Exportation : Hydro-Québec court-circuitée

Publié le 28/01/2012 à 00:00

Exportation : Hydro-Québec court-circuitée

Publié le 28/01/2012 à 00:00

Un consortium canado-américain veut construire une interconnexion entre le Québec et l'État de New York pour y exporter plus d'électricité. Hydro-Québec voudrait bien l'utiliser pour augmenter ses ventes aux Américains. Mais une vieille connaissance du pdg Thierry Vandal a court-circuité la société d'État. Il a réservé avant elle la capacité du futur lien à exporter de l'énergie «verte»... qui exclut l'hydroélectricité produite à grande échelle !

«Je suis le premier arrivé, alors j'ai toute la capacité d'interconnexion pendant 43 ans», dit Christopher Anderson en entrevue avec Les Affaires. Cet ancien président de la filiale Hydro-Québec US, de 1998 à 2003, a fondé Énergie Bellator, qui a réservé cet accès. La future interconnexion de 1 000 mégawatts (MW), baptisée Champlain Hudson Power Express (CHPE), passera sous le lac Champlain. Les travaux doivent commencer en 2014, selon le constructeur, Transmission Developers, contrôlé par la firme d'investissement Blackstone.

La demande de Chris Anderson comprend aussi une capacité de puissance identique à celle de l'interconnexion principale entre le Québec et l'Ontario. Il pourra ainsi exporter l'énergie produite par les nouveaux parcs éoliens et solaires de cette province, par le Québec et par CHPE. Le président de Bellator dit avoir dépensé «des millions de dollars» pour décrocher cette réservation.

C'est la filiale de transport d'électricité d'Hydro-Québec, TransÉnergie, qui reçoit ce type de demandes et détermine si, oui ou non, son réseau peut absorber et livrer le courant supplémentaire. Premier arrivé, premier servi. Or, Bellator a envoyé sa demande en août dernier, deux mois et demi avant que ne le fasse Hydro-Québec Production, qui exploite les centrales électriques. «La demande de Bellator a la priorité pour ce qui est de l'évaluation», dit Ariane Connor, porte-parole de la société d'État.

Spécialiste des politiques énergétiques à HEC Montréal, Pierre-Olivier Pineau est surpris de cette situation. «Ça m'étonne qu'Hydro-Québec se soit fait prendre de vitesse», dit-il. Mais le professeur ajoute que la société d'État pourra tout de même utiliser l'interconnexion CHPE quand elle aura une occasion de profit et que Bellator n'en aura pas besoin.

«En discussion» avec Hydro

Chris Anderson dit avoir eu «deux rencontres» avec Thierry Vandal à propos de son projet. La société d'État minimise l'importance de ces échanges. «Il y aurait eu des discussions de courtoisie. En aucun cas il n'a été question de participer à son projet.», soutient Mme Connor.

Bellator a réservé des capacités de transport de l'Ontario à CHPE. Toutefois, il pourrait aussi acheter de l'électricité dans les provinces voisines, dit le courtier. «Mais ça devra être de l'énergie «verte» : éolienne, petite hydraulique, biomasse... La grande hydraulique, ça ne fonctionne pas [pour obtenir la prime] dans l'État de New York», dit M. Anderson.

Pour l'instant cependant, Hydro-Québec n'est pas en mesure de vendre de l'électricité provenant spécifiquement d'éoliennes, de centrales à la biomasse ou de petite hydraulique. «Nous vendons de l'énergie de système», explique Ariane Connor. Impossible d'apparier des achats de kWh à une source précise, comme le font pourtant beaucoup d'autres réseaux.

De son côté, Pierre-Olivier Pineau soupçonne que Chris Anderson souhaite surtout spéculer et revendre ses réservations à Hydro-Québec.

Le stratège de l'énergie veut utiliser la réservation de la capacité de l'interconnexion pour négocier ensuite une participation dans sa construction, même avec Transmission Developers. «Nous avons des discussions à ce sujet», assure-t-il.

Chez le constructeur, le pdg Donald Jessome ne le confirme pas. «Toutes négociations que nous aurions avec d'éventuels partenaires sont confidentielles», dit-il.

M. Anderson mise sur d'importants revenus. À un prix de l'électricité de 8 cents (¢) le kWh à New York, et une prime «écologique» de 4 ¢, il prévoit que la connexion CHPE produira des revenus de plus d'un milliard de dollars par an. «Bellator pourrait encaisser 10 % de cette somme en profits, après les frais de transport.»

UNE VIEILLE CONNAISSANCE DE THIERRY VANDAL

Chris Anderson et le pdg d'Hydro-Québec se connaissent bien. Dès 1993, les deux hommes d'affaires créaient, avec Sophie Brochu, «l'une des premières sociétés de courtage d'énergie», The Alliance, à Pittsburgh. Thierry Vandal travaillait alors pour Gaz Métro et Sophie Brochu, pour la Société québécoise d'initiatives pétrolières. Chris Anderson représentait Consolidated Natural Gas.

Il est arrivé à la société d'État en 1998, deux ans après Thierry Vandal, alors vice-président à la planification stratégique et au développement des affaires. «J'ai conçu la salle des marchés», explique Chris Anderson, 51 ans. Il a quitté la barque en 2003. «Hydro-Québec a réduit mes activités, parce que les dirigeants ne voulaient plus prendre de risque», explique-t-il. C'était à la suite du scandale Enron, qui a utilisé ses transactions sur l'électricité en Californie pour manipuler ses comptes.

Il a ensuite dirigé les courtiers de la filiale de la géante française Suez à Houston, puis créé Bellator Energy Capital, à Pittsburgh, pour faire du courtage en énergie.

Le président de Bellator dit aussi avoir de puissants appuis au sein des multinationales du monde. Il assure qu'une «entreprise internationale de pétrole» discute avec lui pour participer aux profits de Bellator, comme le fait un «géant d'Internet de Silicon Valley». Interrogée à ce sujet, Google a nié être en pourparlers avec lui.

À la une

Teck Resources affiche un profit en baisse au 1T

Il y a 17 minutes | La Presse Canadienne

Vancouver — Teck Resources (TECK) a annoncé que son bénéfice du premier trimestre a ...

Pas besoin d’être le meilleur pour gagner

Contrairement à ce qu'on pourrait croire, réussir en entrepreneuriat ne nécessite pas d’être le meilleur dans son marché

Gain en capital: ne paniquez pas!

Édition du 10 Avril 2024 | Charles Poulin

IL ÉTAIT UNE FOIS... VOS FINANCES. Faut-il agir rapidement pour éviter une facture d'impôt plus salée?