Dix idées à partager

Publié le 01/06/2013 à 00:00, mis à jour le 30/05/2013 à 09:49

Dix idées à partager

Publié le 01/06/2013 à 00:00, mis à jour le 30/05/2013 à 09:49

Réorganiser son temps pour créer, kickstarter la ville, influencer la répartition du talent, structurer le chaos de la collaboration, etc. Voilà quelques idées entendues à TEDxHECMontréal, tenu le 25 mai à Montréal. Il s'agit d'une version locale des fameuses conférences TED (technology, entertainment and design), créées en 1984 par l'architecte américain Richard Saul Wurman. L'événement, organisé par des étudiants de HEC Montréal, a réuni 14 conférenciers québécois et 300 participants.

1 Créer grâce à la règle du 20 %

Louis-Philippe Maurice n'est jamais arrivé à faire ce qu'on attendait de lui ! Au Collège Jean-de-Brébeuf, il a préféré apprendre à coder qu'à faire ses devoirs. À l'université Harvard, il a rédigé l'histoire de Twitter et de Pandora plutôt que ses travaux de session. Devenu entrepreneur (il a fondé Busbud il y a un an), il a lancé la communauté d'entraide Entreprises Anonymes.

«Une partie de mon cerveau veut toujours faire autre chose, confie-t-il avec candeur. Je me pensais anormal jusqu'à ce que je découvre la règle du 20 % de Google.»

Le géant américain permet à tous ses employés de consacrer 20 % de leur temps de travail à des projets personnels. L'entreprise fait le pari que certains de ces projets offriront des avenues de croissance. HP, 3M et LinkedIn pratiquent aussi une variante de la règle du 20 %. Et cet été, Louis-Philippe Maurice appliquera la règle du 20 % aux 20 employés de Busbud, une sorte d'Expedia pour les voyages en autobus.

Louis-Philippe Maurice a été sélectionné parmi les 25 entrepreneurs émergents lors du concours organisé par C2-MTL. L'idée de Busbud lui est venue alors qu'il voyageait en Amérique latine, un continent où l'autobus est le moyen transport de prédilection.

À propos du 20 %, «il ne s'agit pas de travailler 20 % de plus, souligne l'entrepreneur. Mais de consacrer 20 % de votre temps de travail régulier à des projets paraprofessionnels.»

2 Influencer la répartition du talent

Le monde se divise en deux : les créateurs de richesse et les répartiteurs de richesse, explique l'économiste Jonathan Goyette, de l'Université de Sherbrooke. Les États qui affichent le PIB par habitant le plus élevé comptent plus de créateurs que de répartiteurs de richesse. «Les ingénieurs créent généralement de la richesse alors que les avocats la redistribuent par les lois», illustre Jonathan Goyette.

Comment s'assurer que les individus les plus talentueux se consacrent aux activités les plus productives ? Tout dépend des règles du jeu, comme le droit de propriété, les lois entourant la propriété intellectuelle et les préjugés favorables ou défavorables à l'égard de certaines professions. La Chine médiévale avait le compas, la poudre à canon et le moulin à eau, rappelle M. Goyette. Mais aucune de ces inventions n'a propulsé l'empire chinois, parce que les gens talentueux devenaient bureaucrates, la profession la plus valorisée. «Les règles du jeu influencent la répartition du talent qui, elle, influence les règles du jeu», souligne l'économiste.

Lorsque le gouvernement américain a réfuté le Glass-Steagall Act, en 1999, pour permettre aux banques de pratiquer à la fois l'investissement et le prêt, Wall Street a aspiré tous les talents. Mais ceux-ci, en l'absence de l'obligation de rendre compte, se sont mis à redistribuer de la dette toxique plutôt que de créer de la richesse. Ce qui s'applique aux États s'applique aussi aux entreprises. Plus une entreprise compte de gestionnaires par rapport aux innovateurs, moins elle crée de richesse.

3 Collaborer sans le chaos

«Et si on sollicitait les idées de tout le monde pour ce projet ?» Une phrase qui peut mener au début... de la fin ! «La collaboration démocratique sans contrainte mène au chaos et ne produit pas grand-chose d'utile», dit Rami Sayar, un diplômé de McGill en génie informatique qui a démarré SayarLabs, une start-up qui explore la collaboration Web en temps réel.

Il existe plusieurs façons de structurer la collaboration afin d'en tirer quelque chose d'utile. Si vous estimez que toutes les contributions seront d'égale qualité, vous laissez le hasard, un algorithme par exemple, choisir une solution parmi les idées proposées. Si vous n'estimez pas que celles-ci seront d'égale qualité, vous instaurez un système de vote. Vous pouvez aussi vous inspirer de la nature et laisser plusieurs branches de solutions se développer, puis laisser le directeur du marketing et son équipe choisir celle qu'ils préfèrent. Ou combiner les trois approches.

