L'exploration minière se met en veilleuse

Publié le 12/10/2013 à 00:00, mis à jour le 10/10/2013 à 10:03

L'exploration minière se met en veilleuse

Publié le 12/10/2013 à 00:00, mis à jour le 10/10/2013 à 10:03

La crise du financement qui secoue le secteur québécois de l'exploration minière risque de s'aggraver au cours de la prochaine année. Les investisseurs ayant acheté des actions accréditives auprès de sociétés sans le sou devront alors rembourser leurs déductions, parce que les sociétés n'auront pas été capables de remplir leurs obligations envers le régime. C'est ce que craignent plusieurs acteurs de l'industrie.

«Ce sera le prochain scandale», dit Vincent Janelle, responsable des relations avec les investisseurs chez Ressources Monarques, qui vient d'acquérir plusieurs propriétés minières de sociétés frappées par la crise.

En vertu d'un régime datant des années 1980 et créé dans le but de soutenir le secteur de l'énergie et des mines au Québec, les sociétés d'exploration peuvent émettre des actions accréditives pour financer leurs activités sur le terrain. Les investisseurs qui les achètent déduisent de leur revenu le montant investi dans ce placement. Le pourcentage de réduction est de 100 % au provincial.

Mais la crise du financement est telle dans l'industrie que certaines sociétés ont pris l'argent des actions accréditives non pas pour financer des activités d'exploration, mais pour payer leurs charges générales. Si, au bout du délai fixé, elles ne sont pas en mesure de remplir leurs obligations de travail sur le terrain, l'État demandera aux détenteurs de ces placements de lui rembourser les déductions.

«C'est très grave, et l'industrie ne peut pas se permettre cela», lance Paul-Henri Couture, administrateur de minières depuis 35 ans et ancien vice-président, ressources naturelles, de la Caisse de dépôt et placement, où il a aidé à créer le Fonds Sodémex. «Le lien de confiance sera brisé entre l'industrie et les investisseurs», ajoute-t-il.

Pas de reprise en vue

Le financement des sociétés d'exploration par actions ordinaires ou accréditives est difficile depuis au moins deux ans, et on ne voit pas le bout du tunnel. Or, «deux ans, c'est long, dit M. Couture. Je me rappelle du cycle baissier de 1996 à 1998, au moment où l'or avait chuté. Mais la reprise était venue rapidement. Pas aujourd'hui», observe-t-il.

Bien des sociétés d'exploration se mettent donc en veilleuse. La société MDN, par exemple, a cessé le travail sur le gisement Crevier, un projet qui avait été annoncé en grande pompe en association avec le Plan Nord. MDN concentre maintenant ses efforts sur une propriété aurifère en Afrique.

Selon Valérie Fillion, directrice générale de l'Association de l'exploration minière du Québec, un nombre croissant de sociétés cessent leurs activités d'exploration, abandonnent des concessions d'exploration (claims), revoient les échéanciers de leurs projets, remercient la moitié de leur personnel et réduisent les heures de travail et les salaires des employés qui restent. Objectif : réduire au minimum leur burn rate, c'est-à-dire leurs charges d'exploitation.

Dégringolade chez Donner Metals

C'est ce qu'essaie de faire Donner Metals. Après avoir été incapable de répondre à un appel de fonds, malgré deux placements privés, elle a dû céder sa participation dans le projet d'exploitation de cuivre et de zinc de Bracemac-McLeod qu'elle développait avec Glencore-Xstrata. Une situation pénible, commente son président québécois, Normand Champigny.

Le titre de Donner Metals a dégringolé : alors que la valeur comptable de l'action atteignait 0,09 $ le 31 mai, le marché ne l'évaluait plus qu'à un demi-cent le 16 septembre. Elle était de 0,17 $ au début de l'année... Haywood Securities a cessé de suivre le titre, ne voyant plus en Donner Metals qu'une coquille.

Faire appel au marché boursier n'est pas souhaitable, c'est le moins qu'on puisse dire. L'indice de la Bourse de croissance de Toronto, où sont inscrites les petites sociétés minières canadiennes, a chuté de plus de 60 % depuis 2011. Selon M. Couture, si on excluait les titres des autres secteurs, la chute des petites minières serait plutôt de 60 à 90 %. À la Bourse de croissance, on rapporte que 29 sociétés se sont délistées en 2012, et 18 en 2013. On assiste donc à un début d'épuration dans l'industrie, selon les experts.

Continuer d'avancer

Des sociétés trouvent quand même le moyen d'avancer. Chez Ressources Géoméga, de Saint-Lambert, où le travail d'exploration s'effectuait sur une propriété de terres rares, la phase de développement du gisement semble maintenant bien loin.

En attendant, on travaille sur la technologie de séparation des terres rares. Géoméga vient d'annoncer un partenariat avec l'allemande FFE Service pour mettre au point un procédé qui permettrait de réduire les coûts. Pour financer cette recherche, Géoméga fait appel au Fonds de technologie du développement durable. «Nous sommes chanceux, dit le président de l'entreprise, Simon Britt. Nous arrivons au terme de deux ans et demi d'exploration, et nous avons fait nos demandes de crédits d'impôt en période haussière.

«Grâce à ces crédits que nous commençons à recevoir et à un prêt transitoire du fonds accrédité SIDEX, nous serons en mesure de respecter nos obligations, ajoute-t-il. Nous sommes OK pour une autre année, le temps de démontrer au marché la robustesse économique de notre projet.»

Selon M. Britt, le fait de produire des études, des calculs de ressources et d'autres évaluations est un atout. «Les marchés ne réagissent pas, mais cela rassure les investisseurs.» Il se dit chanceux de compter sur de bons actionnaires (qui ne vendrons pas leurs actions dans un vent de panique), une bonne équipe, une bonne structure et l'appui des fonds accrédités (SIDEX, Sodémex, FTQ).

De bons partenaires

L'optimisme est également de mise chez Midland Exploration. La société vient de conclure un partenariat d'exploration avec un gros acteur, la société Teck, sur une propriété aurifère en Abitibi. Un partenariat dans lequel Midland n'a pas à mettre de l'argent et qui s'ajoute à d'autres, notamment ceux avec Osisko et Agnico Eagle, qui lui ont permis de réaliser des travaux d'exploration d'une valeur de 4 millions de dollars en 2013. Sur ce montant, Midland a financé 1,8 million de travaux sur des sites dont elle est la seule propriétaire.

Pour 2014, le président de l'entreprise, Gino Roger, s'attend certes à des réductions. Toutefois, il ne croit pas que les projets sur lesquels il travaille seront abandonnés, car ils sont avancés et les partenaires sont relativement solides. «Nous visons pour 3 M$ de travaux en 2014», précise-t-il.

Midland Exploration met l'accent sur ses propriétés aurifères, car la demande d'or demeure bonne.

suzanne. dansereau@tc.tc

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