Joey Basmaji est très clair : c'est sa fille, Cristelle Basmaji, qui choisira d'occuper ou non son fauteuil à la tête de Jacob. D'ici là, le président-fondateur travaille à la pérennité de sa chaîne et se prépare mentalement à passer le flambeau.

« Jacob est un adolescent qui entre dans la vie adulte », analyse Joey Basmaji. Trente-trois ans après les débuts de la chaîne, cette comparaison étonne. « L'adolescent et l'entrepreneur se ressemblent : ils essaient des choses, tombent, explorent... Nous passons maintenant à un autre stade, celui de l'adulte professionnel », illustre l'entrepreneur.

Sa fille unique, Cristelle, envisage de prendre la relève. Âgée de 29 ans, la jeune femme est revenue dans l'entreprise familiale l'an dernier, après avoir étudié le marketing et les relations publiques, et travaillé trois ans chez National. « Si Cristelle décide de participer au stade "professionnel" du groupe, tant mieux. Sinon, elle sera propriétaire d'une organisation gérée par des professionnels », explique calmement M. Basmaji.

Mais l'homme d'affaires n'est pas pressé de partir. Il souhaite une transition progressive, tant pour l'organisation que pour lui-même, « qui ai mis toute ma vie là-dedans ». Conscient qu'il devra changer, ce qui demande du temps, il dit y travailler depuis un moment déjà. « La transition est la chose la plus importante que je doive faire, car la réussite dépend entièrement de mon comportement, de mon évolution. »

Le défi de la relève ne se limite pas au président. Plusieurs membres de l'équipe de direction oeuvrent chez Jacob depuis 20, voire 30 ans. Il est donc temps, pour chaque rôle clé, de définir la relève et de planifier le transfert de connaissances, dit Cristelle Basmaji. « Nous avons réorganisé l'équipe de gestion pour favoriser l'évolution de nos employés, permettre leur développement et faciliter la mobilité interne », ajoute-t-elle. Ce n'est pas tout de décider qui seront les dauphins, il faut aussi les retenir jusqu'à la passation des pouvoirs.

En plus de cette structure organisationnelle plus stricte, le développement de l'entreprise exige également un changement d'attitude, explique Cristelle Basmaji : « Il faut évoluer d'une culture très familiale et entrepreneuriale, et passer à une culture plus "professionnelle", orientée vers les résultats. » « Mais sans perdre l'âme de l'entreprise », enchaîne son père, une pointe d'inquiétude dans la voix.

Une entreprise très discrète

En tant que directrice des communications, Cristelle Basmaji espère rendre Jacob plus visible, tant dans les médias sociaux que dans les magazines et les campagnes promotionnelles. « Il y a fort à faire, car nous avons toujours été très discrets », admet-elle.

Discret, Joey Basmaji l'est certainement. Lorsqu'il est question du chiffre d'affaires de la chaîne, il devient vite mal à l'aise. « Ce n'est pas important, cela fait seulement parler le monde », dit-il, bénissant les dieux d'être une entreprise à capital fermé, contrairement à ses concurrents Reitmans et Le Château.

L'homme d'affaires n'accorde jamais d'entrevues et limite ses apparitions publiques à des activités philantropiques. Sa femme Odette, la designer derrière le style Jacob, se consacre d'ailleurs entièrement à la Fondation Joey et Odette Basmaji depuis 10 ans. « Je n'ai pas besoin de parler ou d'être vu. Le plus important, c'est que les magasins, les employés et les vêtements parlent », conclut-il en souriant.