" Nous avons bâti notre offre pour combler les failles de nos concurrents "

Publié le 16/01/2010 à 00:00

" Nous avons bâti notre offre pour combler les failles de nos concurrents "

Publié le 16/01/2010 à 00:00

En juillet 2008, Anthony Lacavera a remporté de nouvelles fréquences sans-fil. Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) les lui a retirées le 29 octobre 2009 parce que 65 % de son actionnariat est étranger. Une décision que le ministre de l'Industrie, Tony Clement, a renversée le 15 décembre dernier. L'équipe de lobbyistes recrutée s'est montrée particulièrement créative. On y retrouve, entre autres, un ancien conseiller du premier ministre Stephen Harper et une ex-employée d'Industrie Canada.

Elle a réussi à convaincre le ministre Clement que Globalive était une société canadienne, malgré son financement étranger. Globalive est donc officiellement dans les pattes de Bell, de Rogers et de Telus. Nous avons rejoint son fondateur le 23 décembre dernier, alors qu'il était sur le point de partir en voyage pour se reposer d'une année mouvementée.

Diane Bérard - La victoire est-elle aussi agréable que la bataille ?

Anthony Lacavera - La dernière année a été un tour de montagnes russes et j'en ai adoré chaque seconde. J'ai aimé le défi et j'ai beaucoup appris. Je n'avais jamais participé à des audiences du CRTC, par exemple. Mais la plus belle aventure débute maintenant : je me mesure enfin aux acteurs établis. Je sais que cela les contrarie, mais moi, cela me réjouit.

D.B. - Avez-vous envisagé la défaite ?

A.L. - Je croyais que ce serait plus facile. Je ne pensais pas devoir travailler aussi fort. Et même si je savais que je réussirais, je dois vous avouer que par moments je ne savais plus quel chemin emprunter. Heureusement, j'ai la capacité de me concentrer très longtemps sur quelque chose sans me fatiguer.

D.B.- Globalive est née de la frustration des Canadiens face aux acteurs établis des télécoms. Comment ferez-vous pour ne pas devenir aussi irritant qu'eux ?

A.L. - (Rires) Bell, Rogers et Telus ont placé la barre si basse en matière de service à la clientèle que ce ne sera pas difficile de la remonter et de faire mieux. Plus sérieusement, j'ai bâti Globalive à partir de rien il y a 11 ans. Je suis un entrepreneur, pas un gestionnaire recruté pour gérer une société inscrite en Bourse. Globalive, c'est moi, et sa réputation est la mienne.

D.B. - En quoi le fait d'être un entrepreneur plutôt qu'un gestionnaire influence-t-il votre stratégie ?

A.L. - Je prend mes décisions plus rapidement, et je les exécute plus rapidement. Cela me différencie de mes concurrents. Je suis en affaires depuis que j'ai 24 ans, c'est dans mon ADN de prendre des décisions.

D.B. - Pour gagner des clients, vous devrez les ravir aux autres fournisseurs. Allez-vous racheter leurs contrats et payer les pénalités ?

A.L. - Ce ne sera pas nécessaire. Chaque mois, il y a des milliers de Canadiens dont les contrats de téléphone sans-fil prennent fin. En fait, leur nombre dépasse les possibilités de nos services. Nous allons simplement travailler très fort pour que ces clients potentiels nous donnent une chance. Nous allons gagner leur confiance comme n'importe quel nouvel acteur dans un marché.

D.B. - Croyez-vous qu'en affaires, tous les coups sont permis ?

A.L. - (Rires) C'est un secteur compétitif et je suis prêt pour tout ce qui se présentera.

D.B. - Y a-t-il des choses que vous ne feriez pas ?

A.L. - Il y a des choses que je ne ferais pas à mes clients : les traiter de façon cavalière, par exemple, en leur offrant des forfaits complexes qu'ils comprennent à moitié.

D.B. - Et à vos concurrents ?

A.L. - Je ne leur vendrai pas mon entreprise ! Et ce, même quand elle vaudra une fortune.

