Barons des médias en devenir

Publié le 11/12/2010 à 00:00

Barons des médias en devenir

Publié le 11/12/2010 à 00:00

Les futurs barons des médias ne se sont pas lancés dans l'arène pour la gloire, mais pour profiter d'une occasion d'affaires. Ils font le pari de s'accaparer une partie des budgets publicitaires transférés sur le Web.

" Le modèle d'entreprise des médias traditionnels est en train d'exploser en vol, constate Jeff Mignon, consultant en stratégie numérique pour les médias. C'est très intéressant pour une jeune pousse, car les grands acteurs de l'industrie ont beaucoup de mal à s'adapter au nouvel écosystème médiatique. "

Ces jeunes pousses ne lancent ni des magazines ni des stations de radio, mais des sites Internet, des plateformes de distribution et des boîtes de production de contenus pour le Web. Leurs modèles d'entreprise sont atypiques. Certaines optent pour la production de contenu original pour le Web, d'autres, pour l'agrégation de contenu produit par des entreprises partenaires.

" Le contenu n'a pas de valeur en soi sur le Web, explique Jeff Mignon. Il a une valeur de destination, qui est apportée par le marketing et, ultimement, par les revenus qu'on pourra en tirer. "

Voici le portrait de quatre de ces entrepreneurs qui, méconnus au Québec, obtiennent du succès ailleurs dans le monde.

ÉRIC BOYKO

Stingray Digital

Âge : 40 ans

Ville de résidence : Montréal

Formation : Baccalauréat en comptabilité de l'Université McGill, accréditation en comptabilité générale (CGA)

Entreprises qu'il a créées : eFundraising, Summit Wood Products et Stingray

Entreprise qu'il dirige : Stingray

Éric Boyko n'est pas un passionné des médias, mais il sait compter. À son actif d'entrepreneur en série figure la création de l'entreprise eFundraising.com, qu'il a vendue deux fois plutôt qu'une. La première fois, en mai 2000, à ZapMe, pour 27 millions de dollars (M $). " C'était à peine quelques jours avant l'effondrement des point-com, explique l'entrepreneur.

Un an plus tard, on m'a offert de racheter l'entreprise pour à peu près 10 cents la piastre. "

En 2001, ce diplômé en commerce de l'Université McGill revend l'entreprise une seconde fois à une filiale de Reader's Digest pour 3 M$, puis reste par la suite cinq ans à l'emploi du géant américain de la publicité directe.

En 2007, en compagnie de son associé Alexandre Taillefer, Éric Boyko fonde Stingray Digital afin de racheter des médias numériques. En hommes d'affaires avisés, les deux associés recherchent des créneaux moins convoités. " On visait à la base deux communautés d'intérêts : les amateurs d'ornithologie et ceux de karaoké. " En vertu de cet objectif, Stingray achète les actifs de Soundchoice, dont la chaîne de télévision The Karaoke Channel, associée à un service à la carte décliné sur Internet et sur les plateformes mobiles. Fort de cette première acquisition, Stingray, qui réalise aujourd'hui un chiffre d'affaires de 40 millions de dollars avec quelque 130 employés, s'est spécialisée en musique.

Plus d'ententes avec les câblodistributeurs

Par la suite, Stingray achète les chaînes de télévision musicales Max Trax, de Corus, et Galaxie, de Radio-Canada, de même que le fournisseur de musique pour les détaillants CHUM Satellite Services de CTVglobemedia. Même si la grande majorité des revenus de Stingray sont issus des redevances versées par des câblodistributeurs, Éric Boyko ne craint pas l'avenir : " À l'échelle mondiale, notre créneau est en forte croissance. "

Stingray laisse ses clients distribuer ses chaînes sur toutes les plateformes, mais il en va autrement de son contenu, les " chansons " formatées pour le karaoké, qu'il distribue à l'unité sur Internet : " Nous vendons plus d'un million de chansons par année ", précise Éric Boyko. Malgré tout, ce dernier mise sur la multiplication des ententes avec les câblodistributeurs pour faire croître son entreprise : " On est présent au Canada, aux États-Unis, en Europe et dans les Caraïbes, explique l'entrepreneur. Cependant, environ 75 % de nos revenus proviennent du marché canadien. D'ici trois ans, mon objectif est d'aller chercher les trois quarts de nos revenus à l'étranger. "

