Sony Pictures considère-t-elle tous ses clients comme des criminels en devenir?

Publié le 25/02/2010 à 10:37

Sony Pictures considère-t-elle tous ses clients comme des criminels en devenir?

Publié le 25/02/2010 à 10:37

Par Alain McKenna

Source: Ars Technica

Blogue. Ah, la savoureuse saga du piratage numérique… Comme dirait l'autre, ça vous décroche un rêve. Celui de voir la toute arrogante industrie américaine du divertissement arrêter de se prendre pour le centre de l'univers. Ou de considérer chacun de ses propres clients comme des criminels en devenir.

Vous le verrez dans le Journal Les Affaires de cette semaine, l'entrevue de 60 secondes de mon collègue François Normand avec Frances Seghers, la vice-présidente de Sony Pictures. Elle déplore le laxisme du Canada en matière de protection des droits d'auteurs, expliquant qu'il faudrait durcir le ton envers les sites qu'elle juge illégaux, ceux qui distribuent du contenu pair-à-pair (P2P), ou, en un mot : les sites Bittorrent.

 

Le fameux rapport 301 : « sans objectivité »

Cela nous ramène à un rapport spécial annuel du gouvernement américain, appelé le rapport 301, qui dresse une liste des pays qui protègent le moins le droit d'auteur américain. L'an dernier, le Canada a fait son apparition parmi les pays à surveiller du gouvernement américain, aux côtés de la Chine et de la Russie.

Le piratage au Canada est pire qu'en Chine, estime Mme Seghers, parce qu'ici, en plus de pirater en toute liberté, hé bien on parle anglais. Ça fait des Canadiens des pirates-consommateurs, sans doute la pire combinaison qui soit. Tiens, demandez à Google ce qu'elle en pense, de cette comparaison Canada-Chine, pour voir…

Cette année, la consultation publique pour le rapport spécial 301 de 2010 s'est terminée la semaine dernière. L'Alliance internationale pour la propriété intellectuelle (IIPA) a profité des dernières heures de consultation pour remettre un rapport attaquant assez particulièrement merci le Canada, et exigeant des changements musclés à ses lois en la matière.

L'an dernier, le ministère des Affaires étrangères avait déclaré, à propos du 301 : « Au sujet de la liste [des pays à surveiller], le Canada ne reconnaît pas le procédé derrière son élaboration. Il lui manque tout simplement une véritable analyse fiable et objective. Elle est essentiellement élaborée par des entreprises américaines. Nous avons fait remarquer plusieurs fois à nos partenaires américains ce problème de manque d'objectivité au moment de rédiger cette liste. »

Le gouvernement canadien n'a pas participé aux consultations cette année.

 

Les arguments de l'industrie américaine

Le portail Ars Technica, qui n'en manque pas une, cite quelques extraits résumant le rapport de l'IIPA, qui allègue que le Canada « s'est rapidement fait une réputation de paradis où les organisations internationales de piratage aux méthodes technologiquement sophistiquées peuvent opérer avec une virtuelle impunité. »

Ses arguments se basent sur les faits suivants : l'absence d'une loi sur la question du contournement des systèmes de gestion numérique des droits d'auteurs, une pénalité monétaire (limitée à 500 $) trop faible pour quiconque enfreint le respect des droits d'auteurs pour un usage personnel, et le fait que, malgré une taxe spéciale imposée sur les médias inscriptibles, comme les disques compacts, il ne soit pas explicitement expliqué aux consommateurs que ces médias ne devraient servir qu'à copier du contenu qui n'est pas protégé par des droits d'auteurs.

En fait, l'IIPA, comme la MPAA, la RIAA et les autres, a surtout une grande crainte : voir les sites P2P continuer de prospérer. Et à ce sujet, l'IIPA mentionne que 4 des 10 plus importants sites Bittorrent dans le monde sont hébergés au Canada.

Conclusion : le Canada doit sévir plus durement en matière de protection de la propriété intellectuelle. Partout, sur tous les fronts.

L'industrie américaine du divertissement met tout le monde dans le même panier : elle ne juge pas légitime d'épargner le consommateur, son client, qui ne tente que de convertir ses propres albums en un format compatible avec son nouveau baladeur vidéo.

Pour elle, on dirait que tous ceux qui ne lui rapportent pas d'argent sont des criminels, ou s'ils ne le sont pas, vite qu'on rédige une loi afin qu'ils le deviennent.

 

La loi canadienne : déjà plus sévère

Howard Knopf, un avocat d'Ottawa qui veille à mettre au jour les abus dans la protection de la propriété intellectuelle, a lu tout ceci, a cogité un brin, et a rédigé un billet sur son blogue où il dresse une liste de 21 arguments selon lesquels la loi canadienne en matière de droit d'auteur est plus sévère que la loi américaine.

C'est simple : au Canada, même le TiVo, un enregistreur numérique qui permet de regarder la télé en différé, à sa guise, et qui est hyper populaire aux États-Unis, est illégal!

Howard Knopf ajoute:

« Il n'existe aucune preuve vérifiée ni fiable que les problèmes de piratage ou de contrefaçon du Canada soient aussi, ou plus graves que dans les autres pays. En fait, le marché nord-américain le plus accessible, et le plus grand, pour du contenu piraté ou contrefait, se trouve toujours dans les rues du bas Manhattan et du mid-town Newyorkais. »

À quelques reprises, l'industrie du film et du divertissement s'est fait offrir l'occasion de prouver que la loi canadienne était déficiente en matière de protection des droits d'auteurs. Elle aurait même pu s'en prendre exclusivement au phénomène du partage de fichiers, le fameux Bittorrent, et laisser les méchants consommateurs de côté, peut-être pour une deuxième ronde, pour plus tard.

Elle ne l'a pas fait. Elle recourt plutôt au lobby international que lui offrent des tribunes comme le rapport 301.

Durcir la loi canadienne? Non merci. L'adapter aux nouvelles technologies? Absolument. Ce serait la moindre des choses.

Mais si on vous donne la partie de Bittorrent qui vous intéresse, est-ce que vous nous donnerez le TiVo?

 

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