" Contrairement à la croyance, nous ne sommes pas démocratiques "

Publié le 13/03/2010 à 00:00

" Contrairement à la croyance, nous ne sommes pas démocratiques "

Publié le 13/03/2010 à 00:00

Par Diane Bérard

Le 15 janvier 2001, l'Américain Jimmy Wales lance Wikipédia. Près de dix ans plus tard, 30 millions de personnes consultent ce site tous les mois. Reconnu par le magazine Time comme une des personnalités les plus influentes du monde, Jimmy Wales est tout sauf banal. L'entrepreneur de 43 ans a suscité de nombreuses controverses, tant sur le plan personnel que professionnel. Ainsi, il affirme qu'il est le seul fondateur de Wikipédia, alors qu'un certain Larry Sanger aurait grandement collaboré au concept. Tombeur invétéré, Jimmy Wales aurait rompu en modifiant le profil de son ex-conjointe sur Wikipédia plutôt qu'en lui annonçant ! Gagner sa vie n'est pas une nécessité pour lui, la fortune qu'il a amassée alors qu'il travaillait comme trader suffirait pour le reste de ses jours. Il aurait fourni tous les fonds nécessaires au démarrage de Wikipédia. Les Affaires l'a rejoint à son domicile de St-Petersburg, en Floride.

Diane Bérard - Vous dites que Wikipédia est à la fois une démocratie, une aristocratie et une monarchie, expliquez-vous.

Jimmy Wales - C'est une démocratie parce que nous menons des élections, nous votons pour élire des représentants, et que l'information est créée par les internautes. L'aristocratie se manifeste de deux manières : certains membres sont plus influents que d'autres, et notre conseil d'administration compte neuf personnes. Et le monarque, c'est moi !

D.B. - Quel est le mythe le plus persistant à propos de Wikipédia ?

J.W. - Notre côté démocratique. Vous croyez que les textes que vous lisez sont le résultat de milliers de phrases mises bout à bout par 10 millions de personnes qui travaillent de façon collégiale. Or, à peine 18 % des ajouts ou des modifications sont effectués par des utilisateurs anonymes. En fait, un groupe d'environ 3 000 personnes alimentent régulièrement la plupart des entrées. Et un noyau dur de 600 à 800 utilisateurs constitue notre véritable communauté de collaborateurs. De plus, contrairement à ce qu'on pense, ce ne sont pas des profanes qui fournissent l'information. La plupart de ceux qui y contribuent possèdent un degré d'expertise sur le sujet qu'ils enrichissent.

D.B. - Wikipédia s'inscrit dans la même tendance que MySpace et YouTube, des sites alimentés par les visiteurs.

J.W. - Pas du tout ! Nous ne sommes ni YouTube ni MySpace. Le contrôle de la qualité est au coeur de nos préoccupations. Vous n'avez aucune idée du temps que nous passons à discuter de nos préoccupations éditoriales, à savoir si une source peut être considérée comme fiable ou non, par exemple.

D.B. - Quelle est la plus grande force de Wikipédia ?

D.B. - La neutralité. J'ai lancé Wikipédia parce que je crois que si vous voulez changer le monde, ce sera grâce aux idées et à la raison, pas par la force ni les émotions.

D.B. - Et sa plus grande faiblesse ?

J.W. - Nous suivons les intérêts de nos membres plutôt que de toucher systématiquement à tous les sujets. Donc, notre contenu n'est pas aussi complet que celui d'une vraie encyclopédie.

D.B. - Chaque année, vous sollicitez les internautes sur votre site pour des dons, combien avez-vous amassé en 2009 ?

J.W. - Nous visions 7,5 millions de dollars (M$) et nous avons reçu 8 M$. Ce qui n'est pas mal du tout, compte tenu du fait que notre budget annuel s'élève à 10,5 M$.

D.B. - D'où viennent vos revenus ?

J.W. - De dons, de la Fondation Wikipédia, et de revenus que nous tirons de l'utilisation de notre marque.

D.B. - Décrivez votre modèle d'entreprise ?

J.W. - Nous avons 35 employés dans le monde, dont 30 au siège social de San Francisco. Nos coûts sont liés au local, à la bande passante - plus ou moins 5 000 dollars par mois - et au salaire des 30 employés. Et nous pouvons compter sur 10 000 volontaires pour nous appuyer dans nos activités.

D.B. - À qui appartient Wikipédia ?

J.W. - La Fondation Wikipédia en est propriétaire depuis 2003. C'est un organisme à but non lucratif.

D.B. - Wikipédia n'est pas votre premier projet d'affaires ?

J.W. - Non. Mais je précise que Wikipédia n'est pas un projet d'affaires, c'est un projet philosophique. Avant Wikipédia, il y a d'abord eu Bomis, un croisement entre un bottin en ligne et un moteur de recherche, alimenté par les utilisateurs. Bomis comptait 16 employés.

D.B. - Après Bomis, vous avez lancé Nupedia, l'ancêtre de Wikipédia.

J.W. - Nupedia comprenait tous les éléments de Wikipédia : il s'agissait d'une encyclopédie alimentée à partir de plusieurs sources. Mais plutôt que d'ouvrir le contenu à tous, comme nous l'avons fait par la suite avec Wikipédia, nous nous sommes tournés vers le sommet, et nous avons sollicité quelques experts. Après deux ans, nous n'avions que 24 entrées ! Un employé [N.D.L.R. Il s'agit de Larry Sanger, celui-là même qui affirme avoir cofondé Wikipédia] a présenté le concept du wiki : un site qui permet l'écriture collaborative. Nous avons développé un logiciel compatible avec les wikis et nous avons démarré.

D.B. - L'information de Wikipédia est gratuite et vient de tous, quel espoir reste-t-il pour les médias, veut-on encore payer pour l'information ? A-t-on encore besoin des journalistes ?

J.W. - Les gens paieront lorsque c'est pratique - lire le New York Times sur mon Kindle - et quand la qualité est exceptionnelle. Je ne paie pas pour les nouvelles, c'est dépassé. Les journaux aussi sont dépassés, on y trouve les infos des dernières 24 heures. Les journalistes ? S'ils veulent être vraiment utiles, au lieu de nous donner des nouvelles, qu'ils nous offrent des résumés de contenu plus fouillés.

D.B. - Quel est votre prochain projet ?

Nous développerons davantage Wikia. Comme Wiképédia, Wikia est une encyclopédie collaborative en ligne, mais on y trouve de la publicité. C'est donc une entreprise à but lucratif. Et elle est conçue par thèmes : on y trouve, par exemple, Lostpedia, un wiki portant seulement sur la série Lost. Wikia vient combler ce que Wikipédia ne fait pas.

Le pourquoi

Jimmy Wales appartient au club sélect des leaders Internet. Il a influencé la façon dont on communique et dont on s'informe. Il a contribué à développer le concept de communauté et de collaboration dans Internet. Depuis quatre ans, il participe au Forum économique de Davos en Suisse, et plus particulièrement, aux échanges du comité technologique qui se prolongent bien au-delà des quelques jours de cette réunion.

Le chiffre: 4

Jimmy Wales mange tout en quantité de quatre : fruits, légumes et croustilles. Il affirme qu'il n'est pas superstitieux, qu'il s'agit simplement d'une habitude.

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