TYLER CAVELL

MediaScrape

Âge : 34 ans

Ville de résidence : Montréal

Formation : Maîtrise en Global Media & Communications de la University of Southern California et maîtrise en sciences économique et politique à la London School of Economics

Entreprise qu'il a créée : MediaScrape

Entreprise qu'il dirige : MediaScrape

Tyler Cavell est né avec un journal dans les mains. Fils de Charles Cavell, ancien président de Quebecor World, Tyler collabore au journal étudiant durant ses études à la London School of Economics, puis travaille au service du marketing de The Gazette dans la jeune vingtaine. " Il y a de l'encre qui coule dans mes veines ", assure l'homme d'affaires, qui avoue ne pas avoir lu un journal en version papier depuis le lancement de l'iPad, et ce, malgré ses nombreux abonnements.

Avant de créer son entreprise, il a passé la maîtrise Global Media and Communications à la London School of Economics et a conseillé les grands groupes de presse au sein de la firme de consultation OC&C Strategy Consultants.

Télévision du monde

Si Tyler Cavell a choisi Montréal pour lancer MediaScrape, c'est en Afrique du Sud, où il a étudié, que l'idée lui est venue : " Lorsqu'on regarde les nouvelles locales en Afrique du Sud, la réalité rapportée est très différente de celle qu'on peut observer en écoutant CNN ", illustre Tyler Cavell. Cette idée fera son chemin dans l'esprit de ce passionné des médias jusqu'à ce qu'il fonde MediaScrape, en 2005, avec un financement de six millions de dollars (M$).

L'entreprise, qui a fait l'objet de deux offres d'achat depuis quatre mois, distribue des vidéos de nouvelles tirées de chaînes de télévision des quatre coins de la planète; 90 % de son chiffre d'affaires vient d'ententes de partage de revenus avec des portails comme YouTube, MSN ou Yahoo, qui diffusent les brèves vidéos d'information associées à de courts textes produits par MediaScrape. La vente directe d'images issues des partenaires de MediaScrape aux chaînes de télévision, dont l'émission WorldFocus, diffusée sur les ondes de PBS, s'ajoute aux activités strictement Web de l'entreprise.

Comptant huit employés, l'entreprise devrait avoir généré des revenus équivalents à l'investissement initial de 6 M$ au courant des prochains mois. Pourtant, Tyler Cavell considère qu'il a encore du chemin à parcourir pour aller au bout de son idée de départ : " Internet est pour nous un banc d'essai. Cependant, notre véritable médium, c'est la télévision. Je veux boucler la boucle et devenir un partenaire de Google TV, d'Apple TV et de Boxee. Je veux que MediaScrape devienne une chaîne de télévision à part entière. "

ASHKAN KARBASFROOSHAN

WatchMojo.com

Âge : 32 ans

Ville de résidence : Montréal

Formation : Baccalauréat en commerce, concentration en finance, à l'École de gestion John-Molson de l'Université Concordia

Entreprise qu'il a créée : WatchMojo.com

Entreprise qu'il dirige : WatchMojo.com

Ashkan Karbasfrooshan a fondé son entreprise sans le concours d'associés, d'investisseurs ni de financement bancaire, contrairement à ce qui a cours pour une jeune pousse. Diplômé en commerce de Concordia en 2000, M. Karbasfrooshan travaille quelques mois pour le moteur de recherche Mamma.com avant de se joindre, en septembre 2000, à trois de ses anciens camarades d'université, qui ont fondé AskMen.com un an plus tôt. Le jeune homme devient vice-président aux ventes. En juin 2005, lorsqu'IGN Entertainment acquiert AskMen.com pour 13,5 millions de dollars américains (M$ US), M. Karbasfrooshan reçoit sa part du gâteau, mais doit signer une entente de non-concurrence, qui l'empêche de lancer un nouveau magazine Web.

