L'automne sera chaud

Publié le 07/09/2013 à 00:00, mis à jour le 05/09/2013 à 09:39

L'automne sera chaud

Publié le 07/09/2013 à 00:00, mis à jour le 05/09/2013 à 09:39

Observateur aguerri du Québec économique, René Vézina nous dit quels sont les dossiers à surveiller cet automne et, surtout, pourquoi.

Les retraites, l'incontournable enjeu

C'est le sujet de la rentrée, de l'année et probablement de la décennie.

C'est inévitable : comme toutes les sociétés occidentales, le Québec vieillit. En juillet 2011, sa démographie a officiellement basculé. Pour la toute première fois, on y a dénombré davantage de gens âgés de 65 ans ou plus (1 253 700) que de jeunes de 15 ans ou moins (1 241 700). Et cet écart de 12 000 ne cesse de s'amplifier.

En même temps, on se familiarise avec un nouveau concept : le «risque de longévité». C'est ainsi que les actuaires et les gestionnaires de caisses de retraite appellent le phénomène, selon lequel les gens vivent si vieux qu'ils finiront par épuiser leurs économies... ou celles des régimes qui doivent les soutenir tout au long de leur retraite.

En France, ce débat a fait descendre les gens dans la rue, et il continue de faire la manchette des quotidiens. Il était relativement plus timide au Québec, mais il prend maintenant de la vigueur.

C'est le rapport de la commission présidée par Alban D'Amours sur l'état des régimes publics (employés de l'État mis à part) qui a servi de déclencheur et qui sert maintenant de catalyseur. On va en débattre tout l'automne et au-delà. Déjà, les camps se dressent les uns contre les autres.

Le rapport D'Amours préconise essentiellement deux mesures.

Un, il faut combler les trous qui se creusent dans les régimes municipaux, et à défaut d'exiger davantage des citoyens, déjà exsangues, on devra trouver des compromis. Autrement dit, demander des concessions aux employés qui n'ont pas à se préoccuper, eux, de ce «risque de longévité». Leurs rentes sont garanties. Et déjà, le Syndicat canadien de la fonction publique est sur un pied de guerre.

Deux, il faut mettre en place une «rente de longévité», précisément pour venir en renfort aux gens dont les économies ne suffiront plus quand ils auront dépassé 75 ans. Cette rente serait financée à parts égales par l'employé et l'employeur. À supposer qu'il y ait un employeur.

Nécessaire mais controversée, cette réflexion globale sur notre avenir promet de vigoureuses délibérations.

Le retour de la commissaire

On s'en doutait, les premières révélations ont confirmé nos appréhensions, et c'est avec un mélange de résignation, de curiosité et d'indignation que le Québec vivra cet automne la reprise des audiences de la commission Charbonneau.

Elle ne laissera personne indifférent.

Depuis ses débuts, en mai 2012, la population a découvert avec stupeur l'étendue des magouilles entourant l'attribution et la gestion des contrats publics. Combinés avec les enquêtes de l'Unité permanente anticorruption (UPAC), ses travaux ont créé des ondes de choc d'une ampleur inégalée, provoquant notamment les départs successifs des maires de Montréal et de Laval, Gérald Tremblay et Gilles Vaillancourt. Ce dernier fait même l'objet d'accusations criminelles.

Québec a découvert avec stupeur depuis le 22 mai 2012 à quel point le coulage des fonds publics relevait d'un système bien organisé, tant chez les donneurs d'ordres que chez les fournisseurs. La suite devrait être tout aussi révélatrice, mais pas plus réjouissante.

Un des mandats de la commission est d'étudier de possibles infiltrations du crime organisé dans la construction. Elle dispose d'indications qui seront présentées dans les semaines à venir. Elle devrait aussi se pencher sur les contrats attribués dans le secteur parapublic, aussi bien par les hôpitaux que par Hydro-Québec.

