Le beurre et l'argent du beurre

Publié le 14/09/2011 à 13:20, mis à jour le 14/09/2011 à 13:51

Le beurre et l'argent du beurre

Publié le 14/09/2011 à 13:20, mis à jour le 14/09/2011 à 13:51

BLOGUE : Dans tout le brouhaha médiatique entourant la « quasi-faillite » des États-Unis et de certains pays européens, peu d’individus ont réussi à aligner des chiffres compréhensibles pour tous. Dette brute, dette nette, PIB, PNB, dollar constant, dollar courant, sont autant de définitions qui permettent une fois de plus de faire dire à peu près n’importe quoi aux chiffres.

Lorsque l’on compare les finances publiques des pays, il faut considérer non seulement la dette globale de toutes les entités gouvernementales (dette brute), mais aussi l’argent en caisse (i.e. réserves de la banque centrale), ce qui nous donnera alors la dette nette. Puis il faut analyser la ponction fiscale et les dépenses de tous les paliers gouvernementaux et non pas seulement le fédéral, ce qui nous donne une meilleure base de comparaison. Comme si nous parlions de la dette du Canada sans parler de celle des provinces et des municipalités.

Premier constat : nos voisins américains sont fortement endettés, certes, mais de façon semblable à bien d’autres pays. Le fait que ce soit la plus grande économie du monde – et de très loin – leur donne aussi le droit d’être le pays le plus endetté. Que le ratio d’endettement net soit de 50% ou 70% du PIB ne change pas grand-chose, l’important c’est la capacité de pouvoir un jour renverser la tendance.

En 1995 le Canada dépassait les 100% d’endettement brut, puis décida de faire un nettoyage pour finalement se retrouver à 68% au début de la crise actuelle. Nos gouvernements n’avaient plus le choix de réagir, mais surtout et heureusement, ils en avaient la capacité. En à peine dix ans, nous sommes passés de cancre à premier de classe. Aujourd’hui nous sommes revenus au milieu du rang.

Deuxième constat, le pays le plus endetté de tous en %, le Japon, avec un ratio deux fois plus élevé que les États-Unis et une dette notée à AA-, n’a pourtant aucune difficulté à s’endetter encore plus, et à des taux dérisoires, signe que le ratio peut être étiré encore plus. Mais l’Espagne, avec un endettement moindre que beaucoup d’autres pays, est pourtant dans le collimateur de plusieurs comme étant un cas problème. La différence entre le Japon et l’Espagne réside ailleurs, soit dans le trésor économique que le premier a réussi à créer durant les années 70-80. Même si le Japon n’a affiché qu’une croissance anémique moyenne de 0.2% au cours des 20 dernières années, il continue à avoir un compte courant fortement positif. C'est-à-dire que plus d’argent rentre au pays qu’il n’en sort, merci à Toyota, Mitsubishi, Canon, Nissan, Panasonic, Bridgestone et autres marques mondiales qu’ils possèdent.

Troisième constat, les États-Unis ont la capacité d’augmenter le fardeau fiscal actuellement à 32% (n’en déplaise au Tea Party), ce que plusieurs pays européens n’ont pas. Mais est-ce que ça réglera leurs problèmes ? Certains pays comme la Norvège et le Danemark sont parmi les plus taxés de tous et n’ont pourtant pas créé de dettes. Là aussi le dynamisme du commerce extérieur de ces deux pays y est pour quelque chose. L’argent provenant de l’exploitation primaire sert aux bénéfices de tous. Social, mais discipliné, un exemple à suivre pour le Québec et le Canada !

Les États-Unis peuvent espérer équilibrer les comptes financiers, mais il faudrait tout d’abord équilibrer celui du commerce extérieur qui détruit l’économie et les finances américaines. N’eut été du rôle que joue la Chine dans ce déséquilibre, nous n’en serions pas là aujourd’hui. Mais maintenant que le chinois est à l’américain ce que le « dealer » est au « junkie », chacun semble avoir besoin de l’autre. C’est de cette dépendance que les américains devront se soigner avant tout.

Difficile de conclure clairement sur la suite des événements, mais pour moi il est clair que les pays dont les finances sont en forts déséquilibres vont devoir rapidement trouver des solutions pour rajuster les comptes. La pénalité n’est peut-être pas encore assez importante, mais bientôt elle le sera pour ceux qui espèrent toujours avoir le beurre et l’argent du beurre. Plus de taxes, moins de dépenses vont être à l’agenda de plusieurs pays mais ce qui est moins clair sera la réaction des marchés lorsque les ministres élaboreront leurs plans futurs. Lorsqu’il y aura moins d’argent, il faudra couper dans le beurre.

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À propos du blogue "Barrière sans frontières" :

À cheval depuis vingt-cinq ans entre le domaine financier et la PME, entre l’Europe et l’Amérique, François Barrière tentera au travers de son blogue de vous apporter des éclaircissements sur des événements financiers internationaux que certains analystes se plaisent à compliquer. Vulgarisateur apprécié, il tire aussi bien de la gauche que de la droite.

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