Une règle s'applique à toutes les méthodes : il ne doit pas exister d'utilisateur privilégié. Par exemple, le directeur du marketing ne doit pas intervenir pendant le processus de collaboration démocratique pour créer une campagne de branding. «Il faut oublier la hiérarchie pendant la génération des idées», insiste Rami Sayar.

4 Se donner une éthique de la collaboration

Et si la collaboration se révélait être une arme de destruction massive plutôt qu'un outil ? «Nous utilisons plus souvent la collaboration pour détruire, surveiller et consommer que pour créer», déplorent Louis-Félix Binette (au premier plan sur notre photo) et Francis Gosselin , créateurs de f. & co, de Montréal, qui aide les employés à collaborer pour innover. On a tenu pour acquis que la collaboration était naturellement positive. Or, il serait temps d'injecter un peu d'éthique dans les projets de collaboration, pensent les deux complices. Cela débute par la propriété intellectuelle et la responsabilisation des créations collectives. «À qui appartient le fruit de la collaboration et qui en est imputable ?»

5 Le retour des villages urbains

La plupart des villes ont commencé par un amalgame de petits villages où les habitants vivaient, travaillaient et magasinaient dans un périmètre restreint. Puis, la banlieue et les autoroutes ont éloigné la résidence du lieu de travail. Aujourd'hui, on cherche à réinventer la ville en la ramenant à ses racines, explique Richard Martz, vice-président de la société immobilière Live Work Learn Play.

Ce Montréalais habite le Mile End, le quartier que ses grands-parents avaient quitté pour la banlieue il y a longtemps. La renaissance du village urbain entraîne trois conséquences.

D'abord, le retour à un usage mixte du territoire : commerce, habitation, récréation. La ville de Washington, par exemple, s'apprête à modifier ses règlements de zonage. Et, l'an dernier, Philadelphie a reconnu l'agriculture urbaine comme utilisation légale du territoire urbain.

Ensuite, le retour des commerces de quartier. «Ils sont à la fois le ciment et les ambassadeurs d'un quartier», note Richard Martz. Signe des temps : depuis 2009, Starbucks a discrètement mis l'enseigne «Roy Street Coffee & Tea» à quelques succursales, pour leur donner des airs de bistro de quartier.

Enfin, on assiste à un redesign complet des villes. «Pour la première fois de l'histoire, le nombre de propriétaires d'automobiles décline, souligne Richard Martz. Cela aura des conséquences sur l'organisation des villes.»

6 Kickstarter la ville

Qui sauvera Montréal ? «N'attendons pas un super-héros, Batman ne viendra pas», estime Louise Guay, pionnière de la techno montréalaise, présidente du centre de cocréation et d'innovation ouverte Living Lab. Notre seul espoir : prendre les choses en main. Ce que Mme Guay appelle «kickstarter la ville», par analogie à la plateforme de sociofinancement Kickstarter.

Elle propose, entre autres, le projet suivant : répertorier toutes les ressources partageables de Montréal - ou de n'importe quelle autre ville du Québec - pour les optimiser. Moyens de transport, locaux pour bureaux, surfaces de jardinage, réseaux de relations, logements... Louise Guay propose la création d'un immense catalogue de ressources assorti d'un calendrier de réservation en temps réel.

7 Se déplacer au moyen de son cellulaire

«Les déplacements urbains deviennent une chorégraphie complexe et chaotique, constate Louise Guay. Il faut en augmenter la fluidité.» Pour y parvenir, l'outil tout désigné, celui que nous possédons tous, serait le cellulaire. «Imaginez, par exemple, une application de planification de trajet multimodal, illustre Louise Guay. Chaque fois que vous contribuez à améliorer la circulation de votre ville par votre trajet ou par vos propositions, vous récoltez des points. Ces points sont échangeables auprès de détaillants, par exemple, car ceux-ci gagnent à ce que les gens se déplacent plus rapidement et plus facilement.»

