulangeries Première Moisson, fondées par Liliane Colpron. Depuis quelques années, celle-ci s'est retirée pour passer les rênes à ses deux fils et à sa fille, Josée Fiset.

«Depuis notre naissance, nous partagions des idéaux que nous avons voulu concrétiser en bâtissant cette entreprise. Tout est parti de la passion de notre métier et de la notion de plaisir à produire des aliments de qualité», glisse Mme Fiset.

Inspirée par ces valeurs, la famille a décidé de se lancer dans l'utilisation de farines non traitées chimiquement, avec du blé cultivé au Québec. «Ce projet nous a permis de recevoir une grande adhésion de notre clientèle», constate Mme Fiset.

Mais le défi reste d'assurer la transmission de ces valeurs au quotidien. «Cela passe par de petits gestes, par exemple la création d'un code de conduite pour nos employés afin de promouvoir des valeurs comme le respect. Nous avons aussi l'habitude de vérifier que nos grands projets cadrent bien avec nos valeurs. Dans le cas contraire, nous ne les étudions même pas», précise-t-elle.

Liliane Colpron continue à s'inspirer de ces valeurs depuis son départ de la tête de l'entreprise. La fondatrice de Première Moisson s'est lancée dans la création d'une fondation axée sur le développement durable et l'aide aux femmes vivant en situation de pauvreté.

«Choisir de faire un don à la communauté représente aussi une bonne façon de réaliser la transition», résume Luis Cisneros.

SON COMMENTAIRE

Tant sur le plan de la méthode qu'en réalisant une «big picture» de ce qui se joue au sein des entreprises, cet article illustre bien comment les familles répondent au défi très spécifique de la succession. Il est très important pour notre société que l'on continue d'avoir confiance dans nos entreprises, car elles resteront l'une des plus grandes institutions du monde, capables de créer des emplois et de la croissance. C'est pourquoi je pense qu'une transmission fidèle des valeurs et de la bonne foi du fondateur peut nous aider à conserver et à développer ce lien de confiance.

À la une

Dette et déficit du fédéral: on respire par le nez!

19/04/2024 | François Normand

ANALYSE. Malgré des chiffres relativement élevés, le Canada affiche le meilleur bilan financier des pays du G7.

Budget fédéral 2024: «c'est peut-être un mal pour un bien»

19/04/2024 | Philippe Leblanc

EXPERT INVITÉ. Les nouvelles règles ne changent pas selon moi l'attrait des actions à long terme.

Multiplier la déduction pour gain en capital, c'est possible?

19/04/2024 | WelcomeSpaces.io

LE COURRIER DE SÉRAFIN. Quelle est l'avantage de cette stratégie?