« Ça prend un retour à la diversité en agriculture » - Michel R. Saint-Pierre, président du Congrès mondial des agronomes

Publié le 15/09/2012 à 00:00

« Ça prend un retour à la diversité en agriculture » - Michel R. Saint-Pierre, président du Congrès mondial des agronomes

Publié le 15/09/2012 à 00:00

L'Organisation de coopération et de développement économiques estime que la production agricole devra augmenter de 60% d'ici 2050 pour nourrir la planète. Est-ce possible ?

Oui, mais il n'y a pas de solution facile et unique. Il y a l'amélioration des technologies, oui, mais ça prend un retour à la diversité en agriculture. Les pays qui accusent les plus grands déficits se sont consacrés à l'agriculture d'exportation pour obtenir des devises en échange. Ils produisent massivement du café ou du cacao, mais doivent importer la nourriture qu'ils consomment, sans toutefois en avoir les moyens. Alors ils dépendent de l'aide internationale, mais celle-ci a des effets pervers : les petits producteurs locaux qui voudraient vendre leur production ne peuvent concurrencer la gratuité. Il faut donc briser un cercle vicieux.

La crise alimentaire actuelle va-t-elle éveiller les consciences ?

En tout cas, elle nous montre la vulnérabilité de notre système. Les greniers du monde sont les États-Unis et le Brésil [respectivement 1er et 3e exportateurs de produits agricoles selon l'OMC, l'Union européenne occupant le 2e rang]. Notre voisin traverse une sécheresse et ne peut pas fournir ce qu'il faut. Les réserves alimentaires sont plus basses que jamais, et les valeurs boursières s'enflamment. Le prix du maïs a doublé en quelques mois. Les pays pauvres en souffrent. Ici, à court terme, le prix du boeuf et du porc baissera, car il y aura des abattages massifs pour réduire des productions qui deviennent moins rentables. Les prix vont remonter ensuite, car la production sera moins importante.

Faut-il un retour du protectionnisme pour retrouver la diversité agricole qui comblera la faim ?

Il faudra peut-être revenir au protectionnisme, même s'il est mal vu aujourd'hui. En agriculture, l'objectif étant de nourrir les gens, nous devrons être ouverts à l'idée de protéger le garde-manger de chacun pour éviter que les déséquilibres ne se poursuivent. La concurrence mondiale ne se fait pas à armes égales. Au début du 20e siècle, l'écart de production entre un agriculteur nord-américain et un agriculteur africain moins outillé était de 10 pour 1 ; mais il s'est creusé à 3000 pour 1 aujourd'hui. On peut par conséquent s'interroger sur l'ouverture des marchés ; il faut éviter la poursuite du déséquilibre, éviter que les nations dont le potentiel est plus faible continuent d'être aussi désavantagées. Si on ne produit que dans les endroits où les conditions sont meilleures, on laissera beaucoup de monde sur le carreau. On ne peut pas assimiler la production de nourriture à d'autres secteurs économiques qui évoluent dans un libre marché, car il s'agit de produits de première nécessité.

CV

NOM : Michel R. Saint-Pierre

TITRE : Président du Congrès mondial des agronomes

ÂGE : 67 ans

Diplômé en agronomie ainsi qu'en administration des affaires, M. Saint-Pierre a notamment été sous-ministre au MAPAQ de 2004 à 2008, après avoir présidé la Financière agricole du Québec.

1000

Le Congrès mondial des agronomes, qui se tient tous les quatre ans, abordera cette année le thème « Nourrir le monde ». Il réunira 1 000 experts de l'agriculture, de la santé et de l'alimentation à Québec, du 17 au 21 septembre.

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