8 Gérer son temps grâce à la transparence

Que de temps perdu parce qu'on ne nous a pas dit la vérité ou parce que nous avons caché des informations à des collègues ou des supérieurs... «Nous ne sommes pas programmés pour être transparents, relève Martin Gauthier, président de l'agence Sid Lee Montréal. Nos parents nous ont enseigné la non-transparence, et nous l'enseignons à nos enfants, ajoute-t-il. Nous poursuivons des projets qui n'intéressent pas nos supérieurs, mais nous n'en savons rien. Nous prenons de mauvaises décisions parce que nos employés ne nous ont pas tout dit. «J'interdis aux membres du comité de gestion de venir me parler après la réunion. S'ils sont incapables d'exprimer leur désaccord ou leur insatisfaction en comité, tant pis !» ajoute Martin Gauthier. Sid Lee a instauré les «lunchs à nu», où les employés peuvent poser toutes leurs questions. «Mais je ne leur dirai pas quel est mon salaire... Je ne suis pas prêt à ce niveau de transparence !»

9 Tenir compte du pouvoir des images

Pour son projet de fin d'année en gestion des affaires internationales, Charlotte Marchesseault a réalisé un documentaire sur une coopérative de femmes au nord-est du Brésil. L'oeuvre a décroché un prix à l'International Year of Cooperatives Short Film Festival, en 2012. Et les femmes qu'il dépeint ont reçu une subvention pour leur coopérative.

«Je crois au pouvoir des images comme agent de changement social, dit la jeune femme. Internet permet aux citoyens de changer les choses.» Aux citoyens et aux consommateurs. Ce qui est vrai pour la société l'est aussi pour les entreprises. Un établissement insalubre, un objet non fonctionnel, un employé grossier, autant d'images qui, captées par des clients et lancées sur le Web, peuvent ternir la réputation d'une entreprise.

10 Pardonner pour avancer

Le 6 décembre 1989, Nathalie Provost n'avait qu'une idée en tête : se démarquer lors de sa présentation de fin de journée sur le transfert de chaleur. Mais Marc Lépine est entré dans sa classe. Il a fait sortir les garçons et transformé le tableau en peloton d'exécution pour les filles. Six sont mortes. Nathalie Provost, elle, s'en est tirée. Peur, solitude, colère... elle a tout traversé. Un mois à peine après la tuerie, elle retourne en classe. «Décrocher mon diplôme d'ingénieur était essentiel.» Elle s'est mariée. Elle a eu quatre enfants. Et elle pratique toujours cette profession qu'elle aime tant. Pour se remettre debout, elle a appris à faire des deuils, à pardonner - «en pardonnant, vous cessez d'être une victime» -, à s'émerveiller et à se relier aux autres.

«Au fond, mon parcours n'est pas exceptionnel. Il n'est pas différent de celui qu'une société devrait emprunter. Nous avons des deuils à faire, dont celui de la croissance infinie. Nous devons pardonner - à ceux qui défilent devant la commission Charbonneau, par exemple - pour cesser de nous victimiser. Malgré les difficultés, nous devons apprendre à nous émerveiller devant nos ressources. Et, surtout, il faut réapprendre la solidarité. Nathalie Provost ne vient-elle pas d'évoquer les principes qui guident aussi les entreprises résilientes ?

DES INTERVENANTS DE TOUS LES HORIZONS

On vient d'abord à TED pour élargir sa culture. Ces conférences ont pour slogan «Des idées qui méritent de voyager». TEDxHEC Montréal a respecté la tradition.

René Barsalo, designer d'expériences numériques, nous a éveillés au défi de l'«infomutation». Depuis 1990, 10 générations d'innovation en matière de communication se sont succédé. Chaque génération a son invention et jamais autant de générations n'ont cohabité. Comment construire un modèle commun ?

Noémie Dupuy, fondatrice de Budge Studios, conçoit des applications pour enfants. Elle nous a ouverts à l'univers du jeu numérique dans lequel un enfant peut apprendre à jouer du piano sur l'iPad de sa mère en attendant son tour aux urgences.

Catalina Lopez-Carrea, v.-p. des affaires scientifiques de Génome Québec, a évoqué quant à elle les OGS (organismes génétiquement sélectionnés), plutôt que les OGM (organismes génétiquement modifiés), qui nous permettront de nourrir et d'alimenter la planète. Quant à l'escrimeur Philippe Beaudry, il a insisté sur la nécessité de se fixer non seulement des objectifs à long terme, mais aussi à court et moyen termes pour évaluer les progrès accomplis et entretenir la motivation.

En avril,

275 événements

TEDx se sont tenus dans 56 pays. Le 25 mai, jour de TEDx HECMontréal, 18 autres conférences TEDx ont eu lieu dans le monde.

N'importe quel groupe local non partisan peut organiser un TEDx, à condition de respecter certaines règles de format et de contenu.

Sur lesaffaires.com

Visionner les conférences de Louis-Philippe Maurice et des autres conférenciers de TEDxHECMontréal à http://bit.ly/15g2rQi

diane.berard@tc.tc

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