Aldo Bensadoun le consommateur

Publié le 20/10/2012 à 00:00, mis à jour le 18/10/2012 à 10:09

Aldo Bensadoun le consommateur

Publié le 20/10/2012 à 00:00, mis à jour le 18/10/2012 à 10:09

On sait qu'Aldo Bensadoun a réussi en 40 ans à construire une entreprise qui a peu d'équivalents au Canada : une chaîne de magasins de chaussures présente dans 80 pays. On connaît aussi les causes qu'il appuie (le sida et le cancer). Et, puisqu'il se fait de moins en moins secret, on découvre son histoire et les valeurs qui l'ont toujours guidé (amour, respect, intégrité). Question de sortir des sentiers battus, Les Affaires a voulu connaître une autre facette de l'entrepreneur de 73 ans. Voici donc Aldo Bensadoun le consommateur.

LES AFFAIRES - Aimez-vous dépenser ?

Aldo Bensadoum - Ça dépend pour quoi. J'aime dépenser quand je vais dans une pépinière. J'adore dépenser pour acquérir des arbres rares, des spécimens, des arbres auxquels il faut faire très attention lorsqu'on les plante. Je crois qu'un consommateur est différent selon le produit ou la catégorie de biens qu'il achète. Dans une pépinière, par exemple, je recherche des choses que j'aime ; alors mon esprit, mon imagination, déborde et s'envole. Je peux voir quelle sera l'allure de l'arbre dans l'avenir, comment il s'agencera avec les autres arbres et les plantes, quelle composition il en résultera. J'adore imaginer ce dont le jardin aura l'air plus tard. Quand j'entre dans un magasin de vêtements, je fais la même chose. J'essaie d'imaginer ce dont j'aurai l'air dans ces vêtements. Je regarde beaucoup l'allure qu'ils me donnent. J'aime être à l'affût des tendances. J'aime évoluer dans ce que je porte. Et de la même manière que je sélectionne les arbres, je sélectionne mes chemises et mes vestons.

De plus, je n'aime pas attendre. J'aime avoir tout de suite ce que j'achète. Donc, si j'achète sur le Web, je veux que cela me soit livré le lendemain ! Je crois que consommer, ça permet de rêver, de se voir, de s'imaginer. Vous vous rappelez la chanson d'Aznavour, avec «Ce complet bleu qui était du dernier cri... Je me voyais déjà en haut de l'affiche» ? Pour moi c'est ça, le consommateur.

L.A. - Quel genre d'expérience de magasinage vous frustre au plus haut point ?

A.B. - C'est quand je suis ignoré par un vendeur. Lorsque le vendeur n'est pas engagé, qu'il ne m'embarque pas, qu'il n'essaie pas de m'aider, qu'il est hautain. Ça m'arrive assez souvent ... dans certains pays plus que dans d'autres ; mais je n'ai pas besoin de les nommer [large sourire] !

L.A. - Et comment réagissez-vous ?

A.B. - J'ai tendance à éduquer cette personne et lui dire «écoute, ce que tu viens de faire, ce n'est pas correct, tu devrais plutôt faire telle ou telle chose». Mais peut-être que je ne devrais pas le faire. Parfois, c'est mal accueilli !

L.A. - Êtes-vous êtes du type impulsif ou rationnel ?

A.B. - Rationnel. Mais j'aime quand même me gâter et être impulsif, parfois. Par contre, les vêtements achetés de façon impulsive, je ne les porte pas souvent.

L.A. - Faites-vous l'épicerie ?

A.B. - Oui, ça m'arrive régulièrement. J'aime beaucoup aller au marché Atwater. Ça me rappelle mon enfance [au Maroc et en France] et mes parents. J'aime bien le choix qui y est offert.

L.A. - Préférez-vous les grands magasins ou les boutiques ?

A.B. - Les petites boutiques dans les petites rues. Je trouve que ça permet de faire des découvertes.

L.A. - Avez-vous des arrêts obligatoires lorsque vous voyagez ?

