L'industrie québécoise du jeu vidéo sort plus forte de la récession

Publié le 15/08/2009 à 00:00

L'industrie québécoise du jeu vidéo sort plus forte de la récession

Publié le 15/08/2009 à 00:00

Par Alain McKenna

Loin d'être mise K.-O. par la crise économique, l'industrie québécoise du jeu vidéo en a profité pour consolider sa place, plusieurs de ses produits étant très attendus à l'échelle mondiale et d'autres grands studios étrangers songeant à venir s'installer dans la Belle Province.

Au point où ce qui semblait inaccessible il y a quelques années est devenu réalité : le Québec, avec ses quelque 6 700 emplois dans ce secteur, est devenu l'un des principaux pôles mondiaux du jeu vidéo.

" La crise a secoué tout le monde, mais elle a été moins violente au Québec. Elle nous a permis de constater l'occasion que représente le Québec pour l'industrie mondiale du jeu vidéo ", affirme Alain Tascan, vice-président et direceur général d'Electronic Arts Montréal.

Les studios de la province comptent maintenant parmi les plus prolifiques du monde. Sur les 10 titres les plus attendus en 2009, au moins trois sont de conception québécoise (Army of Two 2, Assassin's Creed 2 et Wet).

Et ce n'est qu'un début. " En ce moment, il doit y avoir entre 10 et 15 jeux vidéo de haut niveau en développement à Montréal, estime Stéphane D'Astous, directeur général d'Eidos. Il n'y a pas beaucoup d'endroits dans le monde où il s'en développe autant en une année ! "

Ces succès pourraient favoriser d'autres investissements. Selon plusieurs sources, au moins deux autres multinationales - dont un important éditeur japonais - songent très sérieusement à ouvrir des studios dans la métropole québécoise au cours des prochains mois. Un de ces studios préférerait d'ailleurs Montréal à Toronto.

De quoi faire oublier qu'Ubisoft a récemment fait savoir qu'elle ouvrirait un studio à Toronto ? " On critique souvent Québec, mais il faut applaudir le programme québécois du jeu vidéo, qui a vraiment su créer une industrie prédominante ", croit Stéphane D'Astous.

Le programme québécois de crédits d'impôt pour la production de titres multimédias, introduit en 1997, a rapidement plu à Ubisoft (France), Electronic Arts (États-Unis) et Eidos (Angleterre), et a contribué à créer environ 6 700 emplois en 10 ans. C'est ce programme, jumelé à l'offre de formation professionnelle et d'une expertise locale en animation numérique, reconnue grâce à des sociétés comme Softimage, qui a donné forme à l'industrie québécoise du jeu vidéo.

Des superproductions montréalaises

Le studio d'Eidos à Montréal, qui compte 250 employés, tourne à plein régime. C'est que l'entreprise, affiliée au géant japonais Square Enix depuis mai dernier, devrait lancer sous peu Deus Ex 3, un ambitieux jeu de rôles mêlant stratégie et action.

" Le jeu vidéo a sans doute été le secteur du divertissement le moins touché [par la crise] ", estime M. D'Astous, d'Eidos.

On se refuse à donner une date de lancement officielle du nouveau jeu, mais l'opération devrait se solder par la création d'une centaine d'emplois, voire plus. " Square Enix est très intéressée par le studio montréalais, et de nouveaux investissements devraient suivre ", assure cet ancien d'Ubisoft.

Du côté d'EA Montréal aussi, on continue de parler de croissance. La société a pourtant dû fermer des studios à Vancouver l'hiver dernier, mettant au chômage 800 personnes. " On a consolidé à Vancouver, mais on continue d'investir à Montréal ", assure M. Tascan.

Le budget d'un film américain

Un jeu vidéo de haute qualité demande deux ou trois ans de travail à temps plein à une équipe de dizaines ou de centaines de personnes. Et un investissement de quelques dizaines de millions de dollars. Si le jeu en question est un succès, il peut générer des revenus de l'ordre de la centaine de millions de dollars.

" Le budget d'un jeu typique est bien supérieur à celui de la plus grosse production du cinéma québécois ", illustre M. D'Astous. Son homologue d'EA Montréal le confirme. " On commence à comparer ça au budget d'un film américain ", dit-il. Les recettes sont du même ordre : Army of Two, édité par EA Montréal, s'est vendu à plus de deux millions d'exemplaires dans le monde, à 70 $ l'unité.

