Faire des affaires au Mexique sans y laisser sa peau

Publié le 12/03/2011 à 00:00

Faire des affaires au Mexique sans y laisser sa peau

Publié le 12/03/2011 à 00:00

Vols, enlèvements, meurtres... La guerre pour le trafic de la drogue au Mexique défraie les manchettes et perturbe le quotidien des entreprises canadiennes qui y sont présentes. Plusieurs d'entre elles réussissent à limiter les risques en adoptant des mesures de sécurité strictes.

L'enjeu est de taille pour le Québec, car le Mexique, un pays de 112 millions d'habitants, est son principal partenaire commercial en Amérique latine.

En 2010, Transat A.T. s'est d'ailleurs établie comme voyagiste dans le pays en créant Eleva Travel, malgré la violence qui atteint maintenant des villes touristiques comme Acapulco.

Même si les fonctionnaires locaux sont les plus exposés de tous à cette guerre, les gens d'affaires ne sont pas à l'abri, selon Eurasia Group, une firme américaine en gestion des risques politiques. " Les entreprises pourraient même devenir une cible pour les narcotrafiquants en 2011 ", affirme Allyson Benton, analyste pour l'Amérique latine chez Eurasia Group, que nous avons jointe à ses bureaux de Mexico.

La Banque Scotia, présente dans les 31 États du pays, est sans doute une des entreprises canadiennes à courir les plus grands risques au Mexique. Elle compte plus de 9 800 employés répartis dans 650 succursales, dont certaines se trouvent sont dans les deux États les plus violents, le Sinaloa et le Chihuahua.

Garder ses stratégies secrètes

La banque a bien entendu élaboré des stratégies pour protéger son personnel, qu'elle refuse de divulguer... par mesure de sécurité. " Nous ne les commentons jamais publiquement ", dit la porte-parole, Ann DeRabbie.

Bombardier Aéronautique a aussi des installations (une usine et un immeuble) au Mexique, plus précisément à Querétaro, une ville située au nord de Mexico. La société y emploie plus de 1 200 personnes qui fabriquent des composants structuraux, comme des fuselages arrière ou des gouvernes de direction.

Même si Querétaro se trouve dans une région relativement épargnée par la guerre de la drogue, Bombardier a mis en oeuvre diverses stratégies afin de réduire les risques auxquels son personnel est exposé.

L'entreprise est en contact permanent avec les gouvernements locaux pour s'informer de l'évolution de la guerre de la drogue et être au fait des régions les plus touchées.

L'avionneur renseigne aussi ses employés sur les mesures à prendre pour se déplacer et les endroits où loger en toute sécurité.

" Nous leur fournissons une liste des hôtels, des écoles et des quartiers à privilégier, tout en leur indiquant les endroits à éviter ", précise Geneviève Roy-Thériault, porte-parole de la division aéronautique.

Savoir qui nous menace et pourquoi

Malgré leur bonne volonté, trop d'entreprises assurent encore mal leur sécurité au Mexique, déplore Michel Juneau-Katsuya, ex-agent du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et président de la firme canadienne de sécurité The Northgate.

Si les sociétés savent pourquoi on les cible (par exemple, pour voler des produits chimiques servant à fabriquer de la drogue), elles savent rarement qui sont les responsables (des voleurs externes ou internes). Cette information est essentielle pour, par exemple, installer un système de surveillance.

" Or, ce n'est que lorsqu'une entreprise connaît les deux côtés de cette médaille qu'elle peut comprendre sa véritable vulnérabilité et prendre les mesures efficaces pour réduire son risque ", dit l'expert.

Se montrer discret

La Montréalaise Transcontinental (éditeur de Les Affaires), qui possède deux imprimeries à Mexico et une à Toluca, près de la capitale, donne aussi des conseils de base à ses 820 employés. " Nous leur recommandons par exemple d'adopter un profil bas ", dit le président de Transcontinental au Mexique, Roberto Sierra. Ainsi, les employés n'attirent pas l'attention et sont moins susceptibles de devenir des cibles pour les narcotrafiquants.

De plus, les livraisons de l'imprimeur sont assurées par des firmes spécialisées.

Si l'État de Mexico ne figure pas parmi les régions les plus touchées par la guerre de la drogue, la capitale reste néanmoins une des villes les dangereuses du monde.

La prudence est de mise pour les gens d'affaires qui s'y rendent. Comme les enlèvements sont fréquents au Mexique, il ne faut jamais héler un taxi dans la rue. Demandez plutôt aux préposés de votre hôtel ou à un client de vous trouver une société de taxi fiable.

Quand la menace à la sécurité accroît les risques d'affaires

Cela dit, même si elles assurent leur sécurité au Mexique, les entreprises courent encore des risques, insiste Jean-Paul David, président de Mercadex International, une firme québécoise qui aide les sociétés à s'implanter à l'étranger.

" La guerre de la drogue crée un climat malsain qui favorise d'autres types de criminalité, comme le vol de la propriété intellectuelle ", dit-il. L'un des clients de Mercadex a d'ailleurs déjà fait face à une telle situation dans l'État du Sonora, dans le nord-ouest du pays.

Le partenaire mexicain de cette PME québécoise lui a volé son innovation. En raison du taux de criminalité élevé dans cette région, le propriétaire de l'entreprise n'a pas cherché à y retourner pour intenter un procès et faire valoir ses droits, craignant pour sa vie...

Il va sans dire que faire des affaires au Mexique est plus risqué pour les PME, car celles-ci n'ont pas les ressources des multinationales pour se protéger.

Doit-on pour autant éviter le Mexique à tout prix ? Non, disent les spécialistes, mais il faut être conscient que les rendements sont moins importants, compte tenu des coûts associés à la sécurité. " Dans ce contexte, le Mexique devient un pays moins attrayant ", admet Jean-Paul David.

LE QUÉBEC, CONCERNÉ PAR LA VIOLENCE MEXICAINE

Le climat de violence qui prévaut au Mexique concerne le Québec.

Selon le ministère du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation, une trentaine d'entreprises québécoises ont pignon sur rue dans ce pays. De ces dernières, 14 y exploitent des usines de production.

Au total, 200 sociétés d'ici ont des représentants ou réalisent des ventes ponctuelles au Mexique.

Le guerre de la drogue ne date pas d'hier. Mais depuis 2006, année où le président conservateur Filipe Calderon a pris le pouvoir, le nombre de victimes liées à ce conflit a été multiplié par quatre. Le quotidien mexicain Reforma a dénombré 11 583 décès l'an dernier (voir carte page 28).

Le Chihuahua au coeur de cette guerre

Pour l'instant, les pires actes de violence liés à la guerre de la drogue sont surtout concentrés dans le nord et l'ouest du pays, dans les États de Chihuahua et de Sinaloa.

L'an dernier seulement, 1 283 personnes sont mortes au Chihuahua, notamment dans la région de la ville frontalière de Ciudad Juárez, selon Control Risks, une société spécialisée en gestion des risques d'affaires.

Des villes auparavant épargnées comme Monterrey, dans l'État de Nuevo León, sont maintenant touchées. Même Acapulco n'échappe pas à cette guerre.

En 2010, les exportations du Québec au Mexique ont totalisé 790 millions de dollars, principalement de l'aluminium et des parties d'avions et d'hélicoptères.

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