Chaque fois, l'objectif est le même : exposer les manigances, déterminer les responsables, puis chercher à resserrer les règles de gouvernance dans «l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction» (selon la dénomination officielle de cette commission d'enquête).

Son mandat devait se terminer en octobre 2013, mais en mars, Québec a accepté la demande de la commissaire France Charbonneau qui souhaitait que les travaux soient prolongés de 18 mois. On en aura donc jusqu'au printemps 2015.

Les plus malicieux diront que la commission reflète fidèlement une tendance lourde dans le secteur de la construction au Québec : pour être achevés, les grands projets prennent régulièrement plus de temps que prévu. Mais au moins, les administrations publiques récoltent déjà des bénéfices de ces coups de balai : la facture des chantiers est en baisse un peu partout au Québec.

Les firmes d'ingénierie vont-elles redresser la tête ?

Le premier semestre de 2013 aura été une période horribilis pour un des fleurons de l'économie québécoise : l'ingénierie. À la rentrée, nous devrions assister à un début de réhabilitation pour cette industrie, qui a grandement souffert des révélations faites dans le cadre de la commission Charbonneau.

Dessau, dont certaines pratiques douteuses ont été mises en cause par la commission, cherchera à retrouver son droit de soumissionner pour obtenir des contrats publics. Pour ce faire, elle devra regagner l'aval de l'Autorité des marchés financiers, qui l'a mise au ban. À ce jour, elle demeure la seule des grandes firmes d'ingénierie québécoise dont le nom s'est retrouvé sur le Registre des entreprises non admissibles (RENA).

Elle est cependant loin d'être la seule à avoir vu son image ternie. Les contributions illégales aux partis politiques et d'autres tactiques déshonorables ont fait mal à l'image de tout le milieu. On peut s'attendre, dans les prochains mois, à le voir redresser la tête et rappeler son rôle dans l'édification du Québec moderne.

Sans oublier les misères de SNC-Lavalin, elle-même engluée dans une série de scandales qui ont fait mal à sa réputation, à son action en Bourse et au moral des troupes. Quand votre leader, dans une industrie, est ainsi malmené, il est inévitable que tout le monde se sente touché.

L'Association des ingénieurs-conseils du Québec, qui regroupe 37 firmes d'importance (23 000 employés), veut faire «la promotion des meilleures pratiques d'affaires». L'occasion est belle, en cette rentrée, de souligner que quelques pommes pourries ne contaminent pas nécessairement tout le minot.

Le débat sur l'énergie ne baignera pas dans l'huile

Lorsqu'il est question d'énergie au Québec, on a tendance à faire référence à l'hydroélectricité, voire aux éoliennes. Mais en cette fin d'année 2013, c'est plutôt le pétrole qui se retrouvera à l'avant-plan, avec quelques dossiers de première importance.

Il y a tout d'abord la question des pipelines. Quel projet ira de l'avant ? Celui d'Enbridge ou de TransCanada ? Il est peu probable que les deux puissent coexister, même si les projets sont différents. Celui de TransCanada est plus ambitieux, plus coûteux aussi, et ses impacts réels sont encore difficiles à cerner.

Et encore, le gouvernement du Québec n'a toujours pas fait son nid, à savoir s'il est favorable au principe même d'un pipeline qui amènerait du pétrole de l'Ouest aux deux raffineries québécoises. Les mouvements environnementaux, qui ont leurs entrées au PQ, évoquent déjà leur opposition. On peut parier que l'automne sera animé sur ce front.

Puis la question des hydrocarbures à la québécoise refera surface. Le gaz de schiste est sorti (temporairement ?) de l'actualité, sauf qu'il a été remplacé par le pétrole. Le potentiel de la région de Gaspé, d'Anticosti ou d'Old Harry, ce gisement situé au large des îles de la Madeleine, fait saliver autant qu'il soulève d'interrogations. Mais on ne pourra pas indéfiniment balayer sous le tapis la question de la mise en valeur, ou non, du pétrole d'ici. À moins que le gouvernement ne décrète un autre moratoire... une façon bien québécoise de reporter sine die des décisions embêtantes.