La concurrence s'intensifie

Cela explique pourquoi l'Ontario, l'Irlande et la Chine s'intéressent tant à cette industrie : un marché en forte croissance, qui génère d'importants revenus (21,3 milliards de dollars américains en 2008, selon l'Entertainment Software Alliance) et qui emploie un grand nombre de travailleurs qualifiés.

Ces pays constituent-ils un risque pour le développement de l'industrie québécoise ? " Il ne faudrait pas s'asseoir sur nos lauriers ", croit Martin Duchaîne, directeur général de TechnoMontréal, un organisme affilié à Montréal International dont le mandat est de développer l'industrie technologique montréalaise. " Montréal est déjà reconnue comme un pôle mondial du jeu vidéo, mais pour continuer à grandir, ça va prendre des efforts concertés. "

Même son de cloche du côté d'EA. " Il faut continuer d'attirer les meilleurs du monde au Québec, dit Alain Tascan. Mais si on veut poursuivre cette croissance, le gouvernement, le milieu de l'éducation et les autres partenaires devront continuer à investir. "

Cet effort ne devrait pas se résumer à des crédits d'impôt. La formation de la main-d'oeuvre, l'aide à la commercialisation et la protection de la propriété intellectuelle sont trois priorités citées tant par TechnoMontréal que par l'Alliance numérique, qui regroupe les entreprises québécoises du jeu vidéo. " Il ne faut pas être alarmiste, mentionne Pierre Proulx, président de l'Alliance. Le jeu vidéo au Québec est en santé, mais il faut en prendre soin. "

JOUER POUR GAGNER...

4 700 000 000 $

Recettes de l'industrie canadienne du jeu vidéo en 2008

POUR CROÎTRE...

"Le jeu vidéo est le plus grand secteur de croissance économique des TI à Montréal."

- Martin Duchaîne, directeur général de TechnoMontréal.

... ET POUR TRAVAILLER

6 700 Nombre d'emplois que compte l'industrie du jeu vidéo au Québec, dont plus de 5500 à Montréal.

UNE INDUSTRIE DE PLUSIEURS MILLIARDS

Ventes annuelles, en milliards de dollars américains, de jeux vidéo dans le monde

2006 12,5

2007 18,9

2008 21,3

AMBITION PLANÉTAIRE

" On aimerait que le Québec soit le meilleur endroit dans le monde pour tous ceux qui veulent faire du jeu vidéo. "

- Alain Tascan, directeur général d'Electronic Arts Montréal

LES PLUS PROLIFIQUES

Les plus grands producteurs de jeux vidéo

1. États-Unis

2. Japon

3. Canada

4. Angleterre

5. Allemagne

Sources : NPD Group, Association canadienne du logiciel de divertissement (mars 2009) et Alliance numérique

LES CINQ JEUX MONTRÉALAIS LES PLUS ATTENDUS D'ICI LA FIN 2009

Army of Two 2: The 40th Day

(Electronic Arts)

Assassin's Creed 2

(Ubisoft)

Call of Duty: Modern Warfare 2

(Ubisoft)

Deus Ex 3 (Eidos/Square Enix)

Wet (A2M)

OÙ SONT PRODUITS LES JEUX VIDÉO AU CANADA ?

Toronto 9 %

Québec 8 %

Autres 8 %

Vancouver 42 %

Montréal 32 %

Source : Association canadienne du logiciel de divertissement (mars 2009)

alain.mckenna@transcontinental.ca

À la une

Les profits d’Alphabet bondissent

17:08 | AFP

La maison mère de Google a été portée par la publicité, le cloud et l’IA.

Microsoft fait mieux que prévu au premier trimestre

17:19 | AFP

Dans les échanges électroniques postérieurs à la clôture de la Bourse, l’action Microsoft gagnait près de 5%.

Bourse: Wall Street plombée par Meta et la faible croissance américaine

Mis à jour à 16:58 | lesaffaires.com, AFP et Presse canadienne

REVUE DES MARCHÉS. La Bourse de New York a terminé en baisse, jeudi.