Entrevue n°133: Christian J. Poortman, président, Construction Sector Transparency Initiative (Cost)

Publié le 24/11/2012 à 00:00

Entrevue n°133: Christian J. Poortman, président, Construction Sector Transparency Initiative (Cost)

Publié le 24/11/2012 à 00:00

Par Diane Bérard

Christian J. Poortman, président, Construction Sector Transparency Initiative (Cost)

Christian J. Poortman travaille à l'assainissement du secteur de la construction. «Je me réjouis presque du scandale dans le secteur québécois de la construction, dit-il. Que ça serve de signal d'alarme aux autres pays développés !» L'organisme international qu'il dirige, CoST, mise sur la trans-parence et la collaboration. Je l'ai rencontré à Brasilia, lors de la Conférence internationale anti-corruption.

DIANE BÉRARD - Pourquoi le secteur de la construction est-il si vulnérable à la corruption ?

CHRISTIAN J. POORTMAN - D'abord, parce que de grosses sommes sont en jeu. Cela accroît la possibilité de gain. La construction, liée à tous les secteurs d'activité, représente en moyenne le tiers du budget des États. Ensuite, c'est un secteur complexe. Il exige de nombreuses connaissances techniques. Enfin, la qualité du résultat se révèle difficile à évaluer. Le client arrive mal à juger s'il en a pour son argent. Il faut attendre la première pluie torrentielle pour savoir si la route a été correctement asphaltée ou un tremblement de terre pour vérifier la solidité d'un immeuble. Vous avez donc un duo fertile pour la corruption : possibilité de gain important et facilité à manipuler le rapport qualité-prix.

D.B. - Pouvez-vous donner un peu d'espoir aux Québécois ? Peut-on assainir notre secteur de la construction ?

C.J.P. - Rassurez-vous, vous n'êtes pas les seuls ! Chaque année, 4 billions de dollars sont gaspillés dans des projets publics d'infrastructures. Les dépassements de coûts atteignent de 10 à 30 % pour chacun des projets. Ce gaspillage est dû à l'inefficacité, à la mauvaise gestion et à la corruption. C'est un énorme problème, mais il existe des solutions. Notre initiative en est une. Je crois que le Québec est mûr pour la prendre en considération.

D.B. - Vous parlez de l'initiative CoST. Comment est-elle née ?

C.J.P. - CoST s'inspire d'un projet pionnier dans le secteur des industries d'extraction (Extractive Industries Transparency Initiative [EITI]). L'EITI repose sur le principe «publiez ce que vous payez» (publish what you pay). Les entreprises d'extraction qui mènent des affaires dans les pays signataires doivent publier tous les paiements qu'elles font au gouvernement. Celui-ci, en retour, doit dévoiler tous les revenus qu'il tire de ses activités d'extraction. On constate que les pays riches en ressources naturelles sous-performent économiquement, que leur gouvernance est déficiente et qu'ils sont le théâtre d'un grand nombre de conflits. La solution à tous ces problèmes réside dans la transparence. Il faut compliquer le paiement de pots-de-vin et la fuite des capitaux. Attendez-vous à ce que le mouvement «publiez ce que vous payez» prenne de l'ampleur et qu'il s'étende. Il a débuté dans le secteur des activités d'extraction parce que pour de nombreux gouvernements, c'est un poste important de revenus. L'appliquer au secteur de la construction était une suite logique. Cette fois, à cause de l'importance des dépenses. Ainsi est née CoST, sous l'impulsion de la Grande-Bretagne, qui désire faire passer d'ici 2015 le coût de ses infrastructures de 3,2 milliards à 4,8 milliards de livres par année.

D.B. - En quoi consiste CoST ?

C.J.P. - Nous réunissons les entreprises, le gouvernement et la société civile. CoST a débuté par des projets-pilotes dans huit pays, quatre en Afrique, deux en Asie, un en Amérique centrale et celui de la Grande-Bretagne. Depuis, avec l'appui que nous avons obtenu du G20, nous étendrons notre formule à d'autres États.

D.B. - Quel est votre mandat ?

C.J.P. - Il consiste à améliorer la rentabilité des investissements dans les infrastructures publiques. Et ce, en veillant à ce que les infrastructures soient de qualité, que les projets soient réalisés à un moindre coût et avec un minimum d'imprévus.

D.B. - Comment vous y prenez-vous ?

C.J.P. - Nous avons deux instruments. D'abord, une transparence totale de coûts, des appels d'offres, de l'information détaillée au sujet des contrats avec les différents fournisseurs, des écarts et des correctifs apportés et ainsi de suite, et ce, pour tous les projets publics. C'est le gouvernement qui est responsable d'alimenter la base de données où se trouvent ces renseignements et de la mettre à jour. La diffusion débute dès qu'un projet est annoncé et se poursuit jusqu'à la fermeture des livres. Ensuite, on forme un groupe composé de toutes les parties prenantes en nombre égal. Le Brésil, par exemple, a créé un tel groupe pour les Jeux olympiques. Ce groupe se réunit de façon régulière et chaque fois qu'une information est dévoilée. Les frais de CoST sont couverts par des subventions de la Banque mondiale et des pays participants.

D.B. - Les objectifs de transparence sont-ils atteints ?

C.J.P. - Pour l'instant, chaque pays l'applique à des degrés différents. En Grande-Bretagne, le processus de divulgation se limite à l'appel d'offres. On s'attarde encore peu à l'exécution des travaux. Aux Philippines, par contre, la divulgation s'est étendue de l'appel d'offres jusqu'à la conclusion du projet.

D.B. - Qu'est-ce que l'approche CoST rapporte aux pays qui l'implantent ?

C.J.P. - Au Malawi, par exemple, on a découvert que les dépassements de coûts et de temps résultaient davantage de la gestion défaillante que de la corruption. En Tanzanie, les quatre groupes multipartites ont plutôt mis l'accent sur la faiblesse du design architectural et l'absence de concurrence. Au Vietnam, le programme CoST marque un précédent dans le recours à des groupes de travail multipartites.

D.B. - Pourquoi les entreprises qui tirent parti de la corruption collaboreraient-elles à votre initiative ?

C.J.P. - Ce ne sont pas toutes les entreprises qui profitent de la corruption. Plusieurs souhaiteraient un système plus transparent et plus efficace. Il en résulte un environnement plus prévisible dans lequel on peut mener des affaires en toute confiance. Mentionnons aussi le risque de réputation et l'accès au capital. Les entreprises honnêtes courent le risque d'être pénalisées pour leurs homologues qui le sont moins. Celles qui sont corrompues vivent dans la crainte d'être démasquées. La malhonnêteté ne paie pas à long terme... et elle paie de moins en moins à court terme. Regardez ce qui se passe chez vous, au Québec.

D.B. - Après les industries extractives et la construction, quel secteur sera la prochaine cible du mouvement de transparence ?

C.J.P. - Cherchez un secteur qui coûte cher au gouvernement. Je ne suis pas devin, mais je parie sur les pharmas. Les coûts de la santé explosent.

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