A.B. - Oui, tout à fait. Lorsque je suis à Milan, j'aime bien aller chez Brunello Cucinelli [entreprise italienne de luxe reconnue pour ses cachemires]. À Londres, je vais toujours me promener dans Spitalfields, un quartier où l'on trouve plusieurs boutiques de vêtements et de chaussures. À New York, j'aime bien aller dans la rue Spring, chez John Vavatos, un designer grec. C'est là que j'achète la plupart de mes habits.

L.A. - Quel est votre dernier achat coup de coeur ?

A.B. - C'est un arbre [grand éclat de rire] ! Pour vous dire la vérité, c'est un cyprès doré qui vient du Japon. Je l'ai planté au Vermont [il y possède une propriété] la semaine dernière ou il y a deux semaines. Je vais bien le protéger pour qu'il passe l'hiver. Je vais lui mettre une belle toile de jute, et il va rester en pleine forme.

L.A. - Y a-t-il des choses que vous rêvez de posséder ?

A.B. - Non, il n'y a rien. Je n'ai pas tout, mais je ne suis pas une personne qui accumule les choses. Je préfère construire des choses, soit des chaussures, soit un design de magasin, un chantier quelconque ou une maison.

L.A. - Regardez-vous le prix de ce que vous achetez ?

A.B. - Oui, je suis conscient des prix. Ils influencent mes décisions.

Insolite

Aldo a changé de prénom à 69 ans. Contrairement à ce que plusieurs croient, le fondateur d'Aldo n'a pas donné son prénom à son entreprise, mais plutôt son surnom. Son véritable nom est Albert Daniel Michel Bensadoun. Par contre, en 2008, l'homme, qui est né en juillet 1939, a demandé au Directeur de l'état civil du Québec d'ajouter Aldo à ses prénoms officiels. Ce changement de nom lui a été accordé et est entré en vigueur la même année.

ALDO BENSADOUN SUR...

Ce qui explique le succès mondial de son entreprise

«Il faut transmettre ses valeurs. C'est la clé. C'est très important. C'est la raison pour laquelle, à Montréal, pour chaque pays et son franchisé [il n'y a qu'un franchisé par pays], deux ou trois personnes de notre siège social sont à son service. De plus, dans les pays eux-mêmes, il y a des équipes qui surveillent les opérations et veillent à ce que tout se fasse correctement.»

L'afflux de détaillants étrangers au Québec

On s'y attendait et c'est normal. Nous-mêmes possédons 450 magasins aux États-Unis et sommes présents en Europe et au Moyen-Orient. C'est normal que toutes ces entreprises grandissent, non seulement au Canada, mais partout dans le monde.

La façon de réagir à cette nouvelle concurrence

On doit regarder le monde, envisager l'expansion. Avec les moyens de communication qui existent à l'heure actuelle, vous ne pouvez plus être une société complètement isolée. Aujourd'hui ce qui se passe à Paris et à Londres, vous l'apprenez dans la seconde avec votre iPad ou votre iPhone. Vous êtes obligé d'évoluer et de grandir à l'échelle mondiale. Je crois que ce n'est pas un choix ; pour survivre, il faut grandir et évoluer. Ça revient à la théorie de Darwin. C'est la vérité, quand on y pense...

La capacité des détaillants québécois de croître à l'étranger

On peut être aussi bon, si ce n'est meilleur, que n'importe quelle entreprise du monde entier. On a énormément de qualités. L'influence multiculturelle de Montréal aide beaucoup. Si Aldo a pu grandir aux États-Unis et partout en Europe, c'est parce qu'à l'intérieur de notre organisation, il y avait des gens de toutes les nationalités. Je ne suis pas du tout d'accord avec l'idée qu'il soit impossible pour des détaillants québécois de concurrencer les grands noms américains. J'ai commencé sans rien du tout ! Et je ne suis pas le seul, c'est le cas de plusieurs entrepreneurs. L'essentiel est d'offrir quelque chose de différent, de travailler fort, d'avoir des valeurs, d'avoir une vision du monde tournée vers l'extérieur et non pas tournée vers soi.

