Dire toute la vérité, rien que la vérité?

Publié le 03/02/2010 à 11:58

Dire toute la vérité, rien que la vérité?

Publié le 03/02/2010 à 11:58

Michel Dion, auteur du livre L’éthique de l’entreprise (Fides, 2007)

Tout le monde dit de petits mensonges de temps en temps. Il n’y a pas de mal… Mais en affaires, est-ce que cela constitue un problème ? Devrait-on dire la vérité, rien que la vérité? Peut-on se permettre des demi-vérités, voire un mensonge pour faire avancer les choses? Quelle est la limite moralement ou éthiquement acceptable à respecter en affaires ?

Il n’y a que trois possibilités quand vient le temps de séparer le vrai du faux dans vos interventions, et chacune a ses implications indique Michel Dion, éthicien et professeur titulaire à la faculté d’administration de l’Université de Sherbrooke :

-Dire toute la vérité. «La seule manière de garantir que l’on dit toujours la vérité est de le faire par devoir», affirme l’expert en éthique des affaires. «C’est une voie évidemment très exigeante.»

-Dire des demi-vérités. Cela consiste à divulguer des éléments qui sont vrais, mais en même temps, on dissimule de l’information. Soit parce que l’on considère que cette information n’est pas pertinente ou importante, soit parce que l’on veut protéger l’autre, explique Michel Dion.

Le président d’une entreprise en difficulté, qui pourrait devoir couper des postes si la situation ne s’améliore pas, n’expliquera pas toute la situation à ses employés de peur que le pessimisme les empêche de se serrer les coudes. S’agit-il d’un mensonge? «Il a dit une partie de la réalité, mais il en a caché une autre. Il peut se dire que s’il dit toute la vérité, l’effet sera terrible», indique M. Dion.

Peut-on se permettre ce type de demi-vérités pour arriver à nos fins? Selon l’éthicien, tant que l’intention n’est pas de tromper, les demi-vérités sont acceptables. Ce qui distingue la demi-vérité du mensonge, c’est toujours l’intention, selon M. Dion, auteur du livre L’éthique de l’entreprise (Fides, 2007). «Quand on veut manipuler l’autre, le contrôler, le tromper, on le déshumanise et on entre alors dans l’ordre du mensonge, peu importe ce qu’on a dit.»

-Mentir. Il y a deux façons de mentir, selon l’éthicien : dire le contraire ou différemment de ce qui est objectivement vrai.

Selon le spécialiste de l’éthique des affaires, les affirmations de type «nous avons le meilleur produit sur le marché» ne tombent pas dans la catégorie des mensonges. Par contre, il note qu’il faut faire attention à ne pas amplifier les avantages d’un produit par rapport à ses réelles spécificités… Par exemple, vanter les mérites «verts» d’un produit alors que ce n’est pas le cas. «Dès qu’on veut manipuler un client pour qu’il achète nos produits, on tombe dans le mensonge», rappelle M. Dion.

La limite éthique ou morale

Mais quelle est la limite moralement ou éthiquement acceptable à respecter en affaires ?

Le président de la firme de consultation Dave Anderson’s Learn to Lead suggère de travailler dans «une zone sans mensonge» et d’insister pour que les employés fassent de même. Il conseille de dire la vérité à tout prix (littéralement). À son avis, on devrait dire la vérité même lorsque ce n’est pas facile, populaire ou pratique. Vendre un produit au bon prix peut s’avérer moins rentable à court terme, mais la malhonnêteté et la déception peuvent finir par vous coûter beaucoup plus cher à long terme.

M. Dion est quant à lui moins catégorique. Dire toute la vérité, tout le temps, lui apparaît idéaliste et irréaliste. «Essayez de faire des affaires en disant toute la vérité ! Vos compétiteurs vont tout savoir. Il est difficile de voir là un principe pour tout le monde, dans tous les milieux d’affaires, partout dans le monde. C’est irréaliste.»

Les conséquences

Les «petits mensonges inoffensifs» sont courants en affaires. Par exemple, dire à sa secrétaire qu’on n’est pas là lorsqu’un client appelle. Ou encore, signifier à une cliente qu’il s’agit du dernier produit à ce prix, alors qu’il y en a d’autres dans l’entrepôt.

Mais attention ! Les «petits mensonges» peuvent causer de sérieux dommages à votre réputation, selon Dave Anderson, auteur du livre How to Run Your Business by THE BOOK: A Biblical Blueprint to Bless Your Business (Wiley, 2009).

«Éventuellement, vos mensonges vous rattraperont et nuiront à vos relations avec les clients, les vendeurs et les employés. Dans un monde d’affaires déjà instable, ce n’est pas un risque que vous devriez être prêt à prendre», affirme M. Anderson.

Michel Dion affirme pour sa part que les mensonges peuvent éventuellement mener à deux conséquences : la perte de confiance de vos collaborateurs et de vos partenaires d’affaires, et à ce qu’il appelle «l’escalade de la tromperie». «Vous commencez par des petits mensonges et éventuellement, vous allez plus loin. C’est un terrain glissant… Certains se rendront plus rapidement à de gros mensonges que d’autres. Mais quand on commence à mentir, on est sur une autoroute.»

Selon lui, les dirigeants ont une très grande responsabilité morale sur les épaules. Ils représentent l’entreprise, ils en sont le porte-étendard. Si leur éthique fait défaut, celle de l’entreprise ne volera pas plus haut…

 

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