CRC Sogema est sortie plus forte d'une crise de liquidités

Publié le 10/11/2012 à 00:00

CRC Sogema est sortie plus forte d'une crise de liquidités

Publié le 10/11/2012 à 00:00

Fondée en 1984 par trois gestionnaires québécois, CRC Sogema, spécialisée dans la conduite de projets internationaux, ne manquait pas de contrats. Pourtant, elle a dû subir une procédure de redressement en novembre 2010.

CRC Sogema avait tout d'une entreprise florissante. Mais après avoir connu une croissance de 20 % par année de 2006 à 2010, la PME de Longueuil s'est tout à coup retrouvée à court d'argent. «Nos clients nous payaient régulièrement depuis 25 ans, mais la structure du marché a progressivement changé», explique Michel Côté, membre fondateur et président de l'entreprise. Les traditionnels contrats en temps et en matériel ont été progressivement remplacés par des contrats à forfait pour lesquels l'entreprise a accepté d'être payée, non plus à la livraison, mais sur approbation de ses clients. Une erreur qui a rapidement creusé un trou dans ses caisses en allongeant les délais de paiement. «Nous avons ainsi accumulé une dette de 4 à 5 millions de dollars», ajoute Michel Côté.

En novembre 2010, la situation était si critique que CRC Sogema s'est placée sous la protection de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité pour une période de deux mois. Elle a dû entamer une réduction rapide et draconienne de ses dépenses.

«Nous avons été contraints de mettre à pied 40 % du personnel. Le salaire des cadres a été réduit de 40 %, celui du personnel opérationnel, de 10 à 20 %, tandis que les salaires des patrons ont été complètement coupés», affirme Michel Côté. L'entreprise a gelé les dépenses de formation et de communication et diminué la fréquence des voyages au strict minimum.

«Nous avons bien expliqué ces mesures à nos fournisseurs et à nos salariés, car il était important qu'ils comprennent qu'il ne s'agissait pas d'un problème structurel, mais d'un accident de parcours», résume-t-il.

Traquer les risques

La seconde étape a été de conserver les liquidités de l'entreprise. «Nous avons communiqué avec nos clients afin de nous assurer qu'ils nous paieraient dans les 30 jours suivant la livraison. Et désormais, nous émettons les factures le jour même de la livraison.»

La compagnie a éliminé les projets à risque. «Nous nous sommes concentrés sur un nombre réduit de projets, et nous avons revu nos normes de négociation. Nous nous sommes assurés de recevoir 75 % du paiement à la livraison», indique le dirigeant.

Chaque fois que c'est possible, CRC Sogema scinde les gros projets en plusieurs petits pour que l'argent rentre plus régulièrement. La PME s'est également dotée d'un système de comptabilité qui lui fournit des estimations sur le temps et les ressources nécessaires à chaque projet.

L'organisation interne de l'entreprise a aussi été revue : chaque offre de service passe désormais devant un comité technique, composé des responsables finances, RH et technique, avant d'être soumise au président. «Cela me permet de vérifier que tout est conforme à nos nouvelles règles.» Tous les mois, une réunion de direction étudie les dossiers délicats. «On peut alors décider de geler un projet pour éviter les pertes», dit M. Côté.

Les contrats à la loupe

Face à l'impossibilité d'emprunter de l'argent aux banques, CRC Sogema s'est tournée vers de nouveaux investisseurs pour financer son redressement. «Nous leur avons démontré la viabilité de l'entreprise grâce à un carnet de commandes bien rempli.» L'entreprise a ainsi recueilli près de 4 M$ auprès d'Investissement Québec, du Fonds d'investissement pour l'économie régionale de Longueuil et d'une firme du même secteur. Résultat : «Nous n'utilisons plus de ligne de crédit depuis 2010, nous vivons grâce à l'argent qui entre dans nos coffres !»

Ces mesures paient. Neuf mois après le début de sa restructuration, CRC Sogema est sortie de la crise. Dès juillet 2011, les salaires des employés sont revenus à leur niveau initial. Le recrutement a repris, notamment pour les logiciels de gestion des impôts.

«Pendant la restructuration, nous avions 80 employés, par rapport à 130 aujourd'hui», détaille le président, qui mise sur un chiffre d'affaires de 20 M$ en 2012. Son prochain défi : terminer d'intégrer les nouvelles mesures avant de s'organiser pour croître encore.

GARDER LE CONTACT AVEC LES FOURNISSEURS

Les PME font face à plusieurs défis lorsqu'elles engagent un processus de redressement. «Elles doivent gérer ce nouveau processus tout en essayant de maintenir les opérations en cours», affirme Sandra Abitan, associée à la firme de conseil Osler, Hoskin & Harcourt. Pour cela, les PME doivent s'assurer de garder la confiance de leurs fournisseurs clés. «Une entreprise qui fabrique des jeans, par exemple, aura beaucoup de mal à continuer de produire si le seul fournisseur de denim de la région refuse de la fournir», met en garde l'avocate. C'est pourquoi elles ont intérêt à soigner les relations qu'elles entretiennent avec leurs partenaires, en faisant preuve de transparence et d'ouverture. «Les PME ne doivent pas hésiter à soumettre à leurs fournisseurs des propositions raisonnables afin qu'ils n'aient pas l'impression d'être lésés», dit Sandra Abitan.

En cas de difficultés, le recours à des dispositifs formels comme la Loi sur la faillite et l'insolvabilité ou la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies permettent notamment de contraindre les fournisseurs à continuer d'alimenter une entreprise en faillite. «Ce dispositif permet aussi aux PME de se débarrasser des contrats qui ne leur sont pas favorables, en rompant par exemple un bail ou un contrat d'affaires», explique Luc Morin, associé à la firme Fasken Martineau. Il reste tout de même qu'une annonce officielle de ce type a forcément un impact sur l'image de l'entreprise. C'est pourquoi les PME qui possèdent un déficit moins important, généralement inférieur à 5 millions de dollars, tentent parfois de se redresser sans l'aide d'un processus formel. Mais les réussites sont plutôt rares... «Dans ce cas, le succès dépend surtout de la capacité des administrateurs à lever des capitaux pour rembourser la dette. Ils peuvent également tenter de vendre des actifs ou de rationaliser les dépenses», avance Luc Morin. Ces mesures doivent être mises en place rapidement pour ne pas compromettre le redressement de l'entreprise. «Une PME doit être capable de se redresser à l'intérieur d'un délai de 6 mois, car, bien souvent, ses créanciers ne la suivront pas plus longtemps», rappelle Luc Morin. Le principal défi est alors de préciser clairement les origines de la crise, et pas seulement ses conséquences, afin de ne pas rechuter. «On estime qu'il faut attendre deux ans avant de pouvoir dire que toutes les causes ont bien été éliminées et qu'elles ne réapparaîtront pas», indique Luc Morin.

Le contexte

Malgré un portefeuille de clients bien garni, CRC Sogema a dû faire face à un manque de liquidités important qui a progressivement vidé ses comptes.

Le défi

Prendre des mesures énergiques et rapides pour retenir ses liquidités et s'assurer du soutien de ses employés et de ses fournisseurs durant cette période difficile.

Le résultat

La PME enregistre une augmentation de 30 % de son portefeuille de clients en 2012 et s'attend à une croissance de 15 à 30 % pour 2013.

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