Taux d'intérêt : le compte à rebours est commencé

La Banque du Canada ne haussera pas son taux d'intérêt directeur cet automne, pas plus que la Réserve fédérale américaine. Mais vous pouvez parier que les discussions sur cette inévitable perspective s'amplifieront.

La Banque maintient son taux cible de financement à un jour à 1,0 % depuis septembre 2010, alors que l'économie peinait à se relever de la crise. Cette pause fait déjà figure d'épisode historique. Mais elle achève.

Déjà, les taux des obligations du gouvernement du Canada, versions 5 ou 10 ans, ont commencé à monter, et l'impact a été immédiat sur les taux des prêts hypothécaires fermés. Dans le milieu financier, l'analyse est quasi unanime : les pressions inflationnistes seront de plus en plus évidentes, ce qui influe dès aujourd'hui sur les taux à plus long terme.

On peut donc entrevoir pour l'automne une recrudescence d'appels à la prudence en qui concerne l'endettement des consommateurs, qui a recommencé à enfler au deuxième trimestre, de même qu'à celui des gouvernements, qui cherchent à rétablir leur santé.

Il est probable que l'immobilier reste fébrile cet automne, même si les règles hypothécaires ont déjà été resserrées. On voudra profiter des derniers moments d'accalmie avant les hausses.

En revanche, il va falloir s'attendre à ce que l'activité de construction commence à ralentir dès l'an prochain, au moins dans le domaine résidentiel. Mais les besoins en renouvellement d'infrastructures sont si grands que l'attention devrait alors se porter vers les grands chantiers qu'on ne pourra plus indéfiniment retarder.

Sauf que ce ne sont pas forcément les mêmes joueurs qui seront appelés à participer. Pour les plus petits, la suite des choses pourrait être plus difficile.

L'appel des urnes municipales

Le 3 novembre, les citoyens des quelque 1 100 municipalités québécoises seront appelés à voter pour choisir leurs maires et les conseillers qui les entoureront.

La participation populaire à ce scrutin est habituellement faible, au Québec, mais les circonstances ont changé. Le dévoilement à répétition de scandales sur la gestion des fonds publics a remis en lumière l'importance de la fonction municipale ; on peut parier que, pour une fois, les gens seront plus empressés à se rendre aux urnes.

Grandes ou petites, les municipalités doivent composer avec leurs propres enjeux. Mais deux des trois plus grandes villes du Québec vivront une campagne électorale hors de l'ordinaire cette année.

À Montréal, le second mandat du maire Gérald Tremblay a fini en queue de poisson, et au moins quatre prétendants de taille se disputeront sa succession. La ville a désespérément besoin de leadership pour aider à sa relance, et on peut supposer que les citoyens seront attentifs aux débats qui ne manqueront pas de surgir.

De l'autre côté de la rivière des Prairies, l'élection sera historique : pour la première fois depuis près d'un quart de siècle (1989), les citoyens de Laval choisiront un autre maire que Gilles Vaillancourt. Pour cause : comme Gérald Tremblay, il a dû lui aussi démissionner, mais dans un contexte plus trouble toutefois. Des accusations criminelles ont été portées contre lui.

Mais où qu'ils soient au Québec, les élus municipaux auront désormais à rendre des comptes, en tout cas plus qu'ils ne le faisaient par le passé. Le temps semble révolu où des dirigeants locaux pouvaient agir à leur guise. L'entrée en scène de la loi 1 sur l'intégrité dans l'attribution des contrats publics vient baliser davantage leurs pratiques.

Automne incertain pour les ressources naturelles

À cause des rêves de richesse qu'elle soulève, mais aussi à cause des nombreux obstacles auxquels elle pourrait faire face, l'industrie minière québécoise continuera d'alimenter bien des débats cet automne.

