"L'État doit reprendre le contrôle de ses dépenses" - Luc Bernier, codirecteur du Centre de recherche sur la gouvernance de l'ENAP

Publié le 24/09/2011 à 00:00

"L'État doit reprendre le contrôle de ses dépenses" - Luc Bernier, codirecteur du Centre de recherche sur la gouvernance de l'ENAP

Publié le 24/09/2011 à 00:00

Par Suzanne Dansereau

Qu'est-ce qui vous inquiète le plus des révélations du rapport Duschesneau ?

C'est le fait que l'État québécois, clairement, se retrouve sans défense devant des entreprises qui ont acquis le pouvoir de dicter leurs prix. Il a perdu sa capacité d'évaluer et de contrôler ce que ces firmes lui proposent.

Comment en est-il arrivé là ?

Il a laissé partir son personnel qualifié - des ingénieurs et des avocats qui sont passés au privé, qui paie mieux - et il a chargé des firmes privées de gérer l'octroi de ses contrats. De plus, il s'est écroulé devant la pression des firmes privées qui octroyaient des dons au parti au pouvoir. Cela me fait mal d'imaginer les pertes astronomiques qui ont dû en résulter. Et le problème n'est pas seulement au ministère des Transports. La même chose se produira dans les contrats d'informatique, où il y a seulement trois firmes qui se partagent le marché. Dans ce domaine, le dépassement moyen de coûts est de 20 % et on l'accepte sans rechigner. Or, 20 % sur des milliards, c'est beaucoup d'argent.

Avez-vous des pistes de solution ?

Le gouvernement doit réembaucher des ingénieurs et des avocats suffisamment qualifiés et bien les payer afin qu'ils puissent faire un bon travail en ce qui concerne la rédaction de contrats et la surveillance des mandats. Pourquoi, par exemple, ne pas constituer une équipe de construction à l'interne qui pourrait devenir un témoin de ce que coûtent réellement les choses ?

Le problème est qu'il n'y a pas assez de concurrence dans le privé. Rien n'interdit que la concurrence vienne du public. Chose certaine, le gouvernement doit élargir la concurrence - qu'elle vienne du public ou de l'extérieur de son territoire.

Pour ce qui est des autres fléaux soulevés dans le rapport, à savoir l'infiltration du crime organisé et la corruption, les lois sont là et il faut vouloir les appliquer. Cela dit, le Québec n'est pas le seul État où l'industrie de la construction est infiltrée par la mafia : les États américains du New Jersey et de New York, notamment, font face également à ce problème.

CV

Nom : Luc Bernier

Fonction : Codirecteur

Organisation : Centre de recherche sur la gouvernance, ENAP

Professeur à l'École nationale d'administration publique du Québec (ENAP) depuis 1991, il se spécialise dans les politiques publiques, les réformes administratives et les entreprises publiques. Il a été président de l'Institut de l'administration publique du Canada. Depuis 2010, il préside le conseil scientifique du Centre interdisciplinaire de recherche et d'information sur les entreprises collectives, à Liège en Belgique.

À la une

Dette et déficit du fédéral: on respire par le nez!

19/04/2024 | François Normand

ANALYSE. Malgré des chiffres relativement élevés, le Canada affiche le meilleur bilan financier des pays du G7.

Budget fédéral 2024: «c'est peut-être un mal pour un bien»

19/04/2024 | Philippe Leblanc

EXPERT INVITÉ. Les nouvelles règles ne changent pas selon moi l'attrait des actions à long terme.

Multiplier la déduction pour gain en capital, c'est possible?

19/04/2024 | WelcomeSpaces.io

LE COURRIER DE SÉRAFIN. Quelle est l'avantage de cette stratégie?