L'industrie s'affaire à redorer son blason

Publié le 05/10/2013 à 00:00

L'industrie s'affaire à redorer son blason

Publié le 05/10/2013 à 00:00

Par Pierre Théroux

Corruption, collusion, fraude, sans compter des réputations ternies et la perte de confiance : après la forte tempête qui s'est abattue sur l'industrie québécoise du génie-conseil ces dernières années, le temps est maintenant à mettre de l'ordre dans les affaires et à réparer les dommages.

Dans certaines firmes, le ménage s'est amorcé en apportant des changements majeurs à la haute direction. Chez SNC-Lavalin, l'un des fleurons du Québec inc. qui figure parmi les plus importantes firmes de génie du monde, le conseil d'administration s'est tourné vers l'Américain Robert Card pour remplacer le président déchu, Pierre Duhaime, formellement accusé de fraude dans le dossier de la construction du Centre universitaire de santé McGill (CUSM).

Le nouveau président a continué le travail entamé en recrutant aussi à l'étranger pour remanier la haute direction. SNC-Lavalin a notamment embauché l'ex-chef de la conformité du géant Siemens et spécialiste en gouvernance d'entreprise, Andreas Pohlmann, qui occupe cette même fonction depuis mars dernier.

Un autre ancien de Siemens, Terrance Ivers, vient par ailleurs d'être nommé vice-président directeur de la division pétrole et gaz. Il en dirige les activités mondiales à partir des bureaux de SNC-Lavalin à Houston. Neil Bruce, auparavant administrateur et directeur de l'exploitation de la firme de génie-conseil britannique AMEC, assume depuis Londres le nouveau poste de président, ressources et environnement.

Pour Michel Nadeau, directeur général de l'Institut sur la gouvernance d'organisations privées et publiques, il s'agit d'un pas dans la bonne direction.

«Les sociétés de génie devraient congédier toutes les personnes qui font l'objet d'accusations ou les suspendre jusqu'à ce que la lumière soit faite. C'est une première étape sur le chemin de la réhabilitation», conseille M. Nadeau.

Agir sur plusieurs fronts

La firme Dessau, qui a été montrée du doigt pendant les audiences de la commission Charbonneau, a aussi vu Jean-Pierre Sauriol démissionner en juin de son poste de président et chef de la direction de l'entreprise fondée par son père en 1957.

Pour la sixième firme d'ingénierie-construction du Canada, il s'agissait d'une première étape visant entre autres à redorer son blason auprès de l'Autorité des marchés financiers (AMF) qui l'a inscrite au Registre des entreprises non admissibles aux contrats publics jusqu'en 2018.

L'entreprise prépare une nouvelle demande qu'elle déposera sous peu à l'AMF dans l'espoir d'obtenir une attestation d'intégrité. «On agit sur plusieurs fronts, avec l'aide d'experts externes, pour corriger la situation et améliorer nos pratiques d'affaires», souligne Jessie-Kim Malo, conseillère en communication chez Dessau.

Dessau s'est aussi affairée à réviser plusieurs aspects de son code d'éthique, mais refuse pour l'instant de préciser la teneur de ces changements.

Genivar, également associée à de la collusion dans l'industrie de la construction et à des activités de financement illégal de partis politiques, a aussi renforcé son code de conduite.

Mais, «c'est un exercice que nous faisons régulièrement», indique Isabelle Adjahi, directrice des communications et des relations avec les investisseurs, en précisant que l'entreprise n'a pas attendu la commission Charbonneau pour y apporter des changements.

L'entreprise a particulièrement réitéré et raffermi ses interdictions en matière de pots-de-vin, de ristournes et autres paiements indus. Genivar, qui poursuit son expansion à l'international, incite aussi les employés à être particulièrement prudents dans leurs discussions ou leurs relations d'affaires avec des représentants des gouvernements étrangers.