Le 21 avril 2010, la grille de mots croisés du New York Times contenait la devinette suivante : International Shoe Company, en quatre lettres. La réponse était Aldo.

L'ÉTONNANT VIRAGE D'ALDO

Seuls les fous ne changent pas d'idée, dit-on... Il y a un an, les dirigeants d'Aldo affirmaient que le confort et le look étaient deux choses incompatibles. C'est ainsi qu'ils justifiaient leur obstination à vendre des souliers dont la qualité première était d'être hyper-tendance. «Dès que tu parles de confort, c'est impossible de vendre l'aspect mode», avait soutenu en entrevue avec Les Affaires David Bensadoun, président, ventes au détail et d'Aldo Produits et Services, deux divisions du Groupe Aldo. Il n'a pas eu le choix de se raviser.

En août 2011, le détaillant a sondé 8 000 jeunes de 14 à 24 ans au Canada, aux États-Unis et en Angleterre pour connaître leurs priorités lorsqu'ils achètent des chaussures. Peu importe l'âge et le marché, la réponse a été la même : le confort. Aldo admet que le résultat est arrivé comme une «claque dans la face».

La plupart des enfants ont grandi avec des souliers ultra-confortables. Des espadrilles, des gougounes, des bottes UGG. «Devenus de jeunes adultes, ils ne veulent rien savoir de porter des talons hauts qui font mal aux pieds ! constate David Bensadoun. L'idée que la mode doit faire mal, c'est fini.»

En réaction à cette nouvelle donne, le Groupe Aldo a décidé de prendre «un virage important» pour rendre les souliers de ses enseignes Aldo et Spring plus confortables. Les magasins Globo et Little Burgundy ne sont pas concernés, étant donné qu'ils vendent d'autres marques.

Ajout de pointures

Le détaillant a commencé par introduire, il y a quelques semaines, des demi-pointures. Car la base du confort, c'est de porter des chaussures de la bonne taille, explique le dirigeant que nous avons rencontré dans le magasin Aldo du centre-ville de Montréal. Étant donné l'espace supplémentaire que cela nécessite dans l'arrière-boutique, le nombre de modèles a été réduit de 15 %, passant de 600 à un peu plus de 500.

Des souliers plus grands ont aussi été ajoutés. Un «vrai 11» et un 12 pour femmes sont désormais offerts, ce qui devrait «faire plaisir à toutes les grandes», croit le fils du fondateur d'Aldo. Jusqu'ici, ce qui était présenté comme un 11 était plutôt un 10 /. Quant aux chaussures pour hommes, on a ajouté les pointures 13 et 14. «Pour la première fois, je vais pouvoir porter des chaussures Aldo !» se réjouit David Bensadoun, en précisant que ces deux changements ont coûté 80 millions de dollars en stocks et 1,5 M$ en R-D.

Par ailleurs, Aldo commencera à utiliser «des semelles en micro-mousse de 3 millimètres comme celles de Ninewest et Naturalizer», ce qui donnera plus de souplesse aux chaussures. L'arrivée en magasin de ces nouvelles semelles est prévue pour le printemps.

Autre chantier d'envergure mondiale, réalisé par une équipe de 12 personnes : l'uniformisation des patrons utilisés dans les 40 usines qui fabriquent les souliers d'Aldo en Asie, en Europe et en Amérique du Sud. À l'heure actuelle, il n'y a pas de normes de largueur et de longueur, de sorte qu'un 8B peut différer pas mal d'un modèle à un autre.

David Bensadoun met cependant en garde les clientes qui auraient des attentes trop élevées. «C'est physiquement impossible qu'un talon de 5 pouces soit confortable. Même les Louboutins ne le sont pas. Le seul designer qui en est capable, en fait, est Stuart Wiseman, de qui on apprend beaucoup.»

marie-eve.fournier@tc.tc

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