Au printemps dernier, mettant fin à des mois de tergiversations, le gouvernement québécois, par la bouche de son ministre des Finances, Nicolas Marceau, a finalement dévoilé le nouveau régime fiscal applicable à l'industrie minière. Il comporte notamment une redevance sur la valeur du minerai extrait, que la mine soit profitable ou non. Mais dans l'ensemble, par rapport à ce qu'il avait annoncé durant la campagne électorale, le gouvernement a réduit ses exigences envers l'industrie.

Depuis la fin du mois d'août, c'est au tour du nouveau projet de loi sur les mines, la loi 43, de se retrouver sous les projecteurs. Les discussions avaient commencé dès le mois de mai et elles viennent de reprendre à l'Assemblée nationale. Elles tournent autour des trois grands thèmes du projet de loi : des obligations additionnelles pour les détenteurs de droits miniers, des pouvoirs élargis pour les municipalités, mais surtout pour la ministre Martine Ouellet, et un accent nouveau mis sur le développement durable, qu'il s'agisse de prospection, d'exploration ou d'exploitation.

Déjà, toutes les parties prenantes fourbissent leurs armes, préparent leurs arguments.

Mais ces débats se dérouleront dans un contexte mondial aujourd'hui moins favorable à la mise en valeur des ressources naturelles. La Chine et l'Inde voient leur économie décélérer, ce qui pousse les prix des métaux de base à la baisse et assombrit les perspectives québécoises.

Certains projets pourraient être retardés ou ralentis. Les ennuis financiers de la prometteuse mine Nunavik Nickel (Canadian Royalties), dans le très Grand Nord québécois, en est la malheureuse illustration, alors que la société mère chinoise tarde à payer ses fournisseurs.

On a consacré beaucoup de temps et d'énergie à discuter de l'appellation globale des vastes chantiers du Nord : Plan Nord, Développement nordique, Le Nord pour tous... Au-delà de la terminologie, c'est la faisabilité même des projets qui retiendra l'attention au cours des prochains mois.

L'ère du CSeries... si tout va bien

Après des mois de retard, le nouvel oiseau de Bombardier Aéronautique semble prêt à déployer ses ailes. Le vol inaugural du CSeries de Bombardier devrait avoir lieu plus tard en septembre.

Et c'est alors que la partie commencera véritablement.

Jusqu'à présent, la demande de cet appareil de nouvelle génération a pu paraître décevante. Au 1er septembre, il n'y avait que 177 commandes fermes. À titre de comparaison, Airbus en a engrangé 2 200 pour son A320neo (déjà en production). Mais du côté de Bombardier, il était difficile de faire la promotion d'un avion qui n'avait jamais quitté le sol. L'argumentaire de vente sera plus convaincant une fois que l'appareil aura volé, s'il remplit ses promesses.

Par exemple, l'utilisation de nouveaux matériaux, comme l'alliage aluminium-lithium, le rend relativement plus léger, ce qui laisse entrevoir de bonnes économies de carburant, surtout si le nouveau moteur mis au point par Pratt & Whitney, à Longueuil, se révèle aussi performant que prévu. L'avion se veut aussi plus silencieux que ses concurrents.

Il reste encore à convaincre plus d'acheteurs, tout en conservant ceux qui se sont déjà manifestés. On peut notamment penser à Porter Airlines, qui cherche à obtenir l'autorisation d'allonger la piste de l'aéroport de Toronto Island, sans quoi sa commande d'une douzaine d'appareils est compromise.

On évalue à 3 500 le nombre d'emplois que générera la pleine production du CSeries, en 2017, si tout se déroule selon les plans, sans compter des milliers d'autres pour les sous-traitants. De quoi se croiser les doigts pour que tout se déroule sans anicroche cet automne.

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