L'herbe sera plus verte aux États-Unis pour nos entreprises

Publié le 15/11/2008 à 00:00

L'herbe sera plus verte aux États-Unis pour nos entreprises

Publié le 15/11/2008 à 00:00

Par François Normand

[Illustration : Josée Noiseux / Les Affaires]

Glenn R. Kelly ne voit pas Barack Obama dans sa soupe, mais il cache mal son enthousiasme face à l'arrivée prochaine du nouveau président à la Maison-Blanche, le 20 janvier : " C'est certainement une bonne nouvelle pour nous ! " confie le patron de CO2 Solution, une PME de Québec qui a élaboré un procédé pour capturer du dioxyde de carbone (CO2).

Comme plusieurs entrepreneurs, Glenn Kelly voit des occasions d'affaires se profiler à l'horizon avec l'élection du président démocrate, qui a fait de l'environnement et de la lutte aux changements climatiques l'une des pierres d'assise de son programme électoral.

Attention, il n'est pas question de " révolution verte " ou de " virage vert ". Même si les États-Unis n'ont pas ratifié le protocole de Kyoto, les États américains font, eux, des efforts pour réduire leur consommation d'énergie et diminuer leurs rejets de gaz à effet de serre (GES). Et depuis longtemps. L'élection d'Obama conjuguée au contrôle accru des démocrates sur le Congrès ne fera qu'accélérer cette vague.

L'économie sera la priorité...

De plus, il ne faut pas rêver en couleurs : le président aura bien des chats à fouetter en plus de l'environnement.

" Sa première priorité sera l'économie et les guerres en Irak et en Afghanistan ", souligne Steven Guilbeault, porte-parole d'Équiterre en matière d'environnement.

Les États-Unis sont frappés par la pire crise financière depuis les années 1930 et la pire récession depuis celle de 1981-1982, avec en prime une industrie automobile au bord du gouffre. De plus, en campagne, Barack Obama a promis de retirer progressivement les troupes américaines d'Irak et de renforcer le contingent pour combattre les talibans en Afghanistan.

... mais l'environnement comptera aussi

Cela dit, l'environnement sera quand même un dossier important à Washington, précise M. Guilbeault et d'autres spécialistes. " George W. Bush était tellement inactif que n'importe qui peut faire mieux que lui ! " lâche Clare Demerse, analyste en changements climatiques à l'Institut Pembina, un organisme environnemental, ajoutant que les politiques de Barack Obama sont très ambitieuses. Ainsi, toute entreprise canadienne qui a une expertise, une technologie ou un produit innovateur pour aider les Américains à atteindre leurs objectifs verts sera donc la bienvenue.

C'est la lecture que fait Glenn Kelly. La technologie conçue par CO2 Solution permet de réduire jusqu'à 90 % les émissions de GES des centrales thermiques (au charbon, au pétrole ou au gaz naturel). " Notre technologie tombera à point quand nous la commercialiserons, en 2011-2012 ", dit-il, précisant que le développement du " charbon propre " est une priorité du président désigné.

D'autres secteurs que la capture et la séquestration du CO2 pourraient profiter du nouveau contexte politique aux États-Unis, en premier lieu les producteurs d'énergie renouvelable.

Dans son plan, Barack Obama veut que 10 % de l'électricité produite aux États-Unis provienne de sources vertes d'ici 2010, et de 25 % à partir de 2025. " C'est bon pour nous ", dit Patricia Lemaire, porte-parole de Boralex, un producteur d'énergie renouvelable qui exploite six centrales thermiques utilisant la biomasse forestière, et cinq centrales hydroélectriques aux États-Unis.

La production d'énergie éolienne regorgera aussi d'occasions d'affaires, d'autant plus que le soutien financier du gouvernement américain aux producteurs (2 cents le kilowattheure) est deux fois plus élevé qu'au Canada (1 ¢/kWh). Aussi, tous les fabricants canadiens de structures et de composants d'éoliennes pourraient connaître de belles années aux États-Unis.

Les transports sont aussi un secteur qui subira de profondes transformations au sud de la frontière. Entre autres, un million de voitures hybrides devraient prendre d'assaut les routes américaines, et les constructeurs auront recours à des matériaux légers pour réduire la consommation de leurs véhicules. " On prévoit une hausse de la demande pour l'aluminium aux États-Unis ", dit Pierre Chaput, directeur, développement durable, de l'Association de l'aluminium du Canada. Cela dit, la concurrence sera forte, car d'autres matériaux, comme la fibre de carbone, sont aussi utilisés pour réduire le poids des véhicules, notamment des avions.

Le secteur du bâtiment est aussi un secteur clé pour les entreprises d'ici. Le plan Obama prévoit, par exemple, l'isolation d'un million de maisons par an.

La reconversion d'usines désaffectées pour mettre en place une " économie verte " - pour produire des pales d'éoliennes, par exemple - est aussi au menu, ajoute Christine Fréchette, spécialiste des États-Unis au CERIUM (Centre d'études et de recherches internationales) de l'Université de Montréal.

Nouveau marché du carbone

Enfin, le marché du carbone est aussi une voie intéressante pour les entreprises canadiennes, selon Pierre Plante, avocat spécialisé en énergie chez Fasken Martineau à Montréal. " Il y a déjà et il y aura des occasions pour acheter ou vendre des droits d'émission de GES ", dit-il. Barack Obama propose de mettre en place un système fédéral d'échange - la formule existe déjà dans certains États, dont le Connecticut - qui serait doté de cibles de réduction absolues, ce qui forcera les entreprises américaines à faire des efforts considérables.

Dans ce système, les sociétés nord-américaines dépassant leurs cibles pourraient vendre leurs droits d'émissions aux contrevenantes. Cette mesure motive les entreprises à aller au-delà de leurs cibles de réduction.

Verts depuis longtemps

Analyse. L'inaction de Washington a été compensée par le dynamisme d'États comme la Californie.

Vous aimez les mythes ? En voici un qui a la vie dure : les États-Unis ne font rien pour réduire leurs émissions de GES, car ils n'ont pas ratifié le protocole de Kyoto; tandis que le Canada, qui l'a fait, est un modèle à suivre. Or, les statistiques remettent les pendules à l'heure.

De 1990 à 2005, le Canada a augmenté ses rejets de GES de 25,3 %. C'est le pire résultat des pays du G8, selon l'ONU. Certes, l'exploitation des sables bitumineux en Alberta est en partie responsable. Mais cela n'explique pas tout. Pendant ce temps, aux États-Unis, les émissions ont progressé de 16,3 %.

Oui, le Canada a ratifié Kyoto, mais qu'avons nous fait depuis ? Peu. Mais nous avons parlé, beaucoup parlé, notamment pour critiquer " l'Amérique de Bush ".

Erreur, car au niveau des États, les Américains sont actifs en matière d'économie d'énergie et de lutte aux changements climatiques. Par exemple, la Californie a des cibles de réduction des émissions de GES, tout comme 13 autres États.

Des provinces comme le Québec se sont certes dotées de plans pour réduire leurs GES. Mais cela n'a rien à voir avec ce qui se passe dans certains États américains.

francois.normand@transcontinental.ca

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