Des agriculteurs trop dépendants de l'État

Publié le 25/04/2009 à 00:00

Des agriculteurs trop dépendants de l'État

Publié le 25/04/2009 à 00:00

Par Jean-Paul Gagné

L'enfer est pavé de bonnes intentions, dit-on. Et l'agriculture québécoise en fournit un bel exemple. Quand le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation (MAPAQ) de l'époque, Normand Toupin, a lancé le programme d'assurance stabilisation du revenu agricole (ASRA) en 1975, il cherchait à accroître le revenu net des agriculteurs et à améliorer la stature fi nancière des fermes québécoises.

Cet objectif a été atteint.

Son successeur, Jean Garon, a utilisé l'ASRA pour accroître l'autosuffi sance agroalimentaire du Québec. Le programme a ainsi soutenu fi - nancièrement de nouvelles productions, ce qui a diversifi é l'agriculture québécoise. Aujourd'hui, il soutient 17 types de production.

Malheureusement, le programme a plusieurs effets pervers qu'il est urgent de corriger. L'ASRA, qui se voulait un programme d'aide conjoncturelle, est devenu un moyen de fi nancement institutionnalisé.

Par exemple, les producteurs d'agneaux ont reçu chaque année depuis 1980 des subventions représentant entre 40 et 70 % des revenus obtenus du marché. Les producteurs de veaux d'engraissement ne sont pas en reste, leurs subventions équivalant ayant représenté plus de 70 % des revenus du marché. Dans le cas de l'orge, l'aide, qui variait entre 0 et 10 % des revenus du marché au début des années 1980, a représenté 80 % des revenus en 2005, avant de baisser à 60 % en 2006. Sachant qu'ils seront subventionnés quoi qu'il arrive, certains producteurs ne se préoccupent pas du marché avant de lancer leur production.

Le dispositif de fi nancement de l'agriculture québécoise est unique au Canada, puisque les producteurs des autres provinces n'ont accès à aucun autre soutien que les deux programmes fédéraux, qui compensent les baisses du revenu des producteurs lorsque celui-ci est inférieur à celui d'une période de référence donnée.

L'ASRA coûte aux contribuables québécois entre 850 et 900 millions de dollars (M$) par année, comparativement à 400 M$ en 2001-2002. Quant au Fonds d'assurance stabilisation des revenus agricoles, il creuse sans cesse son défi cit, lequel est passé en six ans de quelque 50 M$ à environ 750 M$.

L'aide aux agriculteurs est tellement institutionnalisée qu'elle semble devenue invisible pour certains d'entre eux. La majorité ne versent même pas leur prime à la Financière agricole puisque celle-ci est déduite de la compensation qu'ils reçoivent. Considérant cette aide comme une paie, des producteurs ont développé une relation de dépendance de l'État.

Payés généreusement par l'État, certains agriculteurs recourent abondamment au crédit pour accroître leur production. Le quart des fermes québécoises sont très endettées, si bien que leur survie dépend de l'aide de l'État. Figurent aussi au bilan des exploitations agricoles 11 milliards de dollars de droits de production de lait, d'oeufs et de volaille. Il va sans dire que ces quotas de production (d'une valeur de plus 300 000 $ par ferme) sont un obstacle de taille au transfert familial des fermes.

De plus, comme la compensation de l'ASRA est uniforme sans égard à la taille de l'établissement (l'aide est basée sur un coût de production de référence), elle profi te surtout aux grands producteurs, car ils bénéfi cient d'économies d'échelle. De plus, ils gèrent mieux leurs risques et sont établis dans les régions les plus favorables à l'agriculture.

Bref, l'ASRA coûte très cher, prive l'État de moyens pour soutenir de nouvelles productions et les régions moins favorisées, rend les producteurs indifférents aux signaux du marché et à la gestion des risques, contribue à leur endettement et n'incite pas à l'effi cacité.

Cette problématique, qui était au coeur du rapport Pronovost sur l'avenir de l'agriculture, a fait l'objet d'une étude d'un expert reconnu, Michel R. Saint-Pierre, qui a occupé plusieurs postes de direction dans les organismes gouvernementaux de soutien à l'agriculture.

Ce dernier a formulé plusieurs recommandations, qui, si elles étaient mises en place, régleraient les principaux effets pervers de l'ASRA, sans qu'il faille réduire le budget de l'aide globale à l'agriculture québécoise.

Ces propositions visent surtout à responsabiliser les agriculteurs (grâce à un programme d'autogestion des risques) et à donner à l'État une marge de manoeuvre pour faire mieux, tant sur le plan du soutien aux producteurs que sur celui de la gestion des impacts environnementaux et sociaux des fermes.

Il ne reste plus qu'à espérer que Québec aille de l'avant. S'il bouge, on ne pourra plus dire que l'UPA mène cette industrie. ?

J'AIME

Dominic D'Alessandro, président et chef de la direction de Manuvie, a lié au rendement de l'action de sa société la prime de 10 millions de dollars que son conseil lui a octroyée. Il acceptera la totalité de cette prime si le cours de l'action (inférieur à 20 $ récemment) atteint 36 $ à la fi n de 2011, et la moitié si l'action touche 30 $. " C'est une décision personnelle, dit-il. L'argent est moins important pour moi que la déception des gens face à la baisse de l'action. "

JE N'AIME PAS

Ottawa a retranché 162 millions de dollars des budgets de fonctionnement des organismes fédéraux qui fi nancent la recherche effectuée dans les universités et leurs centres affi liés, ce qui les obligera à faire des mises à pied. Même la subvention de 325 000 $ qui servait au fonctionnement de l'observatoire du mont Mégantic a été annulée. Ces organismes fédéraux souffraient déjà du fait qu'Ottawa n'avait pas bonifi é leurs subventions cette année.

jean-paul.gagne@transcontinental.ca

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