" Les valeurs immobilières vont baisser "

Publié le 01/11/2008 à 00:00

" Les valeurs immobilières vont baisser "

Publié le 01/11/2008 à 00:00

Premier vice-président, immobilier, de la Caisse, Fernand Perreault est une figure respectée de l'industrie immobilière. Nous l'avons rencontré pour discuter de la stratégie de son institution alors que le secteur s'engage dans la phase baissière de son cycle. Il a répondu sans détours à nos questions.

Journal Les Affaires - La Caisse de dépôt détient plus d'immobilier que les autres caisses de retraite. Pourquoi ?

Fernand Perreault - Si on combine le portefeuille de dettes hypothécaires et d'immeubles, c'est vrai qu'on a le plus gros portefeuille immobilier. En termes d'immeubles seulement, on est parmi les plus élevés, mais Teachers' et OMERS en ont pas mal aussi.

JLA - Rares sont les caisses qui jouent aux prêteurs hypothécaires. Pourquoi le faites-vous ?

F.P. - Notre situation n'est pas si différente de celle des autres. Depuis que les gouvernements font moins de déficit, il y a moins d'obligations gouvernementales. Dans les autres caisses, on retrouve beaucoup plus d'obligations d'entreprises qu'il y a 10 ans, alors que le portefeuille à revenu fixe était composé d'obligations gouvernementales. À la Caisse, on a orienté une partie du portefeuille vers les dettes hypothécaires parce qu'on avait l'expertise et la capacité de le faire.

JLA - Compte tenu de la dégradation de la conjoncture immobilière, comment se comporteront vos deux portefeuilles, les immeubles et les dettes hypothécaires ?

F.P. - L'écart entre les taux d'obligations gouvernementales et les taux hypothécaires s'est creusé depuis un an. L'impact à la baisse a été instantané sur la valeur de nos hypothèques, tandis qu'il n'a pas encore eu d'effet important sur la valeur des immeubles. Selon moi, le resserrement des écarts de crédit se produira d'ici 12 mois, à un moment où la valeur des immeubles va baisser. En 2009-2010, le portefeuille hypothécaire devrait mieux se comporter que celui des immeubles pour ce qui est de la valeur. En 2008, ça risque d'être l'inverse. On le saura le 31 décembre.

JLA - Quel sera l'effet de la crise financière sur la valeur de vos immeubles ?

F.P. - Il va y avoir un impact. Si ce n'est pas cette année, ce sera l'année prochaine. Les valeurs immobilières vont baisser légèrement dans tous les marchés au cours des 18 prochains mois. C'est déjà commencé dans le secteur des immeubles de bureaux depuis un an.

JLA - Doit-on craindre un krach immobilier mondial ?

F.P. - Les données fondamentales, comme le taux d'occupation et le niveau des loyers, restent solides. Les revenus d'exploitation sont au rendez-vous et le seront l'an prochain. Ils baisseront peut-être un peu prochainement. Mais ça ne sera pas la catastrophe, parce qu'il n'y a pas eu beaucoup de construction ces dernières années. Rien de comparable avec les récessions précédentes.

JLA - Certains déposants, comme la Régie des rentes, ont des proportions considérables d'immobilier dans leur portefeuille. Que diriez-vous à un travailleur pour le rassurer ?

F.P. - Il devrait se réjouir que ces fonds n'aient pas été placés à la Bourse, qui a beaucoup baissé depuis six mois ! Sérieusement, le marché immobilier est beaucoup plus stable que les marchés boursiers. Je ne pense pas qu'il y ait de risques importants à avoir une forte proportion du portefeuille en immobilier en ce moment.

JLA - Personne ne voyait de grand risque lié au papier commercial; pourtant, le secteur s'est planté. Qui nous dit que vous ne vivrez pas la même situation avec l'immobilier ?

F.P. - Il n'y a pas de rapprochement à faire avec le papier commercial adossé à des actifs, selon moi. Le PCAA fait partie des placements structurés, des produits compliqués relativement nouveaux. Il était difficile de prévoir leur évolution, car ils n'avaient pas été expérimentés auparavant. L'immobilier, c'est encore un métier de bon paysan : on possède un immeuble, bien situé ou pas; bien entretenu ou pas; avec de bons locataires ou pas. C'était comme ça il y a 40 ans, et ça l'est encore aujourd'hui.

JLA - Allez-vous revoir votre cible d'affectation de l'actif en immobilier ?

F.P. - Il est au niveau que nous jugeons optimal. Nous pensons conserver ces pourcentages pendant un certain temps. Il n'y aura pas de rentrées de fonds importantes dans ce secteur de la part des déposants dans les années qui viennent.

JLA - Votre équipe d'immobilier est-elle devenue trop grosse pour la taille des déposants ?

F.P. - À partir du moment où on est à maturité en termes d'affectation de l'actif pour nos déposants en immobilier, si le groupe immobilier veut maintenir sa croissance, il faudra trouver des fonds ailleurs. On a une décision à prendre. C'est un des enjeux qui nous attendent.

JLA - La valeur des actions ayant baissé de 40 % depuis janvier, la proportion d'immobilier dans vos actifs va augmenter, par le principe des vases communicants. Qu'allez-vous faire ?

F.P. - C'est sûr que ça va avoir une influence. On ne vendra pas en catastrophe parce qu'il y eu des variations importantes dans les marchés liquides. On verra la situation fin décembre et on agira en conséquence. Quoi qu'il en soit, ça ne déclenchera pas de vente de feu. Mais c'est sûr que la Caisse achètera moins. C'est une bonne chose parce qu'on pense que les valeurs vont diminuer d'ici un an. Si je me fie à mon expérience des cycles précédents, l'immobilier monte, il se stabilise, et quand il part à la baisse, c'est pour longtemps.

SELON LA THÉORIE FINANCIÈRE, LE RATIO OPTIMAL EN IMMOBILIER EST DE 30 %

Avec près de 20 % de son avoir net investi en immobilier, la Caisse de dépôt n'est pas trop exposée, selon la théorie financière. " La quasi-totalité des études font apparaître que la part de l'immobilier dans un portefeuille mixte, c'est-à-dire composé de plusieurs catégories d'actif, devrait se situer dans une fourchette de 20 à 30 % ", écrit le professeur suisse Martin Hoesli dans une étude parue en 2003 que François Des Rosiers, professeur de l'Université Laval, nous a fait parvenir.

L'investissement immobilier joue un rôle bénéfique dans la diversification d'un portefeuille, car il bonifie le rendement global pour un risque moindre.

En pratique, par contre, peu d'investisseurs institutionnels vont si loin. Pourquoi ? L'illiquidité des placements immobiliers et les coûts de transaction élevés découragent les institutionnels d'investir dans le secteur comme il se doit, avance M. Hoesli.

14 %

Proportion de l'actif des caisses de retraite suisses investie en immeubles en 2007, d'après une étude comparative d'UBS Asset Management. La Suisse est suivie de l'Australie (10 %), du Canada (9 % selon PIAC), du Royaume-Uni (7 %), des Pays-Bas (6 %), de la Suède (5 %), des États-Unis (2 %) et du Japon (2 %).

andre.dubuc@transcontinental.ca; hugo.joncas@transcontinental.ca

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