La presse quotidienne en pleine mutation

Publié le 06/12/2008 à 00:00

La presse quotidienne en pleine mutation

Publié le 06/12/2008 à 00:00

Par Suzanne Dansereau

L'hiver s'annonce difficile dans nos salles de presse. Au Journal de Montréal, les changements réclamés par la partie patronale sont tels que le syndicat craint un lock-out dès le 2 janvier.

Selon Raynald Leblanc, président du Syndicat des travailleurs de l'information du Journal de Montréal, une centaine des 250 postes seraient menacés.

À La Presse, le climat de renouveau qui régnait lors de la refonte du journal, en 2001, s'est transformé en morosité à la suite de l'annonce récente de compressions budgétaires qui vont se traduire par des départs à la retraite et la diminution du nombre de cahiers. Sans parler des coupes dans les dépenses de reportages et d'une renégociation du régime de retraite des employés.

À The Gazette, c'est l'impartition de certaines fonctions à l'extérieur du Québec qui met le feu aux poudres. La maison mère Canwest, voyant sa capitalisation boursière chuter de 78 % cette année, veut réduire ses coûts d'exploitation.

" La crise économique a frappé ", déclare d'entrée de jeu Isabelle Dessureault, vice- présidente, affaires publiques, de Quebecor Media, propriétaire, notamment, du Journal de Montréal, du Journal de Québec et de la chaîne de journaux Sun.

Qui dit récession dit chute des revenus publicitaires. En fait, selon Robert Ricard, économiste spécialisé dans les médias, chaque baisse de 1 point du PIB se traduit par une baisse de 3 à 5 % des revenus publicitaires pour les journaux.

Mais la crise qui frappe la presse quotidienne est plus profonde. Celle qu'on observe au Québec s'inscrit dans le cadre de ce qui se passe un peu partout sur la planète. Aux États-Unis, les quotidiens licencient des employés par milliers. La France a lancé des états généraux sur la crise des quotidiens.

Un modèle qui tombe en miettes

Ainsi, au-delà du facteur aggravant qu'est l'actuelle crise économique, c'est une véritable crise de mutation qui frappe les quotidiens. Leurs revenus publicitaires chutent, leurs coûts d'exploitation augmentent, et Internet leur fait une concurrence jamais vue, pire que celle de la radio ou la télévision. Leurs modèles rédactionnel et commercial ne tiennent plus, à l'ère du multimedia.

Les quotidiens s'étaient habitués à des marges de profit de 20, 30, voire 40 % depuis des décennies. Les analystes médias s'entendent pour dire que de telles marges sont révolues. " Nous sommes encore profitables, mais moins qu'avant ", confirme Isabelle Dessureault.

Une part importante des budgets des annonceurs y compris les lucratives annonces classées, qui représentaient 40 % des revenus publicitaires avant l'arrivée du Web, s'est déplacée vers Internet.

Internet fait circuler l'information gratuitement, sans frais variables en fonction du tirage, tandis que les journaux papier font face à des coûts d'impression et de distribution qui augmentent avec le nombre d'exemplaires. D'ailleurs, le coût du papier journal a grimpé de 25 % au cours de la dernière année.

Certes, bien des journaux ont réagi : ils se sont mis en ligne. Mais ils l'ont fait tardivement. À l'heure actuelle, les revenus qu'ils tirent de la publicité vendue sur leur site Internet n'augmentent pas assez rapidement pour compenser les pertes publicitaires subies dans leur version papier. De plus, ils font face, sur le Web, à un degré de concurrence jamais vu dans le domaine de l'imprimé. Les annonceurs ont maintenant le choix, et ce n'est pas parce que la marque d'un journal est forte sur papier qu'elle l'est sur laToile. En fait, le problème des journaux est qu'ils n'arrivent pas à tirer profit d'Internet comme ils le voudraient.

" Les journaux font de la résistance, car ils sont encore profitables, dit Jeff Mignon, consultant en stratégie et innovation média. Ainsi, ils n'ont pas développé des outils comme ceux qu'ont bâtis les moteurs de recherche comme Google, par exemple, qui peuvent vendre de la pub par mot clé n'importe où dans le monde. " À son avis, le prix de la pub sur Internet, moins élevé que la pub sur papier, est actuellement sous-évalué. Sa valeur aussi.

Chose certaine, le nouveau modèle d'entreprises de la presse s'annonce plus complexe que l'ancien. Pour l'instant, la refonte de ce modèle se traduit par deux stratégies.

D'un côté, les quotidiens réduisent leurs coûts d'exploitation, composés à 50 % des coûts de production et de distribution et à 50 % de la masse salariale.

De l'autre, ils cherchent de nouvelles sources de revenus. Actuellement, les journaux tirent environ 80 % de leurs revenus en publicité et le reste, en abonnements et en ventes en kiosque.

Quotidiens 2.0

Déjà, plusieurs publications ont entrepris de corriger leur modèle commercial. On réduit le nombre de pages ou leurs dimensions, ou encore, le rythme de parution. Récemment, le quotidien américain Christian Science Monitor a annoncé que sa version papier ne serait plus quotidienne, mais hebdomadaire, et qu'on retrouverait ses nouvelles quotidiennes seulement sur Internet. D'autres journaux pourraient lui emboîter le pas et mettre fin à leur parution les lundis ou mardis, des jours pauvres en publicité.

L'élimination de certaines routes de distribution est une autre possibilité. Au Canada, le quotidien National Post n'est plus livré à domicile en Saskatchewan et au Manitoba.

Les investissements des quotidiens se déplacent vers de nouvelles plateformes de diffusion : le Web, la vidéo, les publications de niche (Internet ou papier), la téléphonie cellulaire, les conférences et les formations, les réseaux sociaux...

" Dorénavant, les journaux utiliseront plusieurs plateformes pour que les annonceurs accèdent à leur auditoire ", explique David Gollob, vice-président de l'Association canadienne des journaux. La transition est commencée.

Journaux en crise

40 % Proportion des grands quotidiens aux États-Unis qui ne sont pas profitables, selon le Newsmedia Outlook 2009 publié par l'International Newsmedia Marketing Association

90 % Proportion de l'augmentation du lectorat des quotidiens sur Internet au Canada entre 2001 et 2007, selon Nadbank

1/3 Proportion des postes menacés au Journal de Montréal, selon le syndicat

18,2 % Baisse des revenus publicitaires des journaux aux États-Unis au dernier trimestre, selon l'Association américaine des journaux

82 % baisse des profits du New York Times en 2008

suzanne.dansereau@transcontinental.ca

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