Journal d'un investisseur responsable

Publié le 09/03/2013 à 00:00, mis à jour le 07/03/2013 à 10:56

Journal d'un investisseur responsable

Publié le 09/03/2013 à 00:00, mis à jour le 07/03/2013 à 10:56

«Faisons du Québec un leader mondial de l'investissement responsable», a lancé Yvon Bolduc, pdg du Fonds de solidarité FTQ, aux 200 participants du premier Colloque québécois sur l'investissement responsable qui s'est tenu récemment à Montréal. Et pour cause : la moitié des 50 gestionnaires et propriétaires canadiens d'actifs qui adhèrent aux Principes de l'investissement responsable (PIR) des Nations Unies se trouvent au Québec. À quoi ressemble le quotidien d'un investisseur responsable ? Mario Tremblay, vice-président, affaires publiques et corporatives, Fonds de solidarité FTQ, Christian Godin, vice-président principal, chef des actions, Placements Montrusco Bolton, et Olivier Gamache, pdg, Groupe investissement responsable, racontent.

«Tous les investisseurs qui ne pratiquent pas le dialogue avec la direction en doivent une à ceux qui le pratique», assure Olivier Gamache, pdg du Groupe investissement responsable.

Les entreprises où il y a dialogue entre la direction et les actionnaires sur l'un ou l'autre des aspects de l'investissement responsable - facteurs sociaux, environnementaux et de gouvernance - affichent une surperformance de 4 % par rapport à leurs concurrents où il n'y aucun échange. Et ce, dans les deux années qui suivent le début du dialogue, soutient le Britannique Rob Lake, directeur de l'investissement responsable, Principles for responsible investment (PRI), un réseau international d'investisseurs militants.

Toutefois, il faut compter au moins deux ans, parfois trois, avant que la direction d'une entreprise n'accepte une première rencontre avec un groupe d'investisseurs qui réclame des changements.

«Nous travaillons à long terme», dit Mario Tremblay, vice-président, affaires publiques et corporatives au Fonds de solidarité FTQ. Et souvent dans l'ombre. «Le dialogue se déroule en coulisse, dit Olivier Gamache. Ce n'est pas dans l'intérêt de la direction ni des investisseurs de faire une tempête dans un verre d'eau. «Si la direction accepte nos propositions de changement, on n'en parle pas à l'extérieur, ajoute-t-il. Si elle refuse, alors débute un processus public d'escalade qui peut aller jusqu'à la proposition d'actionnaires.»

De quels outils disposent les actionnaires responsables ?

D'abord, de l'approche passive. Celle-ci consiste à exercer son droit de vote. À appuyer les propositions d'actionnaires. Cela suppose que l'investisseur a pris le temps d'élaborer une politique encadrant l'utilisation de son droit de vote. Qu'il a déterminé les sujets sur lesquels il croit pouvoir exercer une influence. Si voter sur les propositions des autres ne suffit pas, l'investisseur engagé peut passer en mode «actif». Cette fois, il s'agit d'envoyer une lettre au conseil pour manifester son désaccord ou formuler une demande. La première demande concerne souvent la divulgation d'information, que les investisseurs estiment insuffisante. «Il y a 10 ans, on nous claquait la porte au nez, dit Olivier Gamache. Aujourd'hui, celle-ci est souvent grande ouverte... lorsqu'on sait comment cogner.»

Surtout lorsqu'on cogne assez fort. «On se fédère, on mutualise nos actifs avec ceux d'autres investisseurs pour détenir une meilleure force de frappe, explique Mario Tremblay. À 7, 10 ou 15 investisseurs, on augmente nos chances d'être écoutés de la direction.» Pour cibler les investisseurs auxquels se joindre, le Fonds de solidarité FTQ compte sur l'organisation canadienne Share (Shareholder Association for Research and Education), qui offre de la recherche et des services de consultation aux fonds de pension et autres gestionnaires d'actifs. Depuis un an, le Fonds a amorcé le dialogue avec la direction de 44 entreprises sur 48 enjeux différents.

Échanger avec la direction est essentiel, mais aucun investisseur responsable ne se limite à la version des cadres. «Nous allons jusqu'au fond de la jungle pour voir comment les citoyens composent avec la présence des sociétés minières», dit Christian Godin, vice-président principal, chef des actions chez Montrusco Bolton. Ou à Malartic, vérifier comment Osisko cohabite avec la communauté. Ou à Gaspé se faire une tête sur la façon dont Pétrolia gère sa relation avec les municipalités. «Nous devons nous faire une opinion par nous-mêmes et non à travers le filtre de la direction ou des médias.»

Et les résultats ?

Lors de la dernière assemblée annuelle de Transat A.T., Montrusco Bolton a réclamé que l'on sépare le poste de PDG de celui de président du conseil, occupés par Jean-Marc Eustache. Cette proposition n'a reçu qu'un appui de 22 %. Un échec ? «Non, estime Christan Godin. Débattre de cette question publiquement a conscientisé le conseil. Depuis, Transat a amélioré ses pratiques opérationnelles.» Au moment de l'entrevue, M. Godin se préparait à un bras de fer avec le conseil de CoastalContacts.com, de Vancouver, à propos du say on pay, une résolution visant à consulter les actionnaires à propos de la rémunération de l'équipe de direction de l'entreprise. «Notre proposition réclamait le say on pay, dit-il. Or, la direction propose de voter sur la méthode d'évaluation du PDG plutôt que sur son salaire. Cela ne nous convient pas.» Comment Christian Godin sera-t-il accueilli ? «L'assemblée annuelle est généralement hostile aux actionnaires engagés. Il faut savoir garder son sang-froid.» Mais, ajoute-t-il, des journalistes seront présents. La direction n'aime pas ce genre d'attention. Voilà un levier efficace, surtout lorsque les clients de l'entreprise placée sous les feux de la rampe sont alertés et qu'ils manifestent leur inquiétude à la direction.

Ne serait-il pas plus simple pour les investisseurs responsables de travailler avec les entreprises converties ? Surtout pas, estime les trois investisseurs engagés. C'est le «principe de la chaise occupée». «On ne peut pas changer la société de l'extérieur, insiste Mario Tremblay. Si on se retire de toutes les entreprises qui ne respectent pas les principes de l'investissement responsable, il ne restera plus assez de sociétés dans lesquelles investir. On ne vend nos actions que lorsqu'il n'y a vraiment rien à faire.» Ce fut le cas de l'investissement de Montrusco Bolton dans le géant aurifère Barrick Gold, précise Christian Godin.

Investisseur activiste ou actif ?

Surtout, ne dites pas à Mario Tremblay qu'il fait de l'activisme. «L'activisme tient souvent à une bataille purement financière entre titans, estime-t-il. L'investissement actif et responsable, lui, est lié à la responsabilisation. Les Québécois, comme de nombreux investisseurs partout dans le monde, se sont déresponsabilisés par rapport à leurs placements. Être un investisseur actif et responsable, c'est se réapproprier son argent pour réclamer qu'il soit géré dans une perspective durable.»

diane.berard@tc.tc

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