Bio Jade Adam Granger, 28 ans, Designer de jeu, Ubisoft

À seulement 28 ans, la jeune femme aux cheveux roses et haut perchée sur ses talons a déjà l'aplomb d'une grande.

Mais surtout, elle fait tomber les a priori qui collent encore aux joueurs de jeux vidéo (gamers), que certains imaginent cloîtrés devant leur machine, hermétiques à ce qui les entoure. Parce qu'en plus de jouer une trentaine d'heures par semaine en couple, avec des amis ou en famille, Bio Jade lit, cuisine, sort, danse et s'exerce même au violon.

Sa passion des jeux, c'est en famille qu'elle l'a découverte. «Mon père s'est acheté la Famicom, la console 8 bits de Nintendo, et c'est rapidement devenu la mienne. Mes parents ont été mes premiers fans, ils adoraient me regarder jouer. Ma soeur aussi, surtout quand j'en faisais des histoires, que j'exagérais pour l'amuser !»

De fil en aiguille, son intérêt pour la narration s'est développé. «J'aimais être responsable de ma propre expérience, et surtout pouvoir la contrôler.»

Pourtant, rien ne laissait présager qu'elle en ferait une carrière, jusqu'à ce qu'elle s'essaie à HEC Montréal. «Ça a été la douche froide qui m'a fait me rendre compte que je ferais de ma passion mon métier.»

En 2011, après cinq années d'études et à quelques mois de l'obtention de son diplôme, son talent se confirme quand elle gagne le concours interuniversitaire de prototypage de jeux vidéo, organisé par Ubisoft.

Tout va ensuite très vite ; après l'École d'été du géant de l'industrie qui offre aux lauréats de concrétiser leur projet, elle entre dans la cour des grands. «Maintenant, c'est moi qui encourage la relève en allant la rencontrer dans les écoles», raconte celle qui est devenue membre du jury, puis présidente de la compétition qui l'a sacrée gagnante trois ans auparavant. «Ma force, c'est ma capacité à vulgariser et à comprendre la réalité des différents acteurs de l'industrie.»

Et quand on lui demande ce que signifie être une femme dans un milieu majoritairement masculin, elle répond sans une hésitation : «Les filles ont une sensibilité complètement différente. Évidemment j'ai croisé des regards dubitatifs au début, puis j'ai fait mes preuves».

«Le monde des jeux vidéo est un méchant concentré d'adrénaline, je suis bonne dans ce que je fais parce que je suis rationnelle et réfléchie, ça guide toutes mes décisions», soutient la designer pour qui l'empathie est l'une des qualités requises à la création de jeux. «Ils sont destinés aux clients, nos émotions ne doivent pas nous influencer.»

La suite des choses pour Bio Jade ? «J'ai plein de choses en tête. J'aimerais par exemple m'investir dans le sport électronique [compétitions multijoueurs], un marché fascinant, mais peu exploité.»