DuProprio part en campagne contre les courtiers qui «harcèlent» ses clients pour obtenir des mandats de mise en marché. Appels à répétition, infiltration dans les visites libres, publicité abusive dans les boîtes aux lettres... L'entreprise d'aide à la vente sans agent a même amassé des lettres de menaces anonymes qui ont été reçues par de nombreux clients.

«T'es pas peureuse Louise ! Toute seule et laisser ainsi entrer du monde chez toi.» Ainsi se lit la missive qu'a reçue une cliente du quartier Pont-Viau, à Laval. Un personnage au masque blanc digne de la série de films sanglants Halloween figure à côté du texte.

«On s'est dit qu'ils poussaient un peu loin, dit Nicolas Bouchard, fondateur et coprésident de DuProprio. On a des clients qui se font dire : "On peut se faire violer ou tuer quand on fait visiter sa maison soi-même..."»

«Ils ne lâchent pas»

Les cas cités plus haut sont bien sûr parmi les plus graves qu'a relevés l'entreprise. Mais Les Affaires a aussi contacté plusieurs clients excédés par ce qu'ils considèrent comme de la sollicitation abusive.

À Lévis, Stéphanie Couturier dit avoir goûté aux tactiques des agents de son quartier. «Ils ne lâchent pas !»

Alors qu'une pancarte de DuProprio était plantée devant sa maison, Remax a placé de multiples annonces dans sa boîte aux lettres. Proprio Direct a appelé trois fois. Une courtière de La Capitale a fait des allers-retours entre sa ligne téléphonique fixe, son cellulaire, et celui de son conjoint. «Elle lui a dit qu'elle m'avait parlé» pour le convaincre de faire affaire avec elle, souligne Stéphanie Couturier.

Une autre femme qui a vendu sa maison récemment dit qu'elle ne comptait plus les appels d'agents pendant la mise en marché. «C'était au moins trois fois par semaine. Il peut y avoir trois ou quatre papiers de courtiers dans ma boîte aux lettres chaque jour. Et ils viennent sonner à la porte à l'heure du souper», dit la résidente de Blainville, qui préfère conserver l'anonymat pour ne pas compromettre ses chances de se trouver une autre maison.

Actif dans la région montréalaise, Maxence Renaud, de Sutton, reconnaît faire de la sollicitation auprès des clients de DuProprio.

«Je trouve les vendeurs par leur site Internet, dit-il. J'appelle les gens jusqu'à ce qu'ils listent. Après huit appels, ils finissent par voir qu'on est sérieux.» Les vendeurs lui confient alors le mandat. Ça fonctionne environ trois ou quatre fois sur dix, estime-t-il.

Sondage

Alertée par certains utilisateurs de ses services, DuProprio a décidé de sonder tous ses clients, entre juillet 2011 et janvier 2012, soit 8 000 personnes.

Parmi elles, 911 ont répondu au questionnaire qu'a conçu la firme Ad hoc recherche. Selon les résultats du sondage, les clients de DuProprio se font solliciter en moyenne par huit courtiers différents pendant la mise en marché de leur maison.

Le tiers des répondants considèrent que la fréquence des sollicitations était «plutôt» ou «très inacceptable». La même proportion jugeait la nature même de ces approches «abusive» ou «très abusive».

«On a l'impression que c'est vraiment orienté contre DuProprio», dit Nicolas Bouchard. Il accuse ses rivaux de faire de la désinformation au sujet de ses services. «Les grandes bannières disent n'importe quoi, à coups de millions de dollars de budget publicitaire.»

Il pointe du doigt les publicités de Remax, de Sutton et de l'Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ), qui laissent entendre qu'un vendeur sans courtier est démuni et sans aucune protection.

Dans les faits, si DuProprio n'est pas une enseigne de courtage immobilier, l'entreprise offre notamment de l'aide à la mise en marché, un service d'appui juridique et des formations pour l'évaluation de la maison.

Pas de plainte

L'OACIQ n'a reçu aucune plainte pour sollicitation abusive de la part de clients de DuProprio. Le harcèlement des vendeurs ou des acheteurs est interdit par les règles de l'organisme.

La Fédération des chambres immobilières du Québec, qui représente les courtiers de la province, hésite à commenter le sondage et les allégations de DuProprio. Mais la chef de la direction, Hélène Morand, juge que la sollicitation des clients de l'entreprise est tout à fait légitime. «Un vendeur qui rend ses coordonnées publiques pour vendre quelque chose doit s'attendre à recevoir des appels, dit-elle. Les propriétés à vendre par DuProprio représentent un bassin de ventes potentielles pour les courtiers.»

La sortie de DuProprio représente une autre étape dans le conflit qui oppose l'entreprise aux organismes représentant l'industrie du courtage.

La Cour du Québec a acquitté DuProprio de six chefs liés au courtage illégal portés par l'OACIQ. L'organisme a porté la décision en appel en janvier.

59,6 %

Proportion de clients de DuProprio qui ont trouvé l'approche des courtiers soit inacceptable, soit abusive, soit irrespectueuse, ou qui ont dit que leur choix de vendre sans courtier a été dénigré (à Montréal : 74,3 %, à Québec : 46,9 %).

Source : Ad hoc recherche