Un gars de contenu

L'entrepreneur a toujours fait preuve de créativité et confie avoir envoyé des articles au magazine Fortune, sans qu'ils soient publiés. " Je voyais que les vidéos sur Internet allaient connaître du succès et, vraiment, ce qui m'intéressait, c'était le contenu ", relate-t-il. Il fonde alors WatchMojo.com, qui propose des vidéos informatives portant sur des sujets intemporels, en pensant en faire une destination populaire. Rapidement, M. Karbasfrooshan change de stratégie et décide de se concentrer sur la distribution de ses vidéos sur des sites tiers. Aujourd'hui, l'essentiel de ses revenus vient de ses partenaires de diffusion, dont YouTube, MSN, Yahoo et AOL, grâce auxquels il peut se targuer d'avoir généré plus de 190 millions de visionnements.

WatchMojo.com, qui compte 14 employés, n'est pas encore rentable, mais ce seuil serait à portée de main. " On pourrait être rentable, mais je préfère toujours faire croître l'entreprise ", explique l'entrepreneur.

M. Karbasfrooshan mise beaucoup sur la qualité et n'est pas impressionné par les " fermes de contenus ", ces entreprises qui, grâce à un système d'attribution automatisé et à un algorithme déterminant les mots clés les plus recherchés, peuvent produire des quantités industrielles de courtes vidéos à un coût dérisoire. " Le monde veut être créatif et personne ne veut travailler chez Starbucks. Alors, il y a toujours quelqu'un qui est prêt à produire du contenu pour moins cher, explique-t-il. Les fermes de contenus misent sur cette réalité pour abaisser leurs coûts. Cependant, les annonceurs ne sont pas nécessairement enthousiastes à l'idée d'afficher une publicité à côté d'une vidéo dont la qualité est douteuse. "

ROBERT BOULOS

FarWeb.tv

Âge : 40 ans

Ville de résidence : Montréal

Formation : A commencé des études en musique à l'Université McGill

Entreprises qu'il a créées : FarWeb.tv et FarMore Distribution

Entreprises qu'il dirige : FarWeb.tv et FarMore Distribution

Musicien dans l'âme et producteur de profession, Robert Boulos songeait depuis longtemps à produire du contenu pour le Web, mais ne voyait pas comment rendre une telle aventure rentable. En 2005, lorsqu'il travaille pour le Groupe Juste pour rire, il obtient une partie de la réponse : pour avoir une audience internationale lorsqu'on est francophone, il faut produire du contenu sans paroles. En 2007, il fonde ainsi FarWeb.tv autour du concept de Didier Ze Mime, incarné par son ami d'enfance, le comédien Didier Lucien. Robert Boulos tient alors un plan d'affaires et il ne se limite pas à produire des capsules amusantes pour le Web en espérant que la publicité en ligne en couvrira les frais.

Se positionnant comme un spécialiste du brandtertainment, FarWeb tire environ 40 % de ses revenus de la publicité, principalement en associant son célèbre mime à des marques. Des capsules ont été produites pour mettre en valeur les biscuits Whippet et, plus récemment, Didier Ze Mime est devenu la mascotte de Métrovision, qui exploite quelque 114 écrans dans le métro de Montréal.

" Après 10 ans d'existence, il y avait un désir de revamper le réseau de Métrovision et, comme il n'y a pas de son sur ce réseau, Didier Ze Mime était le candidat idéal. " Ainsi, le mime assurera les transitions entre les différents contenus diffusés sur le réseau, mais surtout, s'associera à des annonceurs pour leur permettre de passer leur message.

Diversification des sources de revenus

Outre le brandtertainment, FarWeb exploite son catalogue

de 125 capsules mettant en vedette Didier Ze Mime en vendant des licences, notamment à une chaîne de télé en Espagne et au portail canadien Sympatico. Quelque 40 % des revenus de l'entreprise seraient issus de la vente de licences et, pour compléter le tableau, 20 % proviennent de mandats de production divers : " En matière de licences, explique M. Boulos, on vise les réseaux en circuit fermé, comme ceux des centres d'achat. Par contre, je ne pense pas que Didier Ze Mime soit un bon produit pour les compagnies aériennes. "

Comptant neuf employés et ayant dégagé des profits dès sa première année, en 2007, l'entreprise continuera à diversifier ses sources de revenus. Robert Boulos, qui a déjà lancé une application gratuite pour l'iPhone, intitulée Tape le Mime, en lancera de nouvelles. Elles seront cette fois vendues 99 cents et seront compatibles avec l'iPhone, l'iPad et les téléphones Androïd, de Google.

lesaffaires.redaction@transcontinental.ca

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