" Faire plus d'argent n'est pas toujours plus rentable à long terme "

Publié le 15/05/2010 à 00:00

" Faire plus d'argent n'est pas toujours plus rentable à long terme "

Publié le 15/05/2010 à 00:00

L'Américaine Christine Day gère une des plus grandes marques canadiennes, Lululemon. Au-delà des camisoles, leggings et autres vêtements de yoga, Lululemon vend un style de vie. Les clientes achètent une " attitude " vis-à-vis de la santé et du bien-être. Même celles qui n'ont jamais mis les pieds dans un cours de yoga ont adopté cette griffe. Difficile de ne pas faire le parallèle avec une autre marque " style de vie ", Starbucks. Normal, Christine Day a fait partie de l'équipe de direction de Starbucks pendant 20 ans. Nous l'avons jointe à son bureau de Vancouver.

Diane Bérard - Lululemon nous vend la santé et le bonheur. Comment est-ce d'être parfait ?

Christine Day - (Soupir) Le monde est trop compliqué pour que nous prétendions être parfaits ! On a beau croire en la responsabilité sociale de son entreprise et agir en ce sens, il serait naïf de se penser à l'abri. À n'importe quel moment, un de nos fournisseurs ou de nos employés peut faillir. Ce qui compte pour une entreprise, ce n'est pas d'être parfaite, mais bien la façon dont on réagit aux imperfections. Et c'est au pdg qu'incombe la responsabilité de nettoyer les dégâts, car il y en a toujours.

D.B. - Tous les détaillants rêvent de bâtir une marque pour que leurs affaires soient plus faciles...

C.D. - C'est vrai. Cependant, il faut être prêt à en payer le prix. Les entreprises petites et peu connues passent sous le radar des médias. Et lorsqu'ils en parlent, celles-ci jouissent d'un capital-sympathie qu'aucune grande société n'aura jamais, surtout si elle est inscrite en Bourse. Notre marge de manoeuvre est limitée, il en faut bien peu pour allumer la critique.

D.B. - Votre entreprise s'est attiré la colère du comité olympique de Vancouver.

C.D. - Mettez-vous à notre place : un événement international se tient dans votre ville et vous ne pouvez pas en profiter. Laissez-vous tomber ou bien... Nous avons tenté de conclure une entente, mais il ne restait aucune place pour nous dans l'équation, La Baie avait décroché la commandite de vêtements. Nous avons alors imprimé au dos d'un des nos chandails un slogan n'utilisant aucun des mots proscrits par le comité organisateur de Vancouver (COVAN); cela a donné : " Événement sportif cool qui se déroule en Colombie-Britannique entre 2009 et 2011 ". Nous nous sommes retrouvés au centre d'une tempête médiatique.

D.B. - Regrettez-vous d'avoir contourné le règlement de la COVAN ?

C.D. - Pas du tout. Par contre, cela m'ennuie que cette histoire de slogan ait obscurci nos autres initiatives olympiques, comme nos cours de yoga gratuits.

D.B. - Vos derniers résultats trimestriels sont excellents (hausse des profits de 48 %, et des revenus, de 28 %), quelles sont les tentations associées à la réussite ?

C.D. - Il y a l'effet de mode et l'argent facile. Je vous donne deux exemples : les tissus organiques et les adolescentes. Les tissus organiques sont très recherchés, mais Lululemon est un détaillant de vêtements athlétiques. Même chose pour le marché des adolescentes. Elles aimeraient une gamme rien que pour elles. Mais que dira ma cliente de toujours, qui a 32 ans, si Lululemon change d'allure ? Faire plus d'argent n'est pas toujours plus rentable à long terme.

D.B. - Comment avez-vous traversé la crise ?

C.D. - En réduisant nos dépenses de façon draconienne avant la tempête. Au printemps 2008, nous avons jeté un regard sans complaisance afin d'évaluer nos activités. Nous avons stoppé l'ouverture de succursales, sauf lorsque des baux étaient signés, ainsi que les dépenses en technologie. Par contre, nous avons investi dans notre plateforme de commerce électronique. À l'automne 2008, quand la crise a frappé, nous étions prêts : grâce à la restructuration, nous pouvions perdre 50 % de notre chiffre d'affaires et tenir le coup. Nous n'avons pas réduit nos prix, car nous ne voulions pas toucher à l'intégrité de notre marque.

D.B. - Le vêtement est souvent associé aux ateliers de misère et au travail des enfants. Comment vous assurer que votre produit n'est pas le fruit de l'exploitation ?

C.D. - Nous travaillons avec des tissus techniques qui exigent une machinerie sophistiquée. Difficile de trouver pareille machinerie - et les employés pour l'opérer - dans un atelier de misère. Nos vêtements doivent être fabriqués dans des usines de pointe. Nous avons 17 fournisseurs, et 24 % de ceux-ci sont installés au Canada, les autres sont en Chine, à Taïwan, au Pérou et en Israël.

D.B. - Vous avez 70 magasins aux États-Unis. Pourquoi peu de détaillants canadiens réussissent-ils là-bas ?

C.D. - Lorsqu'un détaillant américain s'établit au Canada, nous avons déjà été exposé à sa marque. L'inverse n'est pas vrai. On sous-estime le travail de terrain nécessaire avant d'enregistrer ses premières ventes. Dans un nouveau marché, notre méthode consiste à installer une salle d'exposition (1 000 pieds carrés) dans un quartier cool de la ville où les clientes peuvent être en contact avec nos produits quelques jours par semaine. Nous y donnons des cours de yoga. Cette période de découverte peut durer jusqu'à un an. Ensuite seulement, nous inaugurons un vrai magasin.

D.B. - Vous avez travaillé 20 ans chez Starbucks, qu'y avez-vous appris ?

C.D. - À bâtir une marque en misant sur l'interaction avec le client, et surtout, à gérer la croissance. Et les erreurs que j'ai commises ont été aussi précieuses que mes bons coups.

Le pourquoi

Lululemon est une des rares marques canadiennes à connaître le succès aux États-Unis. Son expérience peut inspirer d'autres détaillants tant sur le plan de son marketing que sur celui de sa stratégie pour séduire un nouveau marché. De plus, Lululemon appartient à cette nouvelle génération d'entreprises qui tente de conjuguer éthique et profits. L'équilibre est fragile, certes, mais il mérite qu'on s'y intéresse.

Le chiffre

18

Revenus, en millions de dollars, que Lululemon a tiré des activités de commerce électronique en 2009, à la suite d'un investissement de 500 000 $.

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