D.B. - Vous avez réussi à faire renverser une décision du CRTC. Où avez-vous appris l'art du lobbying ?

A.L. - Cela fait 11 ans que je suis dans le secteur des télécoms. [N.D.L.R : en 1995, il débute comme fournisseur de services de télécoms pour les hôtels et les hôpitaux. En 2005, il achète le revendeur de services de téléphonie YAK pour 68 M$ US.] Ce n'est donc pas la première fois que je me frotte au CRTC. La différence, cette fois-ci, c'est que cela s'est passé sous les projecteurs. Sachez que les autres télécoms ont également eu leur armée de lobbyistes en permanence à Ottawa. Nous ferons de même.

D.B. - Êtes-vous satisfait de votre victoire ?

A.L. - Ce n'est que le début. Je considère la décision du 15 décembre comme la première manche seulement. Nos objectifs sont loin d'être tous atteints. J'ai bien l'intention d'entretenir une relation étroite et régulière avec Industrie Canada et le CRTC.

D.B. - Quel conseil donneriez à un entrepreneur qui doit faire du lobby pour un de ses dossiers ?

A.L. - Ne jamais abandonner. Tout est possible, mon histoire en témoigne. Ce qui importe, c'est de ne jamais perdre de vue ses objectifs et de ne pas abandonner.

D.B. - Le 4 septembre 2008, vous avez lancé le site wirelesssoapbox.com, où les Canadiens pouvaient se vider le coeur et réinventer le service sans-fil de leurs rêves. Toute une opération de marketing...

A.L. - Plusieurs y ont vu une arnaque marketing. C'est faux. Nous avons recueilli des données pour élaborer une offre qui correspond aux vrais besoins des clients, pour combler les failles de nos concurrents. L'entrepreneuriat, c'est cela.

D.B. - Quel est le profil de votre client-type ?

A.L. - Nous procédons par étapes. Lors de la phase 1, nous viserons les Canadiens qui désirent remplacer leur téléphone résidentiel par un appareil sans fil. C'est l'étape la plus difficile, car c'est le moment où nous devons asseoir notre réputation et notre crédibilité. Ensuite, lors de la phase 2, nous élaborerons des offres pour les municipalités, les petites entreprises et les autres consommateurs.

D.B. - Le ministre de l'Industrie a renversé une décision du CRTC pour vous. Qu'est-ce que Globalive rapportera à l'économie canadienne ?

A.L. - Nous rendrons le secteur des télécoms plus efficace en rendant les communications plus abordables, donc plus accessibles. Or, il est prouvé qu'un secteur des télécoms efficace a un impact direct sur le produit intérieur brut (PIB). Il permet à un pays d'être plus compétitif, les gens y communiquent plus et mieux, donc ils sont plus productifs. De plus, nous avons créé 800 emplois jusqu'à maintenant.

D.B. - Votre principal actionnaire est Égyptien [N.D.L.R. Orascom est propriétaire de 65 % de Globalive], le prochain centre d'appel de Globalive sera-t-il situé en Égypte ?

A.L. - Nous avons ouvert un centre d'appels en Ontario pour nos clients Ontariens, et lorsque nous seront présents sur le marché québécois [N.D.L.R. Il n'a donné aucune précision sur la date de son entrée sur le marché québécois], nous y ouvrirons un centre d'appels. Sur la liste des irritants mentionnés sur le site wirelesssoapbox.com, les centres d'appels à l'étranger sont revenus très souvent. Je vous ai dit que nous avons bâti notre offre pour combler les failles de nos concurrents.

LE POURQUOI

Globalive est le premier nouvel opérateur de sans-fil au Canada en dix ans. L'intervention du ministre Tony Clement peut ouvrir la porte à une révision des règles de propriété étrangère pour les sociétés canadiennes de télécoms, ou tout le moins à d'autres cas-limites. Enfin, Anthony Lacavera suit ses propres règles.

Le chiffre

30 % des 40 millions consacrés à faire connaître la marque Wind Mobile, de Globalive, seront investis dans Internet.

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