Trottoirs élargis, revêtement tout neuf, mobilier urbain dernier cri, ajout de végétaux : la rue Chabanel, artère principale de la Cité de la mode de Montréal et moribonde depuis 10 ans, s'est refait une beauté. Reste aux immeubles du secteur à entreprendre à leur tour leur cure de rajeunissement.

Une promenade sur la rue Chabanel montre que les façades des immeubles imposants ne se sont guère embellies et que les cartons s'empilent toujours dans les fenêtres aux étages.

Cependant, au-delà de la première impression, les investissements s'accélèrent dans le secteur, permettant de croire à un avenir meilleur. Le point sur la revitalisation du quartier qui possède la plus importante concentration d'immeubles de bureaux à Montréal après le centre-ville.

La Cité de la mode, à Montréal, communément appelée le quartier Chabanel, situé au nord de l'île tout juste à l'est du Marché central, se transforme discrètement en quartier d'affaires à bas loyer.

Les ingénieurs du Groupe SM s'installeront bientôt au 433, rue Chabanel, le plus gros immeuble du secteur, où ils occuperont 35 000 pieds carrés (pi2). L'Association de la construction du Québec - région métropolitaine fait aussi partie des nouveaux arrivants dans l'immeuble. " Les proprios font beaucoup de travaux. C'est très beau ", indique l'ACQ. L'organisme a récemment quitté l'arrondissement Anjou pour déménager sur la rue Chabanel.

Un écran géant pour séduire les locataires de bureaux

Au 433, Chabanel, un immeuble de deux tours qui totalise 1 175 000 pi2, le propriétaire George Dayan, président du Groupe Dayan, a refait le lobby en y installant un écran géant de lumières à diode électroluminescente (DEL) de près de 9 mètres carrés, qui affiche une gamme de 60 millions de couleurs.

" On a rendu le lobby plus présentable ", explique-t-il. Il veut convertir une des deux tours en immeuble de bureaux.

À terme, le promoteur dit vouloir investir de 15 à 20 millions de dollars (M$) au 433. Un montant équivalent est prévu pour la transformation du 333, rue Chabanel, destiné lui aussi à la clientèle des bureaux. Avec 110 000 pi2 par étage, le 333 est l'immeuble de bureaux ayant les plus grandes superficies de plancher à Montréal après la Place Bonaventure.

Un processus en cours depuis 10 ans

Les projets du Groupe Dayan sont alléchants, mais on parle depuis au moins 10 ans de transformer la Cité de la mode en destination d'affaires. L'industrie du vêtement, qui a fait les beaux jours du quartier dans les années 1980, a subi depuis la concurrence des pays émergents. Une grande partie de la production manufacturière est maintenant impartie dans des pays où les salaires sont bas. Les emplois qui sont restés au Québec - beaucoup moins nombreux - sont liés au design, à la conception et à la commercialisation. Les besoins de locaux ont diminué en conséquence. Le portefeuille du secteur Chabanel - évalué à 10 millions de pi2, soit quatre fois la superficie de la Place Ville-Marie - affiche un taux d'inoccupation de 20 % et plus depuis des années.

Ubisoft et Warner écoutent les présentations

Les gestionnaires comme le Groupe Dayan cherchent une nouvelle vocation à leurs pieds carrés dans le but d'optimiser la valeur de leurs propriétés. Ce dernier veut faire du Nouveau Chabanel un pôle de créativité où la mode continue d'occuper une place prépondérante, mais où toutes les activités de création sont les bienvenues, y compris la conception de jeux vidéo. " Ubisoft et Warner Brothers sont passés dans le secteur ", indique Jean-François Soulières, commissaire en développement économique de l'arrondissement Ahuntsic-Cartierville. La Ville de Montréal termine en 2010 ses travaux d'embellissement de 17 M$ de la rue Chabanel.

" Il y a un marché pour ce type de bureaux. C'est moins cher qu'au centre-ville et cela aide à garder les travailleurs sur l'île ", dit Luciano D'Iorio, président de Services immobiliers Terramont, un courtier.

Des bas prix et de grands locaux

Les experts à qui nous avons parlés s'entendent pour dire que les loyers sont le tiers moins chers qu'au centre-ville. Pour un bail à long terme, le locataire peut s'attendre à payer 22 $ le pied carré comme loyer annuel brut, incluant les frais, les taxes et une provision pour améliorations locatives. Un tarif qui se veut concurrentiel par rapport aux parcs de bureaux de la banlieue.

" Nulle part ailleurs ne trouve-t-on un parc aussi dense, imposant et concentré aux abords des axes de transport collectif, avec les autoroutes, le train de Saint-Jérôme et bientôt le train de l'Est ", souligne Denis Leclerc, vice-président, Location et Développement de Marcarko, gestionnaire et propriétaire du 555, Chabanel, un pionnier dans la stratégie de diversification du quartier, avec ses locataires tels le bureau de réclamation de la compagnie d'assurances Aviva, le bureau de ventes de Lyreco (produits de bureau) et les services de soutien de la Banque Laurentienne.

La Laurentienne ajoute une cinquième phase d'expansion à ses bureaux du 555, en y greffant son service des hypothèques, pour une superficie additionnelle de 11 000 pi2. Au total, la banque occupera 105 000 pi2 chez Marcarko.

Le 555 a aussi loué l'an dernier 12 000 pi2 au centre de conditionnement physique Énergie Cardio, un service apprécié des locataires.

Si la démarche de diversification est bien enclenchée, elle reste méconnue chez les locataires potentiels. L'OBNL du Regroupement pour le développement et la promotion du quartier Chabanel, qui dispose d'un budget de 600 000 $, a mandaté l'agence Bleublancrouge pour une campagne de notoriété.

Locataire de renom recherché

" Ce quartier revivra, assure Jean Laurin, président de la firme de courtage NKF Devencore. " Le défi des propriétaires consiste à trouver le bon utilisateur, celui qui sera le déclencheur de la relance du quartier ". Ubisoft se laissera-t-elle convaincre ?