Adoption de normes

L'Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ) met aussi l'épaule à la roue. L'organisme, qui compte quelque 60 000 membres, a lancé en mai dernier un programme d'audit sur les pratiques commerciales des firmes de génie-conseil.

«Il faut un meilleur encadrement non seulement de la profession, mais aussi des pratiques d'affaires pour l'obtention de contrats et la participation à des appels d'offres», reconnaît le président de l'Ordre, Daniel Lebel.

L'OIQ travaille aussi en parallèle avec le Bureau de normalisation du Québec pour l'élaboration d'une norme officielle de certification qui sera appliquée dans le cadre du programme d'audit. Une fois la norme finalisée, vraisemblablement au printemps 2014, un nombre limité de firmes seront auditées pour valider le fait que la norme développée est applicable. Ce programme volontaire sera ensuite offert à l'ensemble des firmes de génie-conseil du Québec. Un registre public sera publié sur le site Web de l'Ordre qui dressera la liste des firmes certifiées comme étant des entreprises agissant avec intégrité et éthique.

Daniel Lebel ne croit pas que l'Ordre, dont la mission est de protéger l'intérêt du public et de se porter garant du professionnalisme de ses membres, ait failli à sa tâche ces dernières années.

«Pour enquêter, ça prend une dénonciation. On ne peut pas aller à la pêche», argue-t-il. M. Lebel rappelle que l'organisme a lancé à l'automne 2010 la ligne 1 877 ÉTHIQUE pour inciter ses membres à dénoncer de façon anonyme les pratiques douteuses.

Changement de culture

L'OIQ s'affaire par ailleurs à analyser les codes d'éthique de firmes de génie-conseil. L'Ordre a fait appel à des éthiciens et s'inspire de modèles à l'international pour l'accompagner dans ses travaux afin de déterminer les meilleures pratiques et les pièges qui provoquent les dérives.

Genivar s'est portée volontaire. «On veut s'assurer que notre code de conduite soit à la hauteur des exigences», dit Mme Adjahi.

Mais encore faut-il que les codes de conduite soient respectés. Car les firmes de génie menaient déjà leurs affaires à partir de codes de conduite qui mettaient l'éthique et l'intégrité à l'avant-plan de leurs valeurs. Ce qui n'a pourtant pas empêché les dérapages.

«Les ingénieurs doivent se rappeler qu'avant d'être des employés, ils sont des professionnels qui ont un code de déontologie à respecter», rappelle M. Lebel.

Michel Nadeau plaide en faveur d'un changement de culture au sein des entreprises. «Les codes sont remplis de propositions vertueuses. Il doivent être accompagnés d'un message haut et clair du président qui s'engage personnellement à assumer les conséquences d'un manque d'éthique», souligne-t-il.

Les questions de gouvernance doivent aussi être à l'ordre du jour. «Plusieurs firmes sont des sociétés contrôlées par des ingénieurs-actionnaires. Elles doivent avoir un conseil d'administration équilibré qui compte une majorité de membres indépendants», affirme M. Nadeau.

Bernard Lapierre, coordonnateur et responsable des cours d'éthique appliquée à l'ingénierie de Polytechnique Montréal, abonde dans le même sens. «Les questions d'éthique ne doivent pas seulement toucher les ingénieurs. C'est toute la culture des entreprises qui doit être revisitée», dit ce philosophe-éthicien.

Polytechnique, qui accueille des cohortes de quelque 750 étudiants chaque année, offre depuis près de 15 ans des cours obligatoires d'éthique appliquée dans tous ses programmes de baccalauréat. La formation vise à préparer les futurs ingénieurs à reconnaître les problèmes éthiques. «Ils doivent connaître leur responsabilité, la portée de leurs actions pour éviter les dérapages», précise M. Lapierre.

L'OIQ entend aussi mettre davantage l'accent sur la formation de ses membres. L'Ordre présentera au cours des prochains mois une série d'ateliers portant sur l'indépendance professionnelle et la préséance de l'intérêt public.

pierre.theroux@tc.tc

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