Comment l'Allemagne est devenue un leader en énergie renouvelable

Publié le 07/03/2009 à 00:00

Comment l'Allemagne est devenue un leader en énergie renouvelable

Publié le 07/03/2009 à 00:00

Par François Normand

La mise en place d'une économie plus verte aux États-Unis suscite l'enthousiasme de plusieurs décideurs politiques et économiques au Canada. Mais regardons-nous du bon côté ? Et si le modèle à suivre était outre-atlantique, en Allemagne ? C'est ce que nous sommes allés vérifier sur place.

L'homme tiré à quatre épingles qui nous accueille dans la petite salle de réunion du Thomas Hotel, à Husum, petite ville du Nord-Ouest de l'Allemagne, près de la frontière danoise, a eu un parcours hors du commun.

De simple fermier, Hermann Albers est devenu, en l'espace de 30 ans, l'homme fort de l'industrie éolienne allemande. Il a ses entrées jusque dans plus hautes sphères du pouvoir politique à Berlin.

Le président de l'Association allemande de l'énergie éolienne a installé une première éolienne dans sa ferme, en 1983 : " Ce n'était pas facile à l'époque, il n'y avait pas de financement pour ce genre de projets ", nous confie-t-il.

Aujourd'hui entrepreneur prospère, il s'est hissé au sommet grâce sa détermination... et grâce au tarif de soutien (feed-in tariff), une politique d'appui au secteur des énergies renouvelables adoptée par le gouvernement, en 1991. " C'est un programme très motivant pour les producteurs d'énergie éolienne ", dit-il.

L'Allemagne, modèle à suivre

Le tarif de soutien, c'est un bon coup de pouce aux producteurs d'énergie renouvelable, mais ce n'est pas une subvention. Au bout du compte, ce sont les consommateurs qui paient.

C'est une structure tarifaire, instaurée par une loi, qui encourage le développement de sources d'énergie propre. Les distributeurs achètent l'énergie verte aux producteurs à un prix supérieur à celui du marché. Les prix, fixés pour chaque source d'énergie, régressent toutefois au fil des ans.

Plusieurs pays ont adopté des politiques semblables, dont l'Espagne, la France, l'Italie, l'Irlande, la Turquie et Israël. Mais c'est probablement en Allemagne qu'elle a donné les meilleurs résultats, estime Tim Weis, spécialiste en énergies renouvelables au Pembina Institute, d'Ottawa. " C'est une réussite incontestable ! " dit-il.

Même son de cloche du côté de Paul Gipe, spécialiste américain des politiques de tarification de soutien, qui publie des articles sur le site Wind-Works.org : " Trois pays se démarquent : l'Allemagne, la France et l'Espagne. Mais l'Allemagne est celui qui a eu le plus de succès avec cette politique. "

Au pays de Goethe, le tarif de soutien encourage six sources d'énergie : hydraulique, solaire, éolienne, géothermique, biomasse et gaz des mines. Il assure une stabilité de revenus aux producteurs d'énergie. Cela plaît aux banquiers; la diminution du risque les incite à financer davantage de projets.

" La force de l'Allemagne dans les énergies renouvelables [surtout l'éolien et le solaire] s'explique par cette politique ", dit un banquier rencontré à Hambourg lors d'une scéance d'information officieuse visant à présenter les investissements de son organisation dans des projets d'énergie propre.

Le Québec loin derrière l'Allemagne

Près de 15 % de l'électricité consommée en Allemagne provient de sources renouvelables. Et l'éolien a le vent dans les pales : de 1990 à 2007, la puissance installée y est passée de 56 à 22 247 mégawatts (MW), et la part de l'éolien dans la consommation d'électricité atteint aujourd'hui 6,4 %. L'exploit n'est pas banal pour un pays peu venteux. Au Québec, la puissance installée est aujourd'hui de 531,5 MW; elle devrait atteindre environ 4100 MW en 2015.

En parcourant les routes du pays, on aperçoit les éoliennes. Les citoyens ne semblent y voir aucune nuisance. Ces moulins à vent font partie du paysage.

Le solaire occupe aussi une place croissante. Des écoles de Hambourg, par exemple, sont équipées de panneaux solaires. Mais cette production demeure marginale, soit seulement 0,6 % de la consommation totale d'électricité. Cela dit, le soleil est la source d'énergie la mieux rémunérée par la politique tarifaire : entre 32 et 33 centimes d'euros par kWh (de 51 à 52,7 ¢/kWh).

Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le plus important fabricant de panneaux solaires du monde, Solon, qui détient 50 % du marché mondial, est allemand. Et l'entreprise ne manque pas d'optimisme pour l'avenir : " En 2050, le solaire sera la plus importante source d'énergie renouvelable ", soutient la porte-parole Katrin Evers en nous faisant visiter l'usine de Solon, dans l'Est de Berlin.

Appui populaire

Le succès de la tarification de soutien tient beaucoup à l'appui de la population. Nous avons eu beau chercher des mécontents parmi les Allemands que nous avons recontrés aux quatre coins du pays, un constat s'impose : une majorité de citoyens acceptent de payer plus cher leur électricité pour protéger l'environnement.

" La politique du tarif de soutien n'a pas été très critiquée ", dit Holger Krawinkel, de la Fédération allemande des organisations de consommateurs (VZBV), expliquant que les rares objections portent sur l'augmentation des coûts de l'énergie.

C'est pourquoi il importe de faire valoir les arguments économiques du programme, selon Andreas Kraemer, directeur d'Ecologic, un laboratoire d'idées de Berlin spécialisé en recherche et en analyse environnementale. " Nous tentons de convaincre les citoyens en leur expliquant qu'ils vont économiser de l'argent, à terme. " Comme l'électricité coûte plus cher, les gens s'équipent d'appareils plus efficaces pour économiser. Et que font les ménages à faible revenu ? " Le tarif de soutien s'accompagne d'une compensation de la hausse des prix offerte par la sécurité sociale pour les plus pauvres ", souligne M. Andreas Kraemer.

L'ensemble de la société allemande en profite également, fait remarquer pour sa part Sönke Dibbern, coordinateur technique de Clearingstelle EEG, une agence du ministère de l'Environnement, à Berlin.

Le développement des énergies durables limite les changements climatiques et la pollution atmosphérique, ce qui va dans le sens d'une diminution des coûts des soins de santé. " Les gens paient plus cher leur électricité, et c'est tout le pays qui économise ", dit M. Dibbern.

Les travailleurs en profitent également. L'industrie des énergies renouvelables emploie environ 250 000 personnes en Allemagne. Et malgré la récession mondiale, le travail ne manquera pas dans les années à venir.

Seulement dans l'éolien, l'industrie prévoit plus que doubler la puissance installée d'ici 2020, ce qui la portera à 55 000 MW, dont 10 000 en mer. " Nous devrons installer 3 500 éoliennes par année en moyenne ! " dit Hermann Albers.

Notre journaliste s'est rendu en Allemagne à l'invitation d'Inwent, un organisme sans but lucratif financé par le gouvernement et le secteur privé qui organise des stages de formation.

francois.normand@